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Ancien élève de l'Ecole Polytechnique (promotion 1981) , Jean-Marc Jancovici a une intense activité de conférencier et de consultant sur les problèmes énergétiques...
Taxe carbone : à 200 euros, il commence à se passer des choses...
jeudi 10 septembre 2009
Parlons vrai ! Peu importe qu'on démarre à 14 euros la tonne, l'important est de savoir comment la taxe carbone va progresser : les 100 euros de Michel Rocard en 2030, c'est seulement la moitié du chemin !
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Habitué du parler vrai, Jean-Marc Jancovici calcule au passage ce que donnerait une taxe, non pas à 32 ni même à 100 cent comme le préconise le rapport Rocard pour 2020, mais à 200, niveau jugé pertinent par les écologistes.
A ce niveau, « il commence à se passer des choses », note-t-il ! A ceux qui s’insurgent, il rappelle, dans une dernière partie, qu’il y a une « taxe carbone », dont on parle peu : c’est celle payée aux pays exportateurs et dont la facture augmente avec les cours du marché du pétrole, que tout le monde prévoit en forte hausse sur le long terme.
« En bref, quand il s'agit de payer l'Etat français, c'est-à-dire notre cagnotte commune, 30 euros la tonne de CO2 fait sauter tout le monde en l'air, mais quand il s'agit de remplir la poche des pays producteurs de pétrole, nous supportons des montants bien plus élevés sans trop rouspéter ! », écrit Jean-Marc Jancovici.
Qu’est ce que donne une taxe à 200 euros ? (Extraits)
Si tout le monde est assujetti à une telle taxe, cela renchérit bien évidemment les consommations directes d'énergie (c'est le but, pour les faire baisser ou progressivement les remplacer par autre chose), et par ricochet tout objet ou service qui a été produit avec des combustibles fossiles. Et alors, ca fait cher ? Nous donnons ci-dessous quelques exemples d'augmentation de prix pour une taxe qui s'appliquerait de manière uniforme à tout usage de l'énergie fossile, au prorata du contenu en carbone, et valant 200 euros par tonne de CO2 (nous supposons que si la consommation a lieu hors de France la taxe s'applique aussi).
Augmentations de prix "instantanées" résultant de la mise en oeuvre d'une taxe carbone à 200 euros la tonne de CO2. Calculs Jancovici :
On voit donc qu'à ce niveau de taxe il commence à se passer des choses :
- le prix de la tonne de pétrole double (une tonne de pétrole = 7,5 barils, donc avec un baril à 100 dollars - 70 euros - en ordre de grandeur le prix de la tonne de pétrole est environ de 500 euros), ce qui rend là aussi rentable des dispositifs permettent d'économiser de l'énergie (et va donc inciter des industriels à faire des recherches en ce sens), notamment dans le bâtiment et les transports,
- le prix d'une tonne d'acier triple ou quadruple, et là aussi ce niveau de prix incitera fortement à s'y prendre autrement pour la production (capture et séquestration, réduction du minerai à l'hydrogène, etc) et les quantités consommées,
- le prix d'un billet transatlantique (environ
- 10.000 km en voiture coûtent 400 euros en plus, soit 80% de hausse sur le poste carburant... mais 15% de hausse seulement sur le budget automobile complet (qui comprend aussi l'achat, l'entretien, l'assurance, et autres bricoles, il ne faut pas l'oublier). Un tel niveau se compensera en levant le pied (15% d'économies !), en prenant un plus petit modèle, et avec des développements techniques des constructeurs (qui ne remplaceront pas demain matin les 30 millions de voiture à pétrole par des voitures électriques )
- 100 m2 chauffés au gaz prennent 1600 euros de plus, hors mesure d'isolation. Il est évident que ce montant, très élevé, mais que l'on verrait venir 15 à 30 ans à l'avance avec une taxe, laisserait quand même le loisir de s'organiser, puisque l'on sait que l'on ne voudra pas payer des sommes pareilles sans réagir.
- sur 1000 euros de service, l'augmentation est de quelques dizaines d'euros. Dit autrement, cette taxe ne menace pas une très large partie de l'activité économique, et en fait plus le prix de l'énergie montera plus une partie de notre consommation actuelle sera remplacée par des services... et ca sera logique !
- notons que même sans inclure le méthane dans l'assiette de la taxe, le kg de boeuf sera plus cher : pour produire un kg de boeuf, il faut un kg d'hydrocarbures.
Avec les exemples ci-dessus, on voit qu'en l'état actuel de la technologie et de la consommation les élévations de prix liés à une taxe peuvent être significatives. Mais... à la différence d'un prix sur le marché, ou même d'un prix d'enchères, la taxe est prévisible, et même pilotable. Une taxe, cela ne prend personne par surprise, même si les taux bougent un peu d'une année sur l'autre : rien à voir avec les variations de prix d'un quota sur le marché, qu'il s'agisse du CO2 ou des hydrocarbures qui en permettent l'émission !
Avec un tel système, plus la population comprend qu'il s'agit d'éviter de s'écharper plus tard, et plus elle accepte de mettre un prix élevé à l'énergie fossile pour son propre bien et celui de ses enfants, et plus on peut élever la taxe, et plus les agents économiques développent des produits "propres.
200€ la tonne de CO2 correspond à une augmentation de 84.65€ le baril de brut.
Avec le baril aujourd'hui à 70$ (48€) si on ajoute 123.60$ (84.65€) le baril de brut revient à 193.6$... un prix que nous avons de bonne "chances" de connaitre rapidement. Il est donc impératif d'anticiper, même si le montant de la CCE est modeste, il faut se fixer la contrainte pour infléchir nos consommations réorienter notre économie, avant la prochaine claque énergétique.
Je ne vois pas comment on peut quantifier l'effet d'une taxe à un horizon disons de 10 ans sans prendre en compte le prix du pétrole/gaz à cet horizon. L'effet visé (formulé en réduction des émissions) dépend de
l'élasticité de la demande au prix global, et non pas du poids ou de la part des taxes dans ce prix. Or nos meilleurs économistes n'ont jamais été capables de prédire le prix du brut à un horizon 10 ans... Cf par exemple
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/014000434/index.shtml
Si l'objectif de la taxe est formulé en termes de prix (ex. brut + 'CO2' pour le pétrole), une taxe carbone devient extraordinairement complexe à piloter, et peut devenir négative en cas de forte hausse du brut. Elle crée fatalement des déséquilibres très lourds entre énergies (pétrole/électricité) dont les marchés ne fonctionnent pas de manière homogène.
- L'élasticité au prix n'est que très mal connue pour le pétrole. Elle n'est par construction évaluable avec précision que sous l'hypothèse de petites variations du prix (le reste de l'économie restant peu changé), et non pour des bouleversements importants impliquant la disparition de certains secteurs économiques. L'élasticité au prix pour l'électricité est encore plus mal connue.
- Les outils économétriques pour dériver des projections/prévisions à 10 ans et + sont des simulateurs complexes donnant des résultats "probabilisés" ne peuvant être donnés au mieux que sous forme de fourchettes, généralement très larges. Sur le plan pédagogique, il est dommage de ne pas l'évoquer. Que représentent les chiffres donnés ici? des moyennes?
Pour des raisons stratégiques, la taxe reviendra en partie aux producteurs hydro et nucléaires - bien que ces énergies n'apportent pas une solution au problème de réchauffement global. Une autre partie reviendra... aux producteurs de pétrole qui augmenteront leur prix pour conserver leur recettes, sachant que le montant total des taxes économiquement supportable est limité.
Votre papier a un grand mérite : la franchise. On met le doigt dans un système dont on ne sortira plus, qui est le "mécanisme à cliquet" que Philippe Séguin avait très bien décrit à propos de l'Europe. On fait un petit pas, pas grand chose, 14 euros. On en fera un deuxième l'année prochaine, en montant à 30. Puis, l'année suivante, on monte très peu mais on introduit un petit quelque chose en plus : 3 euros ne sont plus redistribués. Année 4, on fait un grand pas et on ne redistribue plus que 60%. etc etc Chaque pas est petit, indolore, mis on ne revient JAMAIS en arrière. Et en dix ans, on se retrouve dans votre monde, celui de la décroissance, forme nouvelle d'un socialisme qui refuse toujours le mouvement libéral et donc le pogrès, et qui s'effondrera comme son premier avatar.
Bonne idée Monsieur Jancovici !
Dans cette logique de "vérité", je vous propose de mettre à jour les pages de votre site manicore.com sur les énergies renouvelables, notamment celle sur l'éolien qui date de 2003. Quelques pistes :
- Potentiel éolien de la Chine : une publication majeure dans la revue de référence Science
http://www.electron-economy.org/article-35932983.html
- Cinq fois plus d’énergie et moins d’effet de serre
(avec ou sans nucléaire), Par François Lempérière, Polytechnicien et Expert des énergies vraiment renouvelables
http://www.hydrocoop.org/cinq_fois.doc
- «Le pompage-turbinage est une technologie parfaite pour les énergies renouvelables», Stephen Chu, prix Nobel de physique, secrétaire d'état à l'énergie, USA - http://www.electron-economy.org/article-34200192.html
- France - Le concept V2G/G2V débarque au Sénat
http://www.electron-economy.org/article-29514621.html
Cordialement
Dans votre article, vous mentionnez un lien vers une page de votre site portant sur la voiture électrique. Cette page contient des biais et des erreurs non négligeables. Explications ici (point 27) :
http://www.electron-economy.org/article-36222565.html
Cordialement,