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Auteur
Diplômé de l'Ecole Supérieure d'Electricité (Supélec), Nicolas Goldberg est consultant en Energie. Il est intervenu chez plusieurs acteurs majeurs du domaine de l'énergie,...

Présidentielle 2012 : il faudrait clarifier les programmes nucléaires


mardi 04 octobre 2011

Sortir, réduire... Beaucoup de candidats ont fixé des objectifs en matière nucléaire mais sans vraiment dire comment ils y parviennent.


Alors que la campagne présidentielle 2012 se lance dans un contexte post-Fukushima, un flou plane sur les scénarios énergétiques des candidats, hormis les écologistes, en matière de nucléaire.

Martine Aubry s'est prononcé clairement pour une sortie du nucléaire mais en étant vague sur le délai et les modalités. François Hollande prépare une estimation plus précise de son objectif affiché : 50% de nucléaire dans le mix électrique en 2025. L'UMP tiendra une convention sur le développement durable le 2 novembre. On sait que le gouvernement est favorable a la poursuite d'un nucléaire fort mais a néanmoins mandaté une mission « énergie 2050 », dirigée par Jacques Percebois, pour examiner les scénarios d'une diminution de la part du nucléaire.

Une sortie totale du nucléaire : la solution extrême et coûteuse

Ne nous y trompons pas : sans le nucléaire, ce n'est pas la bougie. La grande majorité des pays ont aujourd'hui un mix électrique dispensé de l'atome. Pour autant, ces pays nous témoignent bien que sans une situation géographique avantageuse qui permet d'utiliser massivement l'hydroélectricité ou la géothermie, la production électrique ne peut se faire qu'à partir d'énergies fossiles fortement émettrices de CO2.

En France, les Verts ont été les premiers à évoquer une sortie du nucléaire mais ce qui est plus intéressant, c'est que ce sont les seuls à avoir exprimé clairement le mode de sortie. Pour eux, la sortie du nucléaire se fera en 25 ans. La moyenne d'âge des centrales françaises étant de 26 ans, elles seront ainsi exploitées suffisamment longtemps pour être amorties financièrement et ne pas proposer un scénario irréaliste. Ainsi, nous disposerions de 25 ans pour investir massivement dans l'efficacité énergétique, introduire 30% d'énergies éoliennes et photovoltaïque dans notre mix électrique et mettre à l'honneur des moyens de production de pointe comme le solaire à concentration, la biomasse et surtout les centrales gaz à cycle combiné qui occuperait également près de 30% de la production électrique.

En revanche, le chantier de Flamanville devrait - si l'on suit le programme des « verts » -  être stoppé, entraînant de lourdes pertes sèches pour tous ceux qui y ont investi. En Espagne et en Autriche, des chantiers de centrales nucléaires, Lemoniz et Zwentendorf par exemple, ont déjà été abandonnés, laissant ainsi des sites industriels à l'abandon, sans démantèlement prévu et financé. Les consommateurs payent le prix fort pour dédommager les opérateurs Iberdrola et GKT. En plus de devoir financer les nouvelles capacités et les nouvelles interconnexions indispensables pour absorber le renouvelable, il faudrait ainsi payer pour un projet qui n'a jamais vu le jour.

Par ailleurs, et ici réside bien le problème de tous les scénarios de sortie du nucléaire, le recours aux centrales gaz à cycle combiné risquent d'occuper une place plus importante pour gérer la pointe et les creux de production d'énergies intermittentes, provoquant ainsi une hausse des émissions de CO2 dans le secteur électrique.

De plus, d'autres scénarios évoqués proposent d'accroître la part des énergies intermittentes au-delà de 30%, ce qui représenterait clairement un risque physique pour la stabilité du réseau électrique. Dans le scénario Negawatt, les centrales à gaz cycle combinée et les énergies intermittentes pourraient être remplacées par de la biomasse solide, principalement du bois. Sachant qu'il faudrait ainsi produire 300 TWh par an de cette énergie selon leur scénario, les ressources seraient à cette échelle à importer, ce qui est aujourd'hui interdit en France et dont on peut douter du caractère « renouvelable » si les arbres ne sont pas replantés. La solution proposée trouve ici ses limites.

