Participez aux débats sur l'énergie de demain
 - Chargé de programme Co2 Solidaire

Auteur
Renaud Bettin est chargé du programme de compensation carbone CO2 Solidaire pour l'ONG GERES.

La compensation carbone ou comment s’acheter une bonne conscience


vendredi 28 mai 2010

La compensation carbone à la cote, du chocolat aux Grands Prix de F1, en passant par le papier toilette ou le Vatican. Une mode qui frise le cynisme environnemental.


La compensation carbone relève bien souvent plus d’une stratégie de communication que d’une action authentique, et envoie un signal inquiétant qui laisserait entendre sans équivoque que tout impact sur le climat peut être annulé par cette voie.

Mais cette neutralité climatique de façade ne traduit pas forcément un engagement concret pour le climat.

Dans le récent ouvrage "La compensation carbone : illusion ou solution ?", Augustin Fragnière, enseignant-chercheur à l’Université de Lausanne, souligne entre autres choses l’inconsistance de la neutralité carbone comme solution affichée pour lutter contre les changements climatiques.

Les principales critiques portent sur le fait que :

•    La compensation carbone traduit une sorte d’impunité climatique. Or celle-ci ne saurait exister sur une planète où nous, au Nord, sommes les premiers responsables de la situation actuelle.

•    La compensation carbone se confine à une stratégie d’affichage qui ne valorise pas les actions de réduction à la source des émissions de CO2 d’une organisation. Dans ce registre, il est possible de s’afficher neutre en carbone sans avoir consenti d’efforts de réduction !

Les entreprises, mais aussi les opérateurs de compensation carbone, doivent être conscients que cette méthode n’est pas la seule solution aux changements climatiques. Il faut proposer une vision différente et la soumettre au débat.

Le premier pas serait d'imposer d’avantage d’éthique en matière de finance carbone. Sans dénigrer un mécanisme qui propose un certains nombre de réponses, mais en s'éloignant clairement de cette logique "comptable"qui gangrène les marchés.

Il faut également promouvoir une compensation qui dépasse la "simple dimension environnementale" pour valoriser une logique de Solidarité climatique, qui prône la cohérence de l’action (réduction à la source des émissions) et la considération de l’humain (bénéfices sociaux sur les projets soutenus). La compensation doit s’accompagner :

- Au Nord, d’une sensibilisation à la vulnérabilité des populations du Sud face aux changements climatiques dans le but d’une réelle prise de conscience,

- Au Sud, de bénéfices socio-économiques concrets pour les populations concernées. Car aujourd'hui, les projets inscrits dans les mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto (Mécanisme de Développement Propre – MDP, Mécanismes de Mise en OEuvre Conjointe – MOC) sont  pour la plupart exclusivement orientés vers la réduction des émissions de gaz à effet de serre sans pour autant contribuer au développement durable des pays hôtes.

En effet, aux enjeux climatiques se superposent des enjeux humains, et aussi nécessaires que soient les projets purement environnementaux, les mécanismes liés à la lutte contre les changements climatiques doivent impérativement intégrer les principes du développement durable pour les populations et les territoires. Cela est d'autant plus vrai lorsqu'ils sont menés dans les pays les plus pauvres de la planète. Ainsi, la compensation doit s'inscrire dans une logique de co-financement des projets de développement mis en œuvre sur le terrain. L’objectif n’est pas tant de réduire les émissions de ces pays que d’actionner le levier économique que représente la finance carbone. Celle-ci apporte en effet un complément de financement à des programmes basés le plus souvent sur l’accès et la maîtrise de l’énergie, dans une logique de développement responsable et intégré sur le long terme, non seulement pour assainir les pratiques mais aussi pour faire tendre la compensation volontaire vers une dimension plus éthique.

 Réduire ses propres émissions, qui est l'enjeu essentiel, est contraignant. Faire un chèque non. Combattre le déni de responsabilité consiste à sensibiliser nos interlocuteurs aux conditions de vie des populations du Sud et à les inciter le plus possible à réduire leurs propres émissions à la source. Il s'agit de réduire le fossé qui existe entre le Nord et le Sud et renforcer une solidarité Nord-Sud, quelle soit climatique, financière ou technique. Ce n'est pas en plantant des millions et des millions d'arbres que nous allons sauver la planète et les peuples indigènes!

L’idéal serait de parvenir à une compensation désintéressