Par Bertrand Barré
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Né en décembre 1942, ingénieur physicien de formation, Bertrand Barré est ancien conseiller scientifique d'AREVA voir son blog) Entré en 1967 au Commissariat à l'Energie Atomique (CEA),...
Le nucléaire en baisse! Mais la "renaissance" arrive...
Par Bertrand Barré
jeudi 03 février 2011
La production d'électricité nucléaire mondiale a été, en 2009, au même niveau en valeur absolue qu'en 2000. En pourcentage, c'est une baisse marquée : de 18 à 14%. Mais une "renaissance" est prévisible.
Le terme mérite qu'on s'y arrête. D'abord, une renaissance suppose une mort préalable, et si certains appellent de leur vœu la mort du nucléaire, ces vœux ne se sont pas encore réalisés, tant s'en faut - et je m'en félicite. Mais même en ne gardant que son aspect positif, le terme "Renaissance" a son côté paradoxal. Pourquoi ? Voyons les chiffres :
En l'an 2000, l'énergie nucléaire a fourni 18 % de l'électricité mondiale. En 2009, cette proportion est descendue à 14 %. Bon, me direz-vous, c'est parce que la production totale d'électricité a cru encore plus vite que la production nucléaire. Soit ! Mais voyons les chiffes absolus : en 2005, la production mondiale d'électricité nucléaire a atteint 2 626 milliards de kilowattheures, alors que le chiffre de 2009 est 2 558, chiffre considérable(1), mais chiffre un peu inférieur...
Eh bien, c'est vrai : nous payons actuellement le très faible rythme de construction de nouvelles centrales nucléaires entre 1986 et 1996, construction essentiellement confinée à l'Asie. Peu de centrales nouvelles, alors que les plus anciennes atteignent la fin normale de leur vie opérationnelle, ceci entraîne une très légère baisse de la production, en dépit de l'amélioration générale de la disponibilité du parc mondial.
Mais la "Renaissance" n'en est pas moins bien réelle.
Cela fait longtemps que l'énergie nucléaire ne produit de l'électricité que dans une trentaine de pays, et que les constructions n'interviennent que dans ces pays-là. Vous me direz que parmi ces pays il y a la Chine, l'Inde, les Etats-Unis, le Brésil, une bonne partie de l'Union Européenne, le Japon, etc. ce qui rassemble quand même une bonne partie de l'Humanité ! Mais avant 2005, le nombre de "nouveaux" pays considérant sérieusement l'option nucléaire se comptait sur les doigts d'une main, en y incluant l'Iran qui avait une centrale en cours de construction. Désormais, c'est une bonne quarantaine de "nouveaux" pays qui ont très officiellement demandé à l'Agence Internationale de l'Energie Atomique de les aider à préparer l'introduction de l'électricité d'origine nucléaire dans leur futur bouquet énergétique. Un tabou est brisé, le nucléaire est de retour vers le futur.
Il est aussi de retour sur le terrain des constructions : Fin 2004, il y avait de par le monde 27 réacteurs en construction, totalisant 21 GWe. Fin 2010, on comptait 66 réacteurs en construction, pour un total de 63 GWe. A ce rythme- là, la "Renaissance" de la production n'est pas loin.
Voir le blog de Bertrand Barré
(1) Pour faire la même quantité d'électricité en brûlant du fuel, comme on le faisait en France dans les années 70, il faudrait chaque année extraire la bagatelle de 65o millions de tonnes de pétrole supplémentaires.
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La canicule du mois d'août a fait bondir la production nucléaire
- ici ( http://bit.ly/eTFcqW ), on voit que Hitachi et General electric prévoyaient 30 nouveaux réacteurs aux USA et en prévoient désormais... ZÉRO !
- là ( http://bit.ly/eZ8cGb ), on voit que Proglio (Pdg EDF) avoue que le nucléaire n'est pas compétitif
- et là ( http://world-nuclear.org/info/inf01.html ), le lobby nucléaire de M Barré reconnait que la part du nucléaire s'effondre et que même la production d'électricité nucléaire décroît depuis 5 ans...
Quand aux réacteurs "en chantier", la moitié sont de vieux machins (par exemple le Brésil essaie de terminer Angra 3, commencé il y a... 30 ans !). Et l'autre moitié est bien moins importante que le nombre de réacteurs qui ferment et vont continuer à fermer.
Par exemple, même si 2 ou 3 réacteurs sont réellement construits en Grande-Bretagne (ce qui reste à prouver), ils seront loin de compenser les 15 réacteurs qui vont fermer là bas d'ici 2018.
Que M Barré se rassure, le nucléaire est bien la seule énergie dont l'espérance de vie est illimitée... "grâce" aux déchets nucléaires : ils seront encore là dans 500 000 ans !
Stéphane Lhomme
http://www.observatoire-du-nucleaire.org
[Réponse de l'auteur]
J'avoue humblement qu'en matière de méthode Coué, M. Lhomme est bien plus expert que moi... Rendez-vous dans quelques années ! BB
[Réponse de l'auteur]
Ce n'est pas faux. Au départ, le mot venait des Etats-Unis et la "renaissance" s'y est manifestée par la grande vague d'allongement de la durée de vie des centrales existantes: aujourd'hui, 60 des 104 réacteurs américains ont obtenu l'extension de 40 à 60 ans de leur autorisation de fonctionnement, et les autres font la queue à la NRC. Mais pour les nouveaux projets, c'est lent, effectivement. L'Energy Policy Act de 2005 avait soulevé des espoirs qui tardent un peu à se matérialiser. L'abandon de Yucca Mountain par l'administration n'aide pas, non plus que le bas prix actuel du gaz aux USA. BB
C'est la grande offensive de notre lobby nucléaire national fondée sur l'espoir de continuer à vendre du nucléaire avec un dommage collatéral que ce lobby accepte avec beaucoup de cynisme : l'absence de la France sur le marché très intéressant et prometteur des ENR.
S'ils se sont plantés ils s'en moquent, ils ne seront plus là pour voir les effets de leurs dégâts, de leur politique mono-énergie...
L'avenir se meurt de ces gens d'EDF et du CEA pleins de morgue et d'arrogance face aux ENR et inconscients faces aux risques portés par le nucléaires (mais on s'en fout!!!! ce sont nos arrières arrières petits enfants qui se débrouilleront avec cela!)
[Réponse de l'auteur]
L'énergie nucléaire et les renouvelables font partie des solutions pour produire de l'énergie avec très peu d'émission de gaz à effet de serre. Elles ne sont en rien antinomiques car elles ne s'adressent pas au même "créneau" : les énergies solaires et éoliennes sont intermittentes et ne sauraient assurer la "base" de la production électrique. Les vrais concurrents du nucléaire sont, suivant les pays, le charbon ou le gaz naturel. BB (sans morgue ni arrogance)
Ce qu'il reste à savoir, c'est qui en profitera...
[Réponse de l'auteur]
Bonne question... BB
[Réponse de l'auteur]
Ces chiffres sont factuels, mais chacun peut les interpréter à sa façon. Il est sûr que le gaz est bon marché aux Etats-Unis en ce moment. Paririez-vous que ce sera toujours le cas dans 20 ans ? Une centrale nucléaire vous garantit la stabilité des coûts après construction, c'est à dire pour 60 ans ou plus.