Réduire la puissance nucléaire est inévitable... mais après ?


La réduction de la puissance nucléaire est souhaitée par de nombreux acteurs qui hésitent à opter pour une sortie complète.

Parmi les divers scénarios, il en existe un, très précis, à l'échéance 2030. C'est celui de RTE, dans son bilan intermédiaire 2011.  Il suppose que l'on construise les réacteurs EPR de Flamanville et Penly, mais aucun autre, et que l'on maintienne les centrales actuelles. A cet horizon 2030, l'énergie nucléaire sera ramenée à 68%, contre 80% aujourd'hui.
 

Une partie du nucléaire serait ainsi remplacée majoritairement par de l'éolien (11%), complétée par une partie modérée de photovoltaïque et de biomasse (respectivement 3% et 2%).

La solution est louable car elle assure la mise en service de nouveaux moyens de production avec une hausse modérée des prix. L'éolien sera néanmoins à coupler avec des moyens de production de pointe, comme l'hydraulique ou la biomasse, ce qui, contrairement au scénario de sortie totale, ne semble pas poser de problème dans cette configuration étant donné que le rôle du vent reste modéré.
 


Que se passerait-il si l'on ne lançait pas Penly tout en terminant Flamanville (hypothèse Hollande), ou même si l'on décidait de ne construire aucun EPR (hypothèse que n'écarte pas a priori Martine Aubry) ? Dans ces scenarios, comment sera remplacée la puissance nucléaire supprimée ? Le renoncement à l'EPR exclut-elle la construction d'autres réacteurs de type différent ? Le Conseil Politique du Nucléaire s'est prononcé pour l'extension de la gamme de réacteurs proposée par Areva, mettant ainsi à l'honneur des modèles en cours d'industrialisation comme l'ATMEA ou le KERENA.  Que deviendrait alors la force exportatrice de la France, si elle n'a plus de marché intérieur, ou un marché en déclin ? A l'heure où la Chine et la Russie sont de loin les premiers constructeurs de centrale nucléaire au monde, la France va-t-elle faire le choix politique de se relancer dans la course mondiale ou de rester au second plan ?

Ce sont toutes ces questions qui mériteraient d'être poser aux candidats et qui pourraient démarquer les partisans d'un nucléaire modéré sur la question.
4 commentaire(s)
[1]
Commentaire par carlino
mardi 04 octobre 2011 10:10
comme le réclame la FED un grenelle de l'énergie s'impose !
le gouvernement et tous naviguent a vue avec des œillères et sans aucune vision a long terme ...
l'éolien industriel est une technologie aléatoire . dans nos régions de France comme sur mer a 10 km avec des machines de 170 m elles ont et auront pleins d'effets pervers ..sans pour autant pouvoir réduire le nucléaire . cette technologie est tellement destructrice des paysages et de beaucoup d'économies qui en dépendent ...et du bien être aussi ...que les resistances , manifs et procés seront de plus en plus forts et nombreux . ..c'est donc stupide et sans avenir ...alors pourquoi persister ...il serait beaucoup plus avantageux de partir sur d'autre voix car en matière de renouvelable il y a d'autres solutions ...c'est une question de volonté politique !
[2]
Commentaire par Chelya
mardi 04 octobre 2011 11:04
Ce qui serait surtout urgent c'est de clarifier les programmes de conservation du nucléaire. Le parc nucléaire français vieillissant va devoir faire face à de très fortes dépenses pour en assurer la rénovation et la mise aux normes après l'accident de Fukushima, or même en continuant le moratoire (de fait) sur les énergies renouvelables décidés par le gouvernement, il ne sera pas possible d'amortir ces dépenses sur le très long terme à cause des limites sur l'extension de vie, des évolutions de la consommation électrique (moins de consommation de base) et du changement du profil de la demande de l'export... et celà tout en payant pour le démantellement et la gestion des déchets puisque ces dépenses ont été sous-estimé au début du programme nucléaire français ! Même avant Fukushima des utilités avaient jeté l'éponge sur la prolongation de vie de leurs centrales nucléaires tellement il était impossible de se lancer dans des dépenses pharaoniques qui ne permettraient pas de faire de l'électricité compétitive... Se pose aussi la question de la main d'oeuvre qualifié qui est également vieillissante dans le nucléaire... Quand aux nouvelles centrales nucléaires, c'est un investissement tellement risqué que personne ne souhaite y participer (voire d'ailleurs les malheurs de Penly à ce sujet). La vision 2030 (qui nécessiterait de doubler les exportations en heure creuse) a le mérite d'exister mais on ne voit pas vraiment où on trouvera l'argent pour la réaliser...

