- Dirigeante CGT-Energie
« La loi Nome est un hold-up »
- Dirigeante CGT-Energie
mardi 01 juin 2010
A l'aune d'une grande campagne de communication "anti-loi Nome", Marie-Claire Cailletaud, dirigeante à la CGT Energie, a répondu aux questions de la Chaîne Energie. Selon elle, cette nouvelle organisation du marché de l'électricité est un coup dur porté à l'industrie de l'énergie française, amenant inexorablement à un hausse des tarifs pour le consommateur.
La chaîne Energie : Le projet de loi Nome (loi de nouvelle organisation du marché de l'électricité) a été voté en commission des affaires économiques mercredi 25 mai 2010. Que vous inspire cette décision ?
Marie-claire Cailletaud : Ce vote confirme nos sentiments d’inquiétude et d'incompréhension face à un projet globalement mauvais, dont nous contestons l’essence même. C’est un véritable hold-up ! Les français ont financé par leur factures d’électricité le parc de production nucléaire français, qui appartient à EDF, dont l’origine était de préserver l’indépendance énergétique de la France, pays pauvre en ressources fossiles. Aujourd’hui, alors que nous bénéficions d’un système performant, avec des tarifs bas, le gouvernement imposerait que le quart de cette production soit vendue à un prix très modéré aux concurrents de cette entreprise dans le seul but de permettre la concurrence qui ne peut s’exercer car les tarifs sont trop bas! Cette décision aurait pour principale conséquence de faire augmenter les tarifs, pour les particuliers comme pour les entreprises, alors que nous traversons une crise économique grave. La loi Nome va donc porter un coup supplémentaire à l’industrie française, car on sait pertinemment que le prix de l’électricité est un facteur de localisation industrielle. Et ce que l’Europe ne nous autorise pas est possible dans une majorité d’autres pays dont certains en pointe question libéralisme comme les Etats-Unis ou le Canada.
La France doit pourtant s’aligner sur l’Europe…
Nous avons déjà transposé dans notre corpus législatif toutes les directives européennes relatives au marché de l’énergie. On peut donc considérer que nous sommes en « règle » avec l’Union Européenne. Seulement, l’Europe considère que nous apportons une «aide illégale aux entreprises» et nous demande de renoncer à nos tarifs réglementés pour ces entreprises. Que faudra-t-il pour faire comprendre que la concurrence dans le domaine électrique, avec un produit qui ne se stocke pas et se transporte mal n’apporte que complexification et désoptimisation, et que le modèle le plus performant techniquement pour garantir l’équilibre production consommation est celui qui intègre toute la chaine : production, transport, distribution, commercialisation. Nous pensons que le chef d’Etat devrait plutôt s’imposer face à Bruxelles et taper du poing sur la table pour protéger ses concitoyens face à cette décision. qui est une abérration économique pour notre pays, mais également pour l’Europe. Construire une politique énergétique européenne implique de ne pas commencer par détruire ce qui fonctionne le mieux. D’autant que les précédents de dérégulation ne sont pas convaincants. En Californie, par exemple, mais comme partout ailleurs, elle a été un échec cuisant. Au moment ou les gouvernements les plus libéraux reprennent la main sur le secteur électrique, nous faisons l’inverse….
Que va modifier cette loi en substance ?
Au-delà de la hausse tarifaire évoquée précédemment, nos inquiétudes portent sur l’avenir des investissements. Il ne faut pas se leurrer, lorsque Powéo, Direct Energie, GDF Suez ou autres vont bénéficier d’importantes rentrées d’argent -grâce à l’augmentation des tarifs- ils ne s’en serviront pas pour investir, mais plutôt pour enrichir leurs actionnaires. Il y a de fortes probabilités que si la loi Nome est promulguée, la France puisse se retrouver en «sous-investissement dans les moyens de production» d’ici 10 à 15 ans, voir plus tôt , comme en Californie justement. Et ce sont des situations très difficiles à redresser dans le temps. Le temps énergétique n’est pas le temps politique : il se prévoit et s’organise à l’échelle du demi siècle. Un autre point important porte sur le «clause de destination ». Le projet de loi stipule, que les fournisseurs auront l’obligation de « revendre leur électricité sur le territoire français»… une clause en parfaite contradiction avec la volonté de l’UE les traités européens et qui tombera au moment voulu ! Enfin, nous sommes également très préoccupés par un autre volet de la loi Nome, qui offre des pouvoirs considérables à la CRE (Commission de Régulation de l’Energie), dont celui de fixer les tarifs d’électricité, alors que nous avons toujours demandé à ce qu’ils soient fixés par une commission pluraliste de manière transparente. En outre, cette même instance, dont les principaux membres seront nommés par le Présidentdécret, se verra confier le pouvoir de mettre des amendes… Nous sommes bien loin de la transparence réclamée depuis des années ! Sans parler de la cerise sur le gâteau qui est la transposition par ordonnance des directives concernant le gestionnaire du réseau de transport, qui seraient donc soustraites à la représentation nationale.
Propos recueillis par Léa-Sarah Goldstein
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