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Membre de la Statistique publique, Laurent Bisault a été pendant quinze ans responsable de publications au service statistique du ministère de l’Agriculture.En développant notamment les études sur le thème...

Les agrocarburants : ni le diable, ni la panacée


lundi 19 octobre 2009

Le verdict de l'Ademe sur les agrocarburants est tombé. Le plus souvent, ils présentent un rendement énergétique positif... quoique assez néfaste pour l'Homme et les forêts tropicales.


L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) vient de rendre sa synthèse sur les agrocarburants de première génération. Comprenez que pour une unité énergétique engagée, on récupère à peine sa mise dans certaines filières. Alors qu’on la multiplie par cinq dans d’autres. Autre enseignement : les agrocarburants réduisent l’effet de serre. Mais ils ont également un important potentiel de toxicité. Ce faisant, l’Ademe évite plusieurs débats : la réduction des débouchés alimentaires, la déforestation due aux importations, et l’intérêt économique de filières qui nécessitent de gros investissements et une forte détaxation.

Des deux filières françaises, celle du diesel présente le meilleur rendement énergétique. De l’ordre de 2,2 avec le colza, et de 5,2 quand on utilise l’huile de palme exclusivement importée. Les rendements des éthanols qui se substituent à l’essence sont médiocres. Proches de 1,6 pour le blé et la betterave quand ils sont incorporés dans des essences spécifiques. Les rendements sont voisins de 1 lorsque ces éthanols sont associés à l’essence standard. Une solution que préfère l’industrie pétrolière. Comme pour la filière diesel, les meilleurs résultats sont ceux d’une plante tropicale, la canne à sucre.

Le bilan carbone des agrocarburants est plus intéressant. Avec de 35 à 80 % d’émission de CO22 en moins. Ne pas oublier quand même, que ces chiffres ne prennent pas en compte la déforestation souvent pratiquée pour l’huile de palme en Indonésie et pour la canne en Amazonie.

De mauvais résultats pour la toxicité humaine des agrocarburants. Car les cultures du blé, de la betterave et du colza induisent des pollutions dues aux engrais et aux pesticides. Des nuisances que l’on évite quand les carburants sont issus du pétrole. Reconnaissons à la décharge de la filière française, que la question ne se pose pas ainsi dans notre pays. Où les cultures destinées aux agrocarburants ne s’ajoutent pas à celles aujourd’hui en place, faute de réserves en terres agricoles. Pour alimenter les agrocarburants, on pioche dans les cultures aujourd’hui destinées à l’alimentation. Des cultures qui en l’état des pratiques agricoles continueraient à polluer nappes phréatiques et cours d’eau.

 
La disponibilité des sols est ainsi une contrainte forte. Si on se restreint aux seules matières premières hexagonales, seule la filière éthanol peut être développée. On reconvertira alors des exportations alimentaires de blé et de betterave, de toute façon menacées par la baisse des subventions européennes. C’est la motivation principale des lobbys agricoles pour promouvoir leurs agrocarburants. Les disponibilités du colza sont bien moindres, car cette culture est peu exportée. D’où la tentation d’y substituer l’huile de palme autrement abondante et plus performante. Mais avec des conséquences désastreuses sur les forêts tropicales.

Autre limite nationale : les capacités de raffinage de l’industrie pétrolière. Elles sont excédentaires pour l’essence et déficitaires pour le gazole. Avec un parc de véhicules diesel qui ne cesse de s’étendre. On arrive ainsi à une contradiction quasi insoluble. Produire avec de l’éthanol agricole,
avec d’énormes investissements, au rendement énergétique médiocre ; au risque de déséquilibrer l’industrie du raffinage. Ou élaborer du gazole vert, avec une ressource nationale introuvable. Ce qui devrait favoriser les importations d’huile de palme.

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