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 - Délégué général d'ENERPLAN

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Richard Loyen est Délégué Général d'ENERPLAN, association professionnelle de l'énergie solaire. Né en 1975, Bac E en 1993, DUT en génie électrique en 1995, Formation spécifique sur l’énergie solaire à...

L'énergie solaire en France, une histoire d'amour contrariée


mardi 29 juin 2010

Après avoir encouragé pendant trois ans la création d’une filière industrielle solaire, créatrice d’emploi et de valeur ajoutée pour la France, le gouvernement semble faire marche-arrière. Retour sur les dispositions qui font s'inquiéter les professionnels du secteur.


Interview de Richard Loyen, délégué général d'ENERPLAN.



Etes-vous satisfait des dispositions votées dans le cadre du Grenelle II?

Oui et non : pour le solaire, la philosophie du Grenelle I se résumait à l'adage "il est interdit d'interdire", le Grenelle II c'est plutôt "il est interdit d'interdire, sauf là où c'est interdit". Ce qui constitue plus d'un pas  en arrière. Il y a cependant des choses positives dans le Grenelle II, notamment la disposition permettant à toute personne morale de vendre de l'électricité solaire. Par contre, sur le fond, je suis assez d'accord avec les critiques d'Ariane Vennin (Porte-parole d'Ecologie sans Frontières, contributrice de la chaîne Energie, voir l'article "Solaire: circulez il n'y a rien à voir) sur la rétroactivité de la baisse des tarifs d'achat du kwh photovoltaïque. Cette disposition se situe, à mon sens, au-delà de la légalité. Mais je voudrais ouvrir un autre prisme sur le Grenelle II, une piste de réflexion dont on a peu parlé. Il s'agit du retour "en force" des Architectes des Bâtiments de France. En effet,  le Grenelle II a remis au goût du jour les "zones de protection du patrimoine et des paysages" conférant à ces architectes un avis rédhibitoire sur les projets de construction solaire. Ainsi, les municipalités, sur avis de ces architectes, pourront définir de nouveaux périmètres sur lesquels il sera impossible pour les particuliers d'installer un chauffe-eau solaire, des panneaux photovoltaïques, et, pour contester leur décision il faudra désormais aller solliciter le préfet de région.

 Si la notion de protection du patrimoine est une notion fondamentale, elle doit être celle d'un patrimoine vivant adapté aux contraintes du 21ème siècle : il ne faudrait pas qu'à terme nos villages deviennent des villages de "gaulois" totalement étanches au progrès technique. 



Que pensez-vous des récentes déclarations de la Présidente d'Erdf, Michèle Bellon, s'inquiétant des risques de blackout si l'offre électrique photovoltaïque venait, d'ici 2 à 3 ans, à dépasser la demande au niveau global?

 Je pense que la Présidente d'Erdf commence à crier avant d'avoir mal ! Fin 2009, en France, il avait 272 mégawatt d'énergie solaire connectés au réseau. En Allemagne, à la même date, il y avait  9 785 mégawatt, et, je n'ai, jusqu'à présent, pas vu de blackout dans le sud outre Rhin, où le taux de pénétration d'électricité solaire dans le réseau est très important. En outre, il ne faut pas oublier que le Grenelle II  prévoit la mise en place de schémas régionaux pour l'énergie, dans le cadre desquels les objectifs de production, leur potentiel et les capacités du réseau vont être évalués et projetés d'ici 2020. Il sera ainsi plus facile de savoir dans quelles zones les réseaux électriques devront être renforcés, ou non.  Il faut observer le réel : boucles locales par boucles locales, dépasse-t-on les pointes? Quelles en sont les causes ? Le photovoltaïque intégré au bâti et réparti, ou l'ajout de grosses centrales…? Nous sommes inquiets d'une position d'Erdf qui pourrait vouloir privilégier des projets de grandes centrales au sol, au détriment du foisonnement de l'intégré au bâti, car celles-ci seraient plus facile à gérer. Ce serait faire une croix sur une branche importante du solaire pourtant pourvoyeuse d'emplois,  qui se situe au plus près de la consommation, et s'inscrit dans la stratégie française de développement du solaire depuis 2006.



Le solaire connaîtrait-il le même sort que l'éolien ?



Je n'ose pas l'imaginer, tant cela représenterait une gigantesque marche arrière par rapport à l'esprit du Grenelle. Il faut tout de même admettre que les énergies renouvelables et la France, sont une histoire d'amour contrariée. J'ai bien l'impression que la loi Grenelle II, avec les ICPE, et tous les freins aux procédures d'implantations d'éoliennes, reflètent bien le fait que les députés sont peu inquiets d'atteindre les objectifs fixés pour 2020 alors que ces 23% d'énergies renouvelables dans notre mix énergétique sont pourtant inscrits dans le marbre d'une directive européenne et dans celui du Grenelle !

Selon le Journal de l'Environnement, une planification de la production d'énergie solaire sera envisagée par le gouvernement. Elle consisterait notamment en l'identification de "zones favorables au développement des installations photovoltaïques au sol", comme pour l'éolien. Que vous inspire cette révélation?



Après les ZDE (zone de développement de l'éolien), les ZDS... La raison de développer de grandes centrales au sol devrait être, en principe, de développer une industrie.  Mais aujourd'hui, on voit un bon nombre de projets dont la seule valeur ajouté pour l'emploi en France est la présence d'un vigile avec son chien (pour surveiller la centrale) ! Le but devrait vraiment tirer vers le haut une industrie nationale et non d'importer des panneaux ou de la main-d'œuvre de l'étranger. Je pense qu'il faut être vigilant sur le développement de ces centrales, qui doit se réaliser dans des conditions économiques viables. Par contre, sur  l'idée des schémas développement territoriaux, il y a de très bons exercices réalisés en région. Mais, si l'idée sous-jacente est de faire piloter ces schémas de Paris, nous serons loin de la décentralisation énergétique vers laquelle il faudrait tendre. Car, si le but de la manœuvre est de diviser 5,4 gigawatt par 26 régions, en comptant les Dom-Tom, pour répartir l'objectif national entre régions, l'exercice trouvera très vite sa limite. Par contre, si l'exercice est une réelle réflexion sur le potentiel solarisable d'ici 2020 (sur le bâti et les centrales au sol) au niveau de chaque région, assortie d'une mesure de ses impacts environnementaux et de son intégration au réseau électrique, il sera vraiment fécond. Pour Enerplan, nous avons évalué ce plus 13 GW sur le bâti d'ici 2020 au niveau national. 



Propos recueillis par Léa-Sarah Goldstein

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