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Stéphane Meunier, 37 ans, est Directeur Associé en charge du Pôle Energie & Utilities de Sia Conseil. Il travaille depuis 10 ans pour des énergéticiens français et européens sur leurs projets de transformation...

La loi Nome est au Sénat: qu'est ce qui va changer?


mardi 28 septembre 2010

La loi NOME est un objet complexe, mais qui concerne tous les consommateurs, grands et petits, et engage l'avenir énergétique du pays. Regardons de nouveau les enjeux de base.


Les sénateurs examinent depuis lundi 27 septembre le projet de loi Nome (Nouvelle organisation du marché de l'électricité). Le texte a déjà été adopté à l'Assemblée nationale, le 15 juin, en première lecture. L'opposition avait voté contre ce texte, transposition d'une directive européenne, qui prévoit notamment qu'EDF devra fournir un maximum de 100 térawattheures (TWh, milliards de KWh) par an, soit le quart de sa production nucléaire, à ses concurrents (GDF Suez, Poweo, Direct Energie...). Le gouvernement a assuré que ce projet de loi n'entraînerait pas de hausse des prix pour les entreprises et les particuliers (ndlr avec AFP).
 
Mais que va changer la loi NOME ?

Après une première lecture et des débats passionnés à l'Assemblée Nationale en juin dernier, le Sénat a entamé l'examen du projet de loi NOME, qui va obliger EDF à céder une partie de sa production nucléaire à ses concurrents, conformément aux engagements européens de la France.
Fruit d'une décennie d'apprentissage de la libéralisation du marché de l'électricité,  la loi NOME introduit aussi deux innovations.

L'une en faveur de la maîtrise de la demande d'énergie (obligation d'effacement), l'autre visant à optimiser la planification industrielle du système électrique français (obligation de capacités). Avec l'obligation d'effacement, chaque fournisseur devra prouver sa capacité à interrompre ponctuellement la consommation électrique de certains de ses clients pour une puissance qui lui sera imposée. Quant à l'obligation de capacité, il s'agira de prouver sa capacité à couvrir la pointe de consommation de ses clients.
 
Après approbation des sénateurs et des députés, la loi NOME devrait entrer en application début 2011. Ces nouveaux mécanismes, en particulier l'obligation de céder une partie de la production nucléaire, vont-t-ils vraiment donner un coup de fouet à la dynamique concurrentielle sur le marché de l'électricité ?

Quid de la politique nucléaire française ?

Pour la pérennité du parc nucléaire français, les impacts ont été largement débattus depuis la publication du rapport Champsaur, à l'origine du principe fondateur de cette loi : l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH). En bref, cela signifie que les fournisseurs alternatifs pourront acheter jusqu'à 25% de la production nucléaire à un « prix coûtant ». Principal enjeu autour de l'ARENH, renforcé par les conclusions de la commission Roussely : ne pas obérer la capacité du chef de file de la filière française à profiter de la relance du nucléaire mondial. Reste à définir ce que l'on entend par « prix coûtant » : les coûts de maintenance pour allonger la durée de vie des centrales seront-ils inclus ? Et quid du financement du renouvellement du parc nucléaire à horizon 2030 ?
Pour les fournisseurs alternatifs, c'est une question de survie. Pris en tenaille entre un  coût d'approvisionnement croissant et des tarifs réglementés qui n'évolue pas assez vite, leur situation financière est devenue précaire. D'autant que leur base client n'est pas toujours très saine, les clients résidentiels faciles à capter n'étant ni les consommateurs à forte valeur, ni les plus solvables.  

Quel effet sur les tarifs ?

