Par Jean-Marie Brom
- Administrateur de Sortir Du Nucléaire
La loi NOME ou le partage de la dette nucléaire
Par Jean-Marie Brom
- Administrateur de Sortir Du Nucléaire
mercredi 23 juin 2010
Les dispositions de la loi NOME n'ont pas séduit le Réseau "Sortir du Nucléaire". Dans cette tribune, les antis taclent une disposition injuste, qui entérine la technologie nucléaire et propose d'en faire payer la dette aux générations futures.
Or, le contenu de la loi NOME verrouille l'avenir de la politique énergétique française, en entérinant le règne de la technologie nucléaire. Ainsi, elle acte la prolongation de la durée de vie des réacteurs jusqu'à 2025 et le renouvellement du parc nucléaire français, et ce, même s'il paraît difficilement envisageable que la prolongation de la vie des centrales au-delà de 30 ans soit supportable financièrement pour EDF. Sans compter le coût de l'enrichissement du combustible, du retraitement…. C'est d'ailleurs l'une des principales raisons de l'exigence d'EDF d'augmenter ses tarifs de quelques 20 à 25%... Mais il est plus scandaleux encore de constater que le contribuable qui finance déjà ce service public, finance également les exportations d'électricité (12%), et, avec la loi NOME participera à l'enrichissement de compagnies privées.
Le Réseau «Sortir du nucléaire» conteste le bien fondé de ces orientations, lourdes de conséquences économiques et environnementales. Car la loi NOME n'accorde aucune place aux seules évolutions à même de fonder une politique énergétique d'avenir : on n'y trouve rien pour inciter à la sobriété énergétique, au développement des énergies renouvelables et décentralisées, ni sur une tarification progressive de l'énergie. La tarification solidaire et progressive (plus on consomme, plus le prix augmente), concept porté par de multiples mouvements sociaux, permettrait d'inciter les ménages à économiser l'électricité. Une idée d'autant plus pertinente lorsque l'on sait que la consommation d'électricité augmente avec le revenu des ménages et que la dégressivité (plus on consomme, plus le prix diminue) des tarifs électriques, pratiquée dans le cadre actuel et accentuée suite à la libéralisation du secteur, pénalise, elle, de facto, les ménages à bas revenus.
Les débats autour de la loi NOME, si houleux qu'ils soient, témoignent finalement d'une navrante unanimité : à droite comme à gauche, perdure le mythe insensé d'une énergie nucléaire bon marché, qui aurait contribué à la prospérité de la France et constituerait un héritage à préserver.
Le prix de revente probable du MWh, fixé à 42 €, est d'un optimisme que les faits contredisent, à commencer par les surcoûts actuels et à venir du réacteur EPR ; selon l'AIEA(agence internationale pour l'énergie atomique) elle-même, le prix du MWh EPR pourrait atteindre 69 €[1]. Sans parler des dépenses faramineuses (des centaines de millions d'euros) qui seraient nécessaires pour prolonger la durée de vie d'un parc nucléaire de plus en plus vétuste[2].
Les modes de calcul et les données initiales utilisées par l'Etat sont totalement opaques. De nombreux coûts sont cachés. Certaines dépenses à venir sont dramatiquement minimisés, comme ceux du démantèlement des installations nucléaires[3] et de la gestion des déchets radioactifs. Le prix futur de l'électricité est ainsi défini sur des bases fausses, conformément aux seuls intérêts de l'industrie nucléaire.
Le débat autour du partage de la «rente nucléaire» est basé sur un postulat erroné : plutôt qu'une rente, c'est une dette sur plusieurs générations que le programme nucléaire français a engendrée. En effet l'équation est simple : si le coût du démantèlement, estimé entre 60 et 100 milliards €, alors que les provisions – utilisées par ailleurs – prévues par EDF ne représentent au mieux que 15 milliards €, le reste sera supporté par les générations futures (aucune centrale française n'a encore été démantelée) qui devront payer pour se débarrasser de ces structures non-productives
Voir le Réseau "Sortir du Nucléaire"
[1] Costs of Generating Electricity, International Energy Agency and Nuclear Energy Agency, édition 2010
[2] La prolongation de la durée de vie des réacteurs passera nécessairement par le long et coûteux remplacement de nombreux éléments.
Le Point, 18 mai 2010, « La vétusté des réacteurs nuit à la puissance nucléaire française »
[3] Fin 2004, la Cour des Comptes estimait déjà à 65 milliards d'€ les coûts du démantèlement des installations nucléaires françaises.
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Et deuxio, que l'exploitation par une structure publique n'est en aucun cas une garantie en matière d'efficacité et de sûreté : cf. le taux de dispobilité français ridiculeusement bas (78%) par rapport aux centrales belges (taux de disponibilité de plus de 90%) qui sont, elles, exploitées par des groupes privés.
[Réponse de l'auteur]
Deux réponses : jusqu'en 2004, EDF etait un EPIC (établissement public à caractère Industriel et Commercial) et à ce titre, dépendant de l'Etat pour ce qui concerne sa stratégie et son budget. Le programme nucléaire français, démarré en 1970, a bien été financé sur crédits d'Etat. Je pourrais également vous signaler que la part du nucléaire civil (génération IV, ITER....) représente entre 8 et 12% du budget de la recherche française... Et deuxio, si, comme vous le dites, la structure publique n'apporte aucune garantie en matière d'efficacité, ce n'est plus vrai en matière de sûreté. Le taux de disponibilité français reflète (aussi) la préoccupation de sûreté. Mais cela côute cher, en définitive, et justifierait à lui seul l'arrêt du nucléaire.
[Réponse de l'auteur]
Ce qui disqualifierait ce commentaire, c'est peut être aussi son orthographe hasardeuse... autant que la réflexion de cette intéressante personne, qui semble ignorer que d'autres organisations "ultra archi minoritaires" comme Wise, Greenpeace, les Verts (eh oui...) ont proposé depuis pas mal de temps des propositions alternatives au nucléaire, dont on pourrait sans trop de difficultés se débarrasser en 10,15 ans ? Je vous conseille un petit tour sur leurs sites, ou à défaut un voyage vers Chernobyl... Vous y verrez que c'est le nucléaire qui nous ramènera au moyen âge.