Par Pierre Mulin
- Co-fondateur de la société Objectif Carbone
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Co-fondateur de la société Objectif Carbone, Pierre Mulin se consacre depuis début 2007 aux missions destinées à lutter contre le changement climatique. Maitrise de l'énergie, Bilan carbone,...
Bonus-malus automobile : bon ou mauvais ?
Par Pierre Mulin
- Co-fondateur de la société Objectif Carbone
lundi 27 avril 2009
Le bonus-malus de Jean-Louis Borloo, appliqué surtout à l'automobile, consiste à favoriser ou pénaliser l'achat de produits selon leur consommation d'énergie. Est-ce une bonne idée ?
Un des contributeurs réguliers de "la chaîne Energie", le Pr Remy Prud'homme, a dans une tribune publiée par Les Echos (*) contesté le bien-fondé du bonus-malus automobile en parlant de "fiasco". Pierre Mulin, consultant associé à Objectif Carbone, n'est pas d'accord et pense au contraire que la mesure répond bien à son objectif, réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Rappelons tout d'abord le sujet : le Bonus-Malus est une mesure mise en place par Jean-Louis Borloo pour "orienter les producteurs et les consommateurs vers des produits moins consommateurs d'énergie".
Les résultats : un succès
Avec 2 050 283 véhicules neufs vendus, l'année 2008 marque un recul de 0,7% par rapport à 2007 (source CCFA). Ces chiffres contredisent M. Prud'homme qui avait prédit +2%. Peu importe, le Bonus-Malus étant un outil destiné à vendre des voitures qui consomment moins, et non à influer sur les ventes ou sur la circulation. Cet objectif a été atteint (voir graphe) : la réalité a même dépassée les prévisions.
Si l'on attribue à la mesure un gain moyen de 7 g CO2/km, elle contribue en première approche à une réduction des émissions annuelles de 180 000 tonnes de CO2 (13 000 km/voiture/an - source : comptes du transport). Source : CCFA
Le déséquilibre essence - diesel : réel mais plus ancien
Le Bonus-Malus l'a accéléré (77% de voitures neuves étaient des diesel en 2008 contre 74% en 2007, soit un écart de 60 000 voitures, ou encore 0,2% du parc qui comprend environ 33 millions de voitures particulières). Mais cette répartition vient des années 80 et des politiques tarifaires sur les carburants.
Quelques mots sur le déséquilibre demande / offre de gazole.
- Les raffineries existantes ne peuvent pas changer instantanément les répartitions de leurs différents produits (essence, gazole, autres produits) ; cela nécessite des investissements et du temps. C'est pourquoi certaines zones géographiques équilibrent cela via des échanges commerciaux.
- A ce jour et à titre d'exemple, la répartition essence / gazole en sortie de raffinerie pour la société Total, acteurs majeurs en Europe est de 31% d'essence pour 69% de gazole.
- La demande française de gazole est constituée de la consommation des voitures particulières (27 millions de m3 de carburant, dont 60% de gazole) ,des véhicules utilitaires légers et des poids lourds (19 millions de m3 de carburant, dont 97% de gazole), de fuel domestique (14 millions de m3). Au global, 50 millions de m3 de gazole, soit 82% des besoins essence + gazole. Un tiers de ce gazole est destiné aux voitures particulières.
Ce déséquilibre est en partie pris en compte via des échanges de produits raffinés avec les Etats-Unis. Il y a environ 100 millions de m3 de pétrole raffinés en France par an. Cela nous donne environ 43 millions de m3 de gazole (sur la base des chiffres de Total) pour un besoin identifié d'environ 50 millions de m3. Il faut donc en importer environ 7 millions de m3.
Voilà pour la situation, et c'est un sujet à part entière. Affirmer que le Bonus Malus a dégradé cette situation, c'est s'attarder sur le fait qu'il faudra maintenant importer 7,05 au lieu de 7 millions de m3.
Bilan économique : positif dans la durée
Dire que cette dépense de 300 millions augmente soit les impôts, soit la dette (sachant que les recettes de l'état sont d'environ 300 milliards d'euros), revient à dire qu'un couple avec un revenu de 30 000 euros par an et dépensant (de manière imprévue) 30 euros devra soit réaliser un emprunt auprès de sa banque, soit demander une augmentation à son employeur.
De plus, ne considérer que la dépense, c'est oublier les gains associés :- pour le climat : 2 millions de voitures qui émettent 7 g CO2 de moins, c'est une économie annuelle de 180 000 tonnes de CO2, soit 3,6 M€/an (20€/tCO2).
- et pour les usagers : 2 millions de voitures qui émettent 7 g CO2 de moins, c'est une économie annuelle d'environ 74 millions de litres de carburant ou encore 465 000 barils de pétrole soit 23 M€/an (50€/baril).
L'industrie automobile : reconversion nécessaire
La prise en compte des contraintes sur les réductions de gaz à effet de serre va entraîner des changements sans précédent au sein de l'industrie automobile ET des utilisateurs de voiture. Le Bonus Malus montre un chemin. Il ne faut pas le confondre avec les aides dont cette industrie a besoin pour faire face aux secousses de 2008, et aura probablement à nouveau besoin lors des prochaines répliques d'une toute autre ampleur.
Ne jugeons donc pas le Bonus Malus comme s'il devait venir au secours de cette industrie. Ce n'est pas son rôle.
Conclusion
Voici une mesure qui permet de contribuer aux réductions nécessaires tout en étant économiquement viable. Ne cherchons pas à la diaboliser et gardons présent à l'esprit que beaucoup d'autres mesures seront nécessaires, souvent coûteuses et contraignantes.
Soyons également conscient du pouvoir de chacun d'entre nous. Si tous les conducteurs avaient réduit leurs trajets de 1% en 2008 (130 km en moyenne), cela aurait permis une réduction des émissions de 730 000 tonnes de CO2.
(*) "Le fiasco du bonus-malus automobile", Les Echos du 22 décembre 2008.
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