Par Karel Beckman
- Rédacteur en chef de European Energy Review
Auteur
Karel Beckman, journaliste, est rédacteur en chef de European Energy Review, plateforme interactive d'informations consacrée aux problèmes de la transition énergétique en Europe.
L'éolien en mer du nord : horizon bouché...
Par Karel Beckman
- Rédacteur en chef de European Energy Review
mercredi 16 septembre 2009
Sans être le moins du monde un adversaire idéologique de l’énergie du vent, on peut se demander si les milliards d'euros qui vont dans l’éolien offshore en mer du Nord sont dépensés avec sagesse
European Energy Review avait publié en 2008 une interview d’Ad van Wijk, le PDG d’Econcern, sous le titre frappant : «Gagner de l’argent avec les énergies renouvelables».
Econcern était alors l’un des plus grands producteurs d’énergie renouvelable en Europe. Des centaines de millions d’euros s’étaient déjà investis dans la société. Ce n’était qu’un début, disait-il. Son rêve était de changer la mer du Nord en une Arabie Saoudite de l’énergie verte. Hélas, le rêve de van Wijk s’est évanoui. Sa compagnie a déposé son bilan en mai, brisée par la crise mondiale du crédit.
Mais l’histoire n’est pas finie. Le rêve de l’or vert de la mer du Nord se poursuit. Les Pays-Bas ont l’objectif d’installer 6.000 mégawatts d’éolien off-shore d’ici 2020, le Royaume Uni 33.000 MW, l’Allemagne 25.000 MW. Si ces objectifs ne sont pas atteints, il sera impossible pour ces pays d’atteindre la part d’énergie renouvelable qu’ils ambitionnent d’avoir dans leur mix énergétique. C’est pour cela que certains partis politiques aux Pays-Bas ont demandé au gouvernement de sauver Econcern. Le gouvernement a refusé, pour des raisons évidentes de logique économique. Mais cela signifie qu’il doit maintenant trouver d’autres moyens pour que le rêve de Van Wijk se réalise. Et c’est là le hic.
Couvrir la mer du Nord d’éoliennes se révèle beaucoup plus coûteux que prévu, même dans nos rêves les plus extravagants… Le gouvernement néerlandais commence à s’en rendre compte. Il s’était engagé à construire un « connecteur géant dans la mer » afin de relier toutes les éoliennes offshore au réseau terrestre. La société de consulting Ecofys avait été chargée de calculer le coût. Ecofys –qui, ironie de l’histoire, était alors une filiale d’Econcern- a publié ses chiffres en juin. Elle a abouti à une somme effrayante : de 5 a 11 milliards d’euros. Cela sans prendre en compte les milliards de subventions nécessaires pour assurer la viabilité des éoliennes. Globalement, on estime que les 6.000 MW d’énergie offshore, qui produiront autant d’électricité que deux centrales à charbon, coûteront quelque 25 milliards d’euros en subventions sur dix ans.
Les Néerlandais ne sont pas les seuls à affronter ces dures réalités. Tout récemment, le gouvernement britannique a doublé le montant de ses subventions avant tout pour maintenir à flot son projet amiral, London Array. Cela éclaire la décision de Shell, prise plus tôt dans l’année, de se retirer du secteur éolien – et donc du projet London Array. Les dirigeants de Shell ont été beaucoup critiqués pour cela, mais peut-être avaient-ils compris des choses que le reste du monde n’avait pas encore saisies. Peut-être que quelques fonctionnaires du ministère néerlandais des affaires économiques devraient franchir les quelques centaines de mètres qui les séparent du quartier général de Shell à La Haye et parler un peu avec eux de ces problèmes !
Ne vous méprenez pas – je ne suis pas un adversaire idéologique de l’énergie du vent. Je me demande simplement si ces milliards qui vont dans l’éolien offshore sont dépensés avec sagesse. Je ne peux pas non plus m’empêcher de m’interroger sur la possibilité de baser une société industrielle sur quelques moulins à vent installés dans des points difficilement accessibles, au milieu de la mer.
J’y ai réfléchi cet été, face à une mer encore vide. Au fait, j’ai pensé aussi à quelque chose : Ecofys a été récemment sauvé du naufrage de sa maison mère Econcern. La société de conseil a été rachetée par une autre société. Le travail de consulting sur les énergies renouvelables s’est révélé être, de loin, l’activité la plus rentable d’Econcern….
Pour paraphraser Martin L.K. "je fais le rêve qu'un jour le nucléaire soit jugé non sur l'urticaire des bobos technophobes mais sur la solidité et la durabilité de l'indépendance énergétique qu'il permet"... Vivement la fin du cauchemar millénariste...