Par Nicolas Goldberg
- Consultant en Energie
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Diplômé de l'Ecole Supérieure d'Electricité (Supélec), Nicolas Goldberg est consultant en Energie. Il est intervenu chez plusieurs acteurs majeurs du domaine de l'énergie,...
Déchets nucléaires : les points qui posent problème
Par Nicolas Goldberg
- Consultant en Energie
lundi 04 mai 2009
On a beaucoup débattu sur "la chaîne Energie" du problème des déchets nucléaires. Voici un document de référence pour poursuivre la discussion en toute connaissance de cause
Une étude de SIA-Conseil
Depuis l’annonce de la construction d’un deuxième réacteur EPR, les opposants au nucléaire ne manquent pas de rappeler les deux principaux problèmes posés par cette énergie : le démantèlement des centrales et la gestion des déchets radioactifs. S’il est difficile de contester certains aspects du nucléaire, comme sa forte productivité et l’électricité bon marché qu’il peut fournir, il n’en reste pas moins que la gestion des déchets à long terme est une zone floue. Les dernières législations ont tenté d’éclaircir la situation. Mais les débats sur le sujet sont souvent passionnés car plusieurs points posent problème : la notion de déchet, qui n’est pas toujours claire, le volume de déchets à stocker, et enfin le coût de tous ces projets. C’est donc ces trois aspects que cet article se propose d’étudier.
Mesure de la radioactivité
La radioactivité est un phénomène naturel qui fait partie de l’environnement. Dans la nature, la plupart des atomes constituant la matière sont stables. Les autres, comme le carbone 14 par exemple, ont des noyaux instables : ils possèdent un excès de particules, protons, neutrons ou les deux. On dit alors qu’ils sont radioactifs car en se transformant et en émettant une particule 1 , ils dégagent un rayonnement dit rayonnement ionisant. Cette radioactivité ne doit pas dépasser un certain seuil pour ne pas interagir avec les organismes vivants l’entourant.
Il existe trois unités de mesure pour évaluer la radioactivité :
- le Becquerel (Bq), correspondant au nombre de transformations de noyaux radioactifs par seconde,
- le Gray (Gy), qui est la quantité d’énergie absorbée par unité de masse exposée à la radioactivité,
- le Sievert (Sv), qui va nous intéresser pour la mesure du danger que peut représenter la radioactivité puisque cette unité évalue l’impact biologique résultant de l’énergie absorbée par un corps exposé à la radioactivité.
Figure - Limites annuelles réglementaires d’exposition à la radioactivité ajoutée
Source : Autorité de Sûreté Nucléaire, rapport d’activité 2006
L’enjeu principal de la gestion des déchets radioactifs est de pouvoir évaluer quels sont les déchets qui nécessitent d’être stockés en profondeur et pour combien de temps pour que personne ne soit exposé à des doses trop élevées de radiations. Pour cela, ils sont classés en plusieurs catégories.
Classement des différents déchets
Selon l’article L541-1 du code de l’environnement, est un déchet ce qui résulte d’une matière « qui n’est plus susceptible d’être traitée dans les conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de son caractère polluant ou dangereux ». Dans le cas particulier des déchets radioactifs, selon l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA), ceux qui ont un très faible impact sanitaire potentiel (inférieur à 0,01 mSv/an) ne sont pas soumis à la réglementation nucléaire qui serait ici inutile.
Pour les autres déchets nucléaires, ils sont classés selon deux critères :
- Le niveau d’activité, mesuré en Becquerel. Aussi appelée activité, on en distingue quatre : la haute activité (HA), la moyenne activité (MA), la faible activité (FA) et la très faible activité (TFA)
- La période radioactive. Également appelée demi-vie, la période radioactive indique le temps qu’il faudra au déchet pour perdre la moitié de son activité. La plupart sont classés en deux catégories : ceux à vie courte (inférieure à 30 ans) et ceux à vie longue (supérieure à 30 ans). On considère pour les déchets à vie courte que leur activité est fortement réduite au bout de 10 périodes, soit 300 ans. Il existe aussi des déchets, utilisé notamment en médicine, à vie très courte (inférieure à 100 jours). Leur activité devient très faible au bout d’un temps réduit.
- 1. Haute activité HA
- 2. Moyenne activité à vie longue MA-VL
- 3. Faible et moyenne activité à vie courte FMA-VC
- 4. Faible activité à vie longue FA-VL
- 5. Très faible activité TFA
Figure - Volume par catégorie pour un total d’environ 1 millions de m3 en 2004 Source : www.andra.fr |
Cependant il faut être attentif au fait que les HA et les MA-VL concentrent à eux seuls 99,9% de la radioactivité des déchets :
Figure - Radioactivité des déchets par catégorie
Ce sont donc les HA et les MA-VL qui seront les plus critiques à stocker. En 40 ans d’exploitation de nucléaire, leur volume était estimé à 1800m3 en 2004 et il est prévu qu’il atteigne 3600m3 en 2020. Leur quantité est donc relativement faible mais l’impact qu’ils ont sur leur environnement est tellement critique et sur des durées tellement longues – parfois de l’ordre du millier d’années – qu’il est essentiel de savoir comment les stocker. Pour les autres déchets, la question se pose surtout sur où les stocker étant donné qu’ils sont moins dangereux mais beaucoup plus nombreux (environ 800 000 m3 pour les FMA-VC qui sont les plus nombreux).
