Par Gérald Maradan
- Directeur Général d'EcoAct
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Gérald Maradan est le Directeur Général d'EcoAct.Fondée en 2005, EcoAct est une entreprise franco-brésilienne dédiée à la lutte contre le changement climatique.
Spécialiste de la stratégie carbone et...
Taxe carbone : " Et si les entreprises étaient exclues? »
Par Gérald Maradan
- Directeur Général d'EcoAct
jeudi 18 mars 2010
Le feuilleton de la taxe carbone se poursuit. La taxe, qui devrait en principe entrer dans le corps législatif en juillet, voit sont avenir s'assombrir. Le point avec Gérald Maradan, spécialiste du bilan carbone.
Pour qu’une loi entre le corpus juridique en juillet, il faut qu'elle ait été votée au Parlement en juin, discutée en mai et présentée au conseil des ministres en avril, et ce, de préférence au début du mois. Si on applique ces contraintes temporelles à la taxe carbone, il resterait seulement... une quinzaine de jours au gouvernement pour finaliser son projet de loi. Ce calendrier peut-il être tenu?
Je n'y crois pas sauf si l'on considère que seuls les ménages seront soumis à la taxe. C'est en effet une possibilité : exclure de l'assiette les entreprises en indiquant qu'elles relèvent d'un processus européen global et maintenir la taxe pour les ménages. Il me semble que cela pourrait aussi répondre aux exigences du conseil constitutionnel. D’une manière générale, j'ai quand même l'impression que les solutions s'éliminent les unes après les autres. Rentrer dans un cadre européen pourrait être la porte de sortie.
Si elle est appliquée aux entreprises, craignez vous pour la compétitivité du tissu industriel français?
Dire que la taxe carbone peut éroder la compétitivité des entreprises françaises est un faux problème. Il ne doit pas nous faire perdre de vue l’objectif originel de la taxe : réduire notre empreinte carbone et réduire notre facture énergétique. D’après nos simulations, l'impact financier de la taxe sera limité, même pour les entreprises industrielles. Et la suppression de la taxe professionnelle compense largement l’instauration de la taxe. Il est tout de même bon de rappeler qu’en termes de quotas de CO2, certains groupes (Lafarge et Arcelor-Mittal) tirent très bien leur épingle du jeu en revendant leurs quotas excédentaires. Ils réalisent ainsi des profits considérables!
En attendant une harmonisation européenne et pour ne pas nuire aux entreprises, de nouvelles propositions voient jour : on parle de mettre en place un prélèvement de 3 à 4 euros par tonne de C02, de plafonner la taxation en fonction du chiffre d’affaire (comme cela se fait en Suède), ou encore de compenser la taxe par un crédit d'impôt pour les entreprises les plus vertueuses en terme d'émissions. Ces idées vous semblent-elles viables ?
Je n'y crois pas beaucoup. Ce serait ajouter de la complexité et de la lourdeur à la taxe. Et puis est-on sûr que le conseil constitutionnel ne considérera pas, une nouvelle fois, qu'il y a rupture d'égalité devant l'impôt, si l'écart de coût reste aussi important entre entreprises soumises à quotas et les autres? L’harmonisation européenne, quant à elle, ne se fera pas du jour au lendemain : il faudra obtenir l’acceptation de la taxe par tous les pays, ce qui ne pourra s’effectuer que sur le moyen ou le long terme. Nous avons de longs mois devant nous avant d’arriver à un consensus !
Propos recueillis par Léa-Sarah Goldstein
Par ailleurs, réserver la taxe carbone aux ménages reviendrait à augmenter la TIPP, puisque la principale source de CO2 des ménages est l'essence. Ce serait dommage pour ce projet.