Par Bertrand Barré
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Né en décembre 1942, ingénieur physicien de formation, Bertrand Barré est ancien conseiller scientifique d'AREVA voir son blog) Entré en 1967 au Commissariat à l'Energie Atomique (CEA),...
Radioactivité: l'effet pervers de normes trop strictes
Par Bertrand Barré
lundi 06 janvier 2014
Les normes de radioactivité imposées à l'industrie nucléaire sont très basses. Très bien, mais il ne faut pas sur-interpréter leur signification.
Un groupe de journalistes français vient de rentrer d'une visite du site de Fukushima, et beaucoup de media y consacrent leurs chroniques, en soulignant notamment les problèmes quotidiens des populations évacuées.
Face à cette détresse, on ne peut éviter une réflexion sur les normes en vigueur pour la protection du public contre les effets des rayonnements ionisants. Aujourd'hui, universellement, cette norme est la suivante : l'ensemble des activités liés aux usages de la radioactivité n'est pas autorisé à ajouter à la dose d'irradiation naturelle du grand public une dose de plus de 1 millisievert (mSv) par an (encore faut-il démontrer que cette dose ajoutée provient d'activités utiles). Le millisievert est l'unité qui mesure l'efficacité biologique et sanitaire d'une irradiation, que celle-ci soit d'origine naturelle ou artificielle.
Dans le Bassin Parisien, par exemple, la dose moyenne subie par irradiation naturelle est de 2,4 mSv/an, dose à laquelle il faut ajouter environ 1 mSv/an due aux diagnostics médicaux et dentaires.
Sur la surface terrestre, la dose d'irradiation naturelle varie en fonction de l'altitude (rayons cosmiques), de la nature des sols et matériaux de construction et de la concentration naturelle en radon, un gaz descendant radioactif de l'Uranium. En France, la dose naturelle atteint par endroits 6 mSv/an, mais elle est beaucoup plus élevée dans l'état de Kerala(Inde) et surtout sur certaines plages du Brésil, de Madagascar et d'Iran dont le sable est riche en Thorium. Si l'on appliquait à l'irradiation naturelle les normes en vigueur pour l'irradiation d'origine artificielle, il faudrait évacuer d'urgence la Corse, le Limousin, la Vendée et la Bretagne, etc. sans parler des états mentionnés ci-dessus !
La sur-interprétation des normes
Pourquoi donc une norme aussi basse ? Pour contraindre l'industrie nucléaire à l'excellence : "Puisque vous êtes capables de limiter vos rejets au point de ne pas dépasser 1 mSv/an, on limite votre autorisation à ce niveau très bas, sans rapport avec le risque sanitaire réel". Il faut en effet savoir qu'on n'a jamais détecté d'effet mesurable sur la santé d'une dose instantanée d'irradiation inférieure à 100 millisieverts.
Dans la vie normale, c'est très bien : c'est une application avant l'heure du principe de précaution et on est certain d'avoir pris une énorme marge de sécurité dans la protection du public. L'effet pervers est que ce même public, du coup, est persuadé qu'une dose ajoutée de plus d'1 mSv/an est dangereuse pour la santé (même si ça ne l'empêche pas d'aller faire du ski en altitude ou de passer le mois d'août sur une plage bretonne, ni de prendre l'avion de temps en temps).
Cet effet pervers peut devenir catastrophique quand ces normes trop strictes entraînent des évacuations excessives de population ou empêchent leur retour dans leurs foyers. Très vite, les effets sanitaires de l'évacuation se révèlent bien pires que ceux qu'auraient causés le maintien dans une zone faiblement contaminée (Bien sûr, l'évacuation des zones fortement contaminées était et reste nécessaire !).
On citait dans la presse le maire de la ville d'Itate, évacuée après l'accident de Fukushima : désireux de rentrer chez lui, il avait proposé de ré-habiter les zones où la dose aujourd'hui ne dépassait plus 10 mSv/an. Certains l'ont traité d'assassin ! La peur de la radioactivité n'est pas toujours bonne conseillère...
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[Réponse de l'auteur]
La réalité est différente : on ressent l'eclipse du Japon mais Chine et Corée compensent la reduction allemande et de nouveaux pays débutent (Vietnam, Belarus, Etc.) Quant à l'uranium, les ressouces identifiées suffiraient à alimenter le parc mondial pour plus d,un siècle et on est loind'avoir identifié toutes les ressouces ! Et avec la génération 4, ce n'est plus en siècles qu'il faut compter, mais en millénaires.
[Réponse de l'auteur]
Ajoutez simplement au chiffre 2013 la production japonaise de 2010 et l'"effondrement" disparaît.
[Réponse de l'auteur]
En terme d'électricité (ce que fournit le nucléaire), seules l'hydraulique "au fil de l'eau" et la biomasse,qui comptent pour peu, assurent le même service que le nucléaire. L'intermittence du solaire et de l'éolien rendent toute comparaison avec le nucléaire insignifiante. Pour ne pas éterniser cette controverse, ce sera ma dernière réponse.
[Réponse de l'auteur]
En France, le pic de consommation est un soir d'hiver, avec 0 photovoltaîque, et en Allemagne, les ENR sont tellement subventionnées qu'un ménage allemand paie son kWh le double d'un ménage Français. Je ne sous-estime pas la biomasse dans sa contribution à la chaleur, mais je parlais de l'électricité. etc. Stop