La loi NOME  ne résoudra pas tous les problèmes des nouveaux entrants. Certes plus le prix de cession sera bas, meilleure sera leur marge brute. Mais comme il faut aussi préserver notre champion national, il faudra compter sur d'autres leviers.  En premier lieu, l'évolution des tarifs réglementés. A partir de 2015 les PME-PMI n'auront plus d'autres choix que de s'approvisionner au prix du marché, mais les particuliers et les petits professionnels semblent protégés encore pour longtemps. En effet, à aucun moment la loi ne remet en cause le pouvoir du gouvernement à fixer chaque année le niveau des prix d'électricité. Un instrument politique au service du pouvoir d'achat des ménages, au détriment de la logique économique. Depuis 1982, le prix de l'électricité des particuliers à baissé de 40% en euros constants, pas les coûts de production...

Dans ces conditions, les fournisseurs peuvent espérer une augmentation rapide des tarifs réglementés.  Encore faut-il que la part fourniture ne soit pas réduite à une « peau de chagrin » par l'évolution des coûts d'acheminement sur le réseau de distribution (TURPE). En effet, la dernière hausse des tarifs de cet été est due en moyenne pour un tiers à l'augmentation du TURPE. Sur certains segments, l'augmentation du TURPE a même entraîné une réduction de la part énergie, donc du revenu potentiel des fournisseurs
           
A l'heure où l'Allemagne envisage une taxe sur le nucléaire, le grand gagnant de la loi NOME est la France, parce qu'il n'est pas tenable sur le long terme de proposer un prix qui ne couvre pas la réalité du coût de production. Sans doute aussi parce que la loi NOME est le résultat d'un processus démocratique exemplaire : commission d'experts, vrai débat parlementaire, décision politique. Les intérêts de tous ont été pris en compte : opérateur historique, fournisseurs alternatifs, consommateurs, capacité à défendre le modèle industriel électronucléaire français.
 
1 commentaire(s)
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Commentaire par Cerbère
mercredi 29 septembre 2010 14:27
"Pour les fournisseurs alternatifs, c'est une question de survie. Pris en tenaille entre un coût d'approvisionnement croissant et des tarifs réglementés qui n'évolue pas assez vite, leur situation financière est devenue précaire."
Messieurs les journalistes, cette déclaration est érronée car seul le founisseur historique et les ELD peuvent proposées le tarif règlementé.
Ce genre de commentaire induit les lecteurs en erreur.

La suite est du même genre "D'autant que leur base client n'est pas toujours très saine, les clients résidentiels faciles à capter n'étant ni les consommateurs à forte valeur, ni les plus solvables." . Il existe des clients ayant des difficulté des paiements mais ils ne constituent pas la majorité loin de là.
De plus si vous recensez le nombre de founisseurs (élec - gaz), seule une minorité d'entre eux proposent un contrat à tarif libre au petit consommateur (Tarif T1).

AttentionA l'antention des lectrices et lecteurs, ne prenez pas pour argent comptant ces déclarations car la réalité est plus complexe? Soyez curieux et visiter le site de la CRE et comparer les données et gardez un esprit critique


[Réponse de l'auteur]
Vous avez raison, les fournisseurs alternatifs ne peuvent pas proposer de tarifs réglementés. Du coup, pour être compétitifs et attirer les clients il leur faut proposer des prix au dessous de ces tarifs. Je vous remercie de me permettre de préciser ce point qui renforce mon propos sur le ciseau tarifaire ("tenaille") qui a été, pour rappel, reconnu par l'Autorité de la Concurrence en juin 2007 : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/07mc04.pdf Cette procédure est d'ailleurs à l'origine de tout le processus qui a conduit à l'édification du projet de loi NOME. Pour le reste, je maintiens mon opinion sur les bases clients des fournisseurs d'électricité. De votre coté, vous semblez plutôt parler du gaz (les tarifs T1 ne sont pas des tarifs d'électricité) qui n'est pas l'objet de mon article. Dernière précision, je ne suis pas journaliste mais consultant ce qui ne m'empêche pas de vérifier mes sources avant d'écrire...
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Stéphane Meunier, 37 ans, est Directeur Associé en charge du Pôle Energie & Utilities de Sia Conseil. Il travaille depuis 10 ans pour des énergéticiens français et européens sur leurs projets de transformation...

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