Les moyens de stockages de déchets et les nouvelles législations
En fonction de leur catégorie les déchets sont stockés différemment. Pour les déchets à vie très courte, ils sont tout simplement gérés sur place en laissant décroître leur radioactivité. Les autres déchets doivent faire l’objet d’un traitement spécial. De manière générale, ils sont si possible compactés puis, selon les cas, piégés dans une « matrice » de verre épaisse pour limiter la radioactivité. Le tout est placé dans un conteneur manutentionnable, capable de confiner la radioactivité de manière durable et de résister aux phénomènes de corrosion. Depuis la loi du 26 juin 2006, débattue à l’assemblée nationale, des plans de stockage dédiés sont en cours d’étude pour traiter particulièrement des déchets HA et des déchets à vie longue. En effet, ces déchets étaient jusque là gérés dans les mêmes entrepôts alors qu’il a été démontré qu’ils devaient faire preuve d’une attention particulière. Au final, on retrouve le tableau de stockage suivant :
Figure - Stockage en fonction de la classification des déchets
Source : www.andra.fr
En France, pour les déchets HA et à vie longue, il est prévu de construire des centres de stockage à 500m de profondeur sous une couche d’argile datant de 150 millions d’années de 130 mètres d’épaisseur. Les déchets y seront ainsi éloignés de toutes agressions externes qui risqueraient de les faire remonter à la surface et donc de menacer l’environnement. Les autorisations pour construire ce type de sites seront délivrées dans le courant de l’année 2015 pour une mise en service en 2025. A l’heure actuelle, seuls les États-Unis possèdent un tel lieu de stockage dans le Nouveau Mexique.
Coût du stockage et de la recherche
Rapporté à la consommation, on estime que le coût du stockage des déchets radioactifs représente 6% du coût du kWh de nucléaire 2 . Cette proportion du coût du kWh subira probablement deux effets inverses. Les nouvelles règlementations contribueront à la hausse du coût du stockage mais les nouvelles générations de centrale rejetteront moins de déchets que celles de première ou de deuxième génération tout en étant plus productive, ce qui tendra à faire baisser le coût de traitement des déchets. On peut raisonnablement penser, compte tenu des nouveaux projets de stockage prévus pour 2015, que les coûts vont augmenter, tout en restant dans des proportions raisonnables d’un coût de kWh déjà peu élevé.
Les investissements dans le secteur ont déjà été colossaux : de l’ordre de 2,5 milliards d’euros si on regroupe EDF, Areva, le CEA, le CNRS et l’ANDRA.
Figure - Investissement R&D cumulés entre 1992 et 2004 effectués dans le cadre
de la loi de gestion des déchets du 30 décembre 1991
Source : Areva, « Tout sur le nucléaire »
Au final, ces investissements n’auront pas été vains puisque le grand projet de stockage durable des déchets radioactifs devrait aboutir en France dans les années à venir. Cependant, on est en droit de se demander comment la France va-t-elle vendre son expertise sur les sujets aux autres pays ? Vont-ils se conformer aux mêmes normes ? Pourront-ils déjà investir dans les grands projets de stockage des déchets, sachant qu’il est interdit de stocker en France des déchets provenant de pays étrangers ? Il est en tout cas certain que la France bénéficie d’un grand retour d’expérience sur le sujet et que la vision de traitement des déchets à long terme commence à s’éclaircir. Reste à savoir comment cette expertise pourra être valorisée à l’étranger.
Sia Conseil
Notes :
(1) On parle d’émission « alpha » quand la particule émise est un atome d’hélium, d’émission « bêta » quand la particule émise est un électron et de rayonnement « gamma » quand l’atome émet un rayonnement électromagnétique.
(2) AREVA «Nuclear Energy Today»
Sources :
- Areva : «Tout sur l’énergie nucléaire d’Atome à Zirconium»
- Andra : «Inventaire national des déchets radioactifs et des matières valorisables», 2006
- Site de l’Autorité de Sûreté Nucléaire
- Site de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique
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[Réponse de l'auteur]
Ce n'est pas le sujet de l'article. Il me semble toutefois que les déchets sont considérés comme une des questions "les plus énormes". Je prépare par ailleurs un article sur le démantèlement.
http://energie.sia-conseil.com/20090717-le-demantelement-nucleaire-en-france-six-fois-moins-cher-qu%E2%80%99au-royaume-uni/
Bonne lecture !