[Réponse de l'auteur]
Plusieurs imprécisions sur le sujet : - Le programme de prolongations du nucléaire est clair : 600 millions d'euros par réacteur pour allonger de 10 ans, ce qui est un investissement faible quand on rapporte ça à la puissance toujours en service. - Avant Fukushima, tous les pays, même l'Allemagne, prévoyait de prolonger la durée de vie de ses réacteurs ! Après Fukushima, l'Allemagne est le seul pays à avoir jeter l'éponge des prolongations (l'Italie n'avait pas de réacteurs en marche et la Suisse prévoit toujours de les exploiter jusqu'en 2035 sans les renouveler). - Personne ne souhaite participer au nucléaire? 60 réacteurs sont aujourd'hui en construction dans le monde, principalement en Asie. Le marché de la construction n'est en berne qu'à l'Ouest où il reste d'autres marchés à capter (recyclage, démantèlement etc...). - Enfin, 20 milliards d'euros sont déjà provisionnés par EDF pour un démantèlement qui aura lieu dans 20 - 25 ans... Le reste sera provisionné pendant ses années, le coût du démantèlement étant inclus dans celui du kWh. Beaucoup de défis sont à relever sur ce chantier dont on ne dispose pas pour le moment d'un savoir faire industriel mais l'argent pour le développer est là.
[3]
Commentaire par Chelya
mardi 04 octobre 2011 20:42
Même si vous êtes payé pour ça il faudra un peu plus que de la méthode Coué pour changer les faits et convaincre le monde de se remettre au nucléaire. La quasi totalité du marché des centrales nucléaires jusqu'en 2020 c'est la Chine qui veut faire passer sa part de nucléaire de 1%... à 5%! (c'est à dire à peu prêt la part du photovoltaïque en Allemagne aujourd'hui!)

Je veux bien que ça excite deux trois personnes parce que les chinois sont tellement nombreux qu'il suffit de vendre un gadget à un euro à chacun d'entre eux pour devenir milliardaire, mais c'est quand même limité pour nourrir une filière industrielle qui nécessite d'engloutir des milliards d'euros de R&D...

Encore récemment le FT faisait un tour de l'état de l'industrie nucléaire qui n'était pas franchement optimiste avec beaucoup d'entreprises qui révisent très fortement à la baisse leur implication dans le secteur, voire qui l'abandonne totalement...

Nuclear: Enthusiasm for reactor investment cools
http://www.ft.com/cms/s/0/765c917c-e836-11e0-9fc7-00144feab49a.html#axzz1ZpxN1vw4
[4]
Commentaire par Gépé
mercredi 05 octobre 2011 08:39
Le problème de l'énergie est global;il concerne:
-l'écologie(CO2)
-la technique(épuisement des ressources)
-le commercial(prix du baril)
-économique(rapport entre prix de l'énergie et cout du travail).
Manifestement,le cout du travail(salaires plus charges)est trop élevé par rapport au prix de l'énergie.Il faut en priorité règler ce problème par une taxe sur l'énergie pour financer les retraites(réduire les charges sur les salaires).
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