Par Michel Derdevet
- Maître de conférences à l'IEP de Paris
Auteur
Maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, Michel Derdevet est également directeur de la communication et des affaires publiques de RTE. Il est co-auteur de l'ouvrage :
« Les réseaux...
L'Europe doit agir contre la «pauvreté énergétique»
Par Michel Derdevet
- Maître de conférences à l'IEP de Paris
jeudi 04 juin 2009
A pauvreté, on associe l’idée de pouvoir d’achat faible. Mais l’énergie peut être aussi source d’inégalité : parce que le réseau est mal connecté, ou parce que la dépense pèse trop lourd dans le budget familial
Elle seule est susceptible de régler les questions de sécurité énergétique, de développement durable, d'organisation industrielle et de prix. Mais, insiste-t-il, elle doit avoir aussi un contenu social. Il appelle à un "service public européen de l’énergie", permettant notamment de réduire la pauvreté énergétique, c’est-à-dire la difficulté de beaucoup de citoyens européens à avoir un accès satisfaisant aux sources d’énergie.
Extrait :
La notion de service public est souvent assimilée à du passéisme, et caricaturée sous forme de pensée rétrograde. Mais, dans un monde en plein chambardement, le pari de penser, puis de mettre en oeuvre un service public de l'énergie à l'échelle européenne serait-il un pari fou ?
Nous ne le pensons pas, car cette idée de service public européen de l'énergie ne s'inscrit pas nécessairement dans une logique anti-marché intérieur. Mais force est de constater qu'aujourd'hui le marché n'est ps seul capable de réagir à la situation actuelle.
Il serait dès lors utile d'enrichir le droit communautaire par un texte fort, de rang quasi constitutionnel, un Pacte de sécurité et de solidarité énergétique, à l'image du Pacte de stabilité et de croissance, qui consacre aux yeux de tous la dimension stratégique et vitale de l'énergie (accessibilité, prix abordable, tarif social, régularité, sécurité des approvisionnements... ).
L’intérêt de ce texte serait de susciter d'abord un débat dans chaque Etat membre, et de redonner du sens, de la chair, du concret à l'Europe, en traitant de sujets proches des citoyens. Loin des discussions techniques, voire technocratiques, chaque citoyen européen pourrait percevoir l'intérêt de la démarche commune, évaluer les enjeux d'avenir et ne serait plus obligé de subir la pensée-rétroviseur nostalgique des années pré-marché intérieur. Un débat pourrait être organisé tous les ans dans chaque parlement national afin d'évoquer les progrès accomplis au regard des objectifs fixés dans le Pacte en matière d'accessibilité, d'investissements...
Outre la nécessité de mieux connecter les réseaux , notamment avec l'Europe de l'Est, pour assurer l'accès à tous à l'électricité, l'auteur estime nécessaire de rendre les prix plus abordables.
Deux modèles s'esquissent à cet horizon, qui mértiteraient d'être réévoqués dans les mois et années à venir : le service universel de 2003 et l'aide aux plus vulnérables qui correspondent en fait à deux visions :
- la vision française de service public (des prix égaux, péréqués pour tous, sur un même territoire)
- et la vision anglaise d'aide aux pauvres (powerpoverty), où les collectivités locales et territoriales ont des objectifs de réduction de la pauvreté à atteindre en faisant passer la part de l'énergie en dessous de 10% du budget des ménages, par des aides directes, des mesures tarifaires ou des incitations fortes aux économies d'énergie.
En adoptant à l'été 2008, par deux amendements de compromis, cette conception anglaise défendue par la députée britannique Eluned Morgan, le Parlement européen a tracé la voie d'une véritable définition européenne de la pauvreté énergétique. Dans les mois de crise que l'Europe traverse, il est très positif que le troisième paquet énergie conserve cette avancée qui a l'avantage d'englober toutes les énergies (fioul, gaz et électricité) et de faire intervenir l'isolation thermique des logements comme un levier important, faisant écho aux plans d'action nationaux pour l'efficacité énergétique et aux initiatives engagées pour relancer le secteur du BTP.
Prolongeant et englobant cette piste, on pourrait très bien imaginer un Pacte fixant des objectifs nationaux de recul de la pauvreté énergétique, comme il y a aujourd'hui, dans le Pacte de stabilité et de croissance, des objectifs de réduction des déficits publics.
L’Europe en panne d’énergie - pour une politique énergétique commune – Editions Descartes et Cie (mai 2009) – 202 pages