Participez aux débats sur l'énergie de demain
 - Professeur honoraire au CNAM

Auteur
Professeur au Conservatoire national des Arts et Métiers, Jacques Foos a tenu la chaire de "rayonnements, isotopes et applications", de 1983 à 2008, formant ainsi plusieurs centaines d'ingénieurs...

Débat - La France ne se laisse-t-elle pas trop bercer par les "chants d'éoliennes" ?


mardi 11 mars 2008

Le Pr Jacques Foos, directeur du laboratoire de sciences nucléaires et président du pôle "environnement" du CNAM, fait ici un bilan "qualité/prix"de l'énergie éolienne, à un moment où la polémique enfle sur cette énergie renouvelable en pleine expansion.


default textLe plus grand parc éolien français vient d’être inauguré à Fruges dans le Nord. Au total 70 machines pour une puissance installée de 140 MW. Sur la côte Ouest du Cotentin, un projet de 20 éoliennes pour 80 MW installés est à l’étude. Rien que pour le département de la Somme, 140 communes ont déposé un permis de construire pour plus de 1 000 éoliennes sur leur territoire
Un tel engouement mérite de s’interroger sur cette source d’énergie et de faire, comme pour les autres sources, un bilan « qualité/prix ».

L’énergie éolienne est une source d’énergie dite renouvelable. C’est une ressource d’origine solaire, créée à la fois par les différences de température entre terre, mer et air, et par les gradients de température entre les pôles et l’équateur (0,25 % du rayonnement solaire total est converti en énergie éolienne).

Compte tenu de la pénurie d’énergie qui nous guette sur la planète, à l’échelle d’une génération, cette source d’énergie mérite d’être développée au maximum, mais pas n’importe comment, ni n’importe où ! Compte tenu de son rendement, de l’immobilisation maximal des sols qu’il est possible d’envisager et, enfin, d’une implantation off shore dans les profondeurs d’eau limitées - pour des raisons technologiques - à 40 mètres, sa production potentielle électrique est au maximum de 25 000 TWh par an soit 2 Gtep.

Ceci peut sembler aujourd’hui considérable : c’est à peu près la production électrique mondiale et 20 % de la consommation d’énergie totale mais cela ne concernera que 15 % des besoins électriques de 2050 (en considérant, encore une fois, que l’on a « épuisé » là toutes les capacités possibles de l’éolien sur la planète).

C’est loin d’être négligeable mais cette source d’énergie renouvelable a, entre autres, un énorme défaut, irrémédiable et définitif : elle est intermittente. C’est la raison pour laquelle on parle toujours, pour la valoriser, de puissance installée et non de puissance fournie : le rendement moyen est de 18 %. Son développement passe donc, obligatoirement, par le stockage de l’énergie. Or, ce problème n’est pas résolu à l’heure actuelle. Il n’est pas insoluble mais il ne fait malheureusement pas partie des objectifs stratégiques de la recherche mondiale.

L’énergie éolienne est une ressource abondante mais la surface immobilisée est importante, environ 80 ha par MW produit. Des accidents récents (chute d’éolienne dans le Nord, pale qui se détache et se plante dans un champ dans le Cotentin, …) montrent que ces terres immobilisées devraient être interdites au public et des zones sécuritaires balisées !

Dans les zones désertiques, le problème est différent. Je ne donnerai qu’un seul exemple : les champs d’éoliennes de Zafarana et de Gebel-El-Zayt, sur la côte Ouest de la Mer Rouge. Ces sites sont exceptionnels car le vent y souffle avec constance dans le même sens, entre 8 et 10 mètres par seconde. Le facteur de charge atteint 40,6 %. Au total 740 km² sont occupés pour une production électrique de 1 300 MW (malgré un tel rendement : 740 km² immobilisés pour une puissance équivalente à 1 seul réacteur nucléaire !).

Le bruit ne dérange personne ; les Egyptiens sont toutefois très préoccupés par le sort des oiseaux migrateurs susceptibles de traverser ces champs, utilisant justement les couloirs du vent ! L’étude d’impact est en cours.

Si la situation dans les déserts peut sembler idéale, il n’en va pas de même en Europe ! L’intermittence de production tout d’abord, dans un réseau européen très bien organisé, est difficile à gérer. Le black-out du 4 novembre 2006, qui a privé la moitié de la France d’électricité pendant plusieurs heures, a été due, selon la Commission de régulation de l’énergie, au « caractère aléatoire des déconnexions et reconnexions des centrales éoliennes » allemandes et espagnoles. Par ailleurs, l’énergie éolienne souffre de sa pollution visuelle, sonore, de son impact sur le prix des propriétés aux alentours (dévaluation moyenne de 50 %), de sa dangerosité pour les promeneurs comme pour les oiseaux.

Elle bénéficie en revanche d’une volonté politique « aiguillonnée » par les écologistes. Un arrêté ministériel du 26 juillet 2006 garantit aux promoteurs d’éoliennes, pendant 15 ans, un prix d’achat de 8,2 c€ par kWh (le double du prix de revient). EDF a donc l’obligation d’acheter le courant à ce prix alors qu’elle dispose au même instant d’un kWh « nucléaire » à 3 c€. Les 70 éoliennes de 2 MW chacune, installées à Fruges vont donc rapporter à leur promoteur allemand, le groupe Ostwind, 21 millions d’euros de bénéfices, chaque année, payés par le consommateur. Pour la région, la manne éolienne rapportera annuellement 2 millions d’euros (1,7 million de taxe professionnelle + 300 000 euros issus de la vente d’électricité produite par une éolienne offerte par Ostwind).

Les 2 450 MW bientôt installés en France devraient donc rapporter annuellement plus de 350 millions d’euros aux constructeurs de machines et plus de 30 millions d’euros aux régions. Ces chiffres augmenteront bien évidemment chaque année, au fur et à mesure de l’augmentation du parc ! La facture pourrait se situer entre 1 et 2,5 milliards d’euros en 2015.

Si cet engouement se comprend sur le plan économique – pour les bénéficiaires mais pas pour le consommateur – il est incompréhensible sur le plan écologique. En effet, l’intermittence de la production électrique par éolienne nécessite la mise en place de centrales au fuel qui démarrent quand le vent ne souffle pas ! On peut donc considérer qu’un kWh éolien, assisté de son « alter ego » fonctionnant au combustible fossile, rejette autant de CO2 qu'un kWh produit par un cycle combiné à gaz.

Il ne reste plus qu’à espérer que les bénéfices tirés des subventions aideront les producteurs de machines à les améliorer encore sur le plan technique et qu’ils profiteront donc à des pays en voie de développement qui pourront ainsi s’équiper à un coût plus économique. Ainsi, cet argent ne sera pas totalement parti, pour le consommateur en … fumée. Gone with the wind !

© jean-marc dopffer - Fotolia.com
PARTICIPEZ !
Cet espace est le vôtre !
La chaîne Energie de LExpansion.com
vous ouvre ses colonnes. Partagez vos analyses !