Par Hervé Nifenecker
- Président fondateur de Sauvons Le Climat
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Ingénieur et docteur ès sciences, Hervé Nifenecker est Président fondateur du collectif  Sauvons le Climat, qu'il a créé en 2004. Il s'exprime sur "la chaîne Energie" à titre personnel...
La taxe carbone est née : un événement utile dans la perspective de Copenhague
Par Hervé Nifenecker
- Président fondateur de Sauvons Le Climat
jeudi 10 septembre 2009
Oui, même si la France émet peu de C02, la taxe carbone que vient de confirmer Nicolas Sarkozy est utile dans la perspective de Copenhague. A condition que les autres pays fassent preuve aussi de bonne volonté dans ce domaine
Compte tenu de la bonne performance des Français en matière d’émissions de CO2, était il utile d'instaurer une telle contribution Climat ?
Comme l’association Sauvons le climat (SLC), je pense que oui, dans la perspective de la conférence de Copenhague. Il s'agit, en effet, d'obtenir de nos partenaires à cette conférence qu'ils appliquent, eux aussi, ce type d'approche. Et la France ne doit pas hésiter à prendre argument de ses bons résultats pour se montrer exigeante à leur égard. Il est clair, toutefois, que si ceux-ci ne font pas preuve de bonne volonté et de détermination pour réduire d'autant plus leurs émissions qu'elles sont élevées, la France n'aura pas de raison de maintenir son propre effort.
L'effort demandé aux français est d'autant plus remarquable que, en ce qui concerne les émissions de CO2, ils sont parmi les plus vertueux dans l'union européenne comme on peut le voir dans le tableau ci-dessous:
France | Allemagne | GB | Italie | Danemark | Pays Bas | Espagne | |
tCO2/tête(2006) | 5,97 | 10 | 8,86 | 7,61 | 10,15 | 10,91 | 7,44 |
Objectif Kyoto (2008-12/1990 | 0% | -21% | -12,5% | -6,5% | -21% | -6% | 15% |
Réalisation 2007/1990 | -5,8% | -22,4% | -18% | 6,9% | -3,9% | -2,6% | 52,6% |
La raison du bon comportement de la France n'est pas mystérieuse : pour produire notre électricité nous faisons très peu appel aux combustibles fossiles. Pour améliorer encore nos performances il faut continuer dans cette voie : diminuer encore, si possible, notre recours aux combustibles fossiles pour la production d'électricité et remplacer l'usage des hydrocarbures pour le chauffage domestique et les transports par l'électricité.
C'est pourquoi la taxation de l'électricité serait plus qu'une erreur, une faute. D'autant que l'usage des combustibles fossiles pour la produire est déjà soumis au régime des permis négociables de l'UE et qu'elle est, de plus, taxée pour favoriser le développement de l'éolien et du photovoltaïque, d'une part, et, d'autre part, (oh paradoxe de la dérégulation!) pour aider les concurrents d'EDF à développer leurs moyens de production fossiles.
Nous pensons donc que la décision du gouvernement de ne pas taxer l'électricité est sage.
Il est, bien sûr, regrettable que la majorité de nos compatriotes semble hostile à la Contribution Climat. Sans doute l'effort de pédagogie des pouvoirs publics et, aussi, des ONG n'a pas été suffisant. Mais aussi on peut regretter qu'il n'y ait pas eu recherche d'un vrai consensus sur le principe de la Contribution Climat. Celui-ci aurait dû être recherché plus activement dans le cadre du Parlement. Il n'empêche qu'il est difficile de comprendre que certain(e)s, après avoir signé la Charte proposée par Nicolas Hulot, se déclarent hostiles à la « taxe carbone ». Il nous semble que, si débat politique il doit y avoir, il devrait porter, non sur la Contribution, mais sur son taux et sur la destination des sommes collectées.
Les choses étant ce qu'elles sont, il est nécessaire que les chèques verts soient versés, au moins partiellement, en avance, et non après collection de la Contribution. Il est très probable que de nombreux Français, dès réception des premiers versements, modifieront leur jugement initialement défavorable.
Les discussions sur la Contribution Climat ont mis en évidence un certain nombre de difficultés d'application, la plupart relevant de consommateurs « captifs ». En particulier, les habitants des zones rurales et de montagne ne pourront pas facilement changer de comportement. SLC suggère que les bio-carburants soient réservés à ces zones et que des aides spécifiques soient apportées pour modifier les motorisations afin de les rendre compatibles à un usage 100% bio-carburants. Remarquons que les techniques de fabrication des bio carburants seront d'autant plus pénalisées par la taxe qu'elles recourront davantage aux combustibles fossiles.
Il est clair que la décision d'instaurer une Contribution Climat en 2010 ne peut qu'être un premier pas. Il importe que les Français, autant que faire se peut, soit informés de l'évolution du prix à la consommation des combustibles fossiles dans les années prochaines. « Sauvons le Climat » rappelle sa préférence, aussi longtemps que la taxe n'est pas mondialisée, pour une prévisibilité du prix TTC des combustibles fossiles plutôt que de la taxe.
Enfin il faut souligner que l'instauration d'une Contribution Climat ne devrait pas empêcher l'utilisation de la réglementation ni des mesures de type bonus-malus dont l'efficacité a été largement prouvée.
religion verte.Il est vrai qu'un immense business est en train de se monter et il y a beaucoup d'argent en jeu.Ce qu'on ne comprend pas,si vous aviez raison, pourquoi le seul co2 et pas les 2 autres gaz à effets de serre ;le méthane et la vapeur d'eau nesont pas concernés ? peur des paysans et du lobby nucléaire?
on aurait pu laisser faire le marché ,quand les énergies deviennent trop chères, les gens s'adaptent (sauf si le gouvernement s'en mêle) mais ça c'est le diable libéral
Finalement Sarkozy productiviste défendant la croissance avec les dents donc la pollution ou sarkozy l'écolo défendant la nature et donc les enfants de la décroissance héritiers du club de Rome faudra choisir??comment concilier tout cela? faut être un politicien pour croire au mélange de l'huile et de l'eau
[Réponse de l'auteur]
Oui nous croyons que l'augmentation rapide des concentrations de GES dans l'atmosphère est due aux activités humaines. La conséquence de cette augmentation en terme de réchauffement est très probable et, à notre connaissance, personne n'a démontré de façon crédible que les GES n'avaient pas d'influence sur le climat et la température. Ce qui peut être discuté c'est la rapidité du réchauffement et son caractère plus ou moins dangereux. Pour une discussion plus approfondie je vous renvoie au site de « Sauvons le Climat ». Que penser des arguments des climato-sceptiques: http://sauvonsleclimat.org/new/spip/IMG/pdf/Climato-scepticisme-1-1-2.pdf Vous avez raison, les intérêts économiques sont considérables, les plus considérables étant ceux des pétroliers, gaziers et charbonniers qui ont payé il y a quelques années (à l'époque de Bush) des études visant à nier le problème du réchauffement. Par contre je ne vois pas quels intérêts, entre disons 1990 et 2005, pouvaient être derrière les experts du GIEC. Contrairement à ce que vous dites le marché ne pourrait pas régler le problème car si le pétrole et le gaz deviennent trop chers, il restera, pour au moins un siècle, le charbon qui peut être transformé en pétrole synthétique. Les Allemands l'ont fait pendant le guerre et le Africains du Sud pendant l'embargo. Comme le dit Henri Prévot dans le titre de son livre, il y a « Trop de pétrole » Vous avez encore raison, il y a d'autres GES que le CO2. Le plus important est l'eau (personne ne le nie); mais la tension de vapeur de l'eau s'équilibre rapidement avec la température. Donc la vapeur d'eau amplifie une éventuelle augmentation de la température mais ne la crée pas. Ceci a été le cas lors de la sortie ou de l'entrée dans le périodes glaciaires. Il est très important de comprendre le rôle d'amplification non seulement de l'eau, mais aussi, par exemple de l'albedo de la banquise. Le CH4 et les oxydes d'azote sont de redoutables GES. Le CH4 provient en partie (environ 40%) de l'agriculture, à peu près autant du secteur de l'énergie (fuites de gaz), une partie des émissions des décharges d'ordures. En ce qui concerne l'agriculture l'origine est, bien sûr, l'élevage de ruminants mais aussi la riziculture. Entre 1970 et 2004 les émissions de CH4 ont cru de 50% environ . Par contre, les émissions de CO2 ont cru de 100% pendant la même période, et désormais, le CH4 ne représente plus que 20% des émissions de CO2 (25% en 1970) (voir http://herve.nifenecker.free.fr/GES-origine-GIEC.jpg). Remarquez que taxer le gaz c'est aussi taxer indirectement le CH4 émis par le secteur énergie. La concentration de CH4 est restée plus ou moins constante entre 2000 et 2006. Et puis il semble que l'augmentation aie repris depuis 2006 (voir http://sauvonsleclimat.org/new/spip/IMG/pdf/Poitou-Methane.pdf ). Sans en être sûr on pense que cette augmentation est due au dégazage du méthane par le permafrost. Si c'est le cas la seule manière de lutter contre la tendance est de limiter le réchauffement et, donc, les émissions anthropiques. Il est probable qu'à Copenhague le CH4 et les oxydes d'azote seront effectivement mis sur la sellette.
Dans mon secteur, l'assistance informatique à domicile, il m'est interdit de résoudre les problèmes par téléphone ou par télémaintenance. Je dois me déplacer et donc produire du CO2.
[Réponse de l'auteur]
Je pense qu'il vaut mieux prévoir ce qui va se passer sans aucun doute: une augmentation rapide du prix du pétrole dès la sortie de crise. Un point important sur lequel il faudrait réfléchir et agir est de savoir si cette taxe diminuera si le prix du pétrole augmente. Je suis partisan d'une prévisibilité du prix TTC (pour autant que les variations du prix du pétrole ne soient pas trop importantes) plutôt que du niveau de la taxe. Dans votre cas et celui d'autres professions similaires le salut pourrait être la voiture électrique et l'obtention d'une aide pour l'acquérir, au delà de ce qui est déjà (prime à la casse, bonus malus). Le coût de l'électricité pour une voiture électrique devrait être de l'ordre de 1 euro pour 100 kms.
Personnellement j'aurais apprécié une évolution de la réglementation qui favorise le télétravail, autre piste de réduction des GES.
D'ici là, la posture vertueuse française va démontrer toute sa vanité lors du prochain sommet de Copenhague, puisque les Chinois et les Indiens y confirmeront leurs intentions d'émission.
À moins que le Giec ne reconnaisse enfin le caractère principalement naturel du réchauffement climatique comme l'ont affirmé leurs membres, M. Mojib Latif et Mme Vicky Pope, à la 3e conférence sur le climat de Genève.
Source :http://www.newscientist.com/article/dn17742-worlds-climate-could-cool-first-warm-later.html?DCMP=OTC-rss&nsref=online-news
Je ne suis pas un expert climatologue ni, je pense, les intervenants sur ce blog. Par contre je connais bien certains climatologues français et je sais que ce sont des scientifiques honnêtes et compétents. Les travaux du GIEC Groupe 1 sont faits par des scientifiques de cet acabit. Et les soupçons qui les entourent sont absolument injustifiés. Comme tout résultat scientifique, les résultats du GIEC ne sont pas paroles d'évangile. Ils sont toujours susceptibles d'amélioration. Les travaux de l'équipe de Munich (Latif) sont tout à fait dans le cadre de l'amélioration des prévisions du GIEC et correspondent à un meilleur traitement de la dynamique de l'océan dans ces calculs. Il semble que l'oscillation Atlantique puisse amener un ralentissement du réchauffement en Europe et Amérique du Nord pendant quelques années. Ce serait tant mieux, bien sûr, et ce répit nous donnerait l'occasion de réduire nos consommations de combustibles fossiles plus tranquillement... Mais un répit de quelques années ne signifie pas du tout la disparition de la tendance lourde. Et, très probablement, après ce répit éventuel, la reprise du réchauffement se fera encore plus brutale. Voir le bon article de la BBC: http://news.bbc.co.uk/2/hi/science/nature/7376301.stm
Ceci étant, il est clair que nous aimerions tous pouvoir continuer à dormir sur nos deux oreilles, avec un lâche soulagement, comme les français au lendemain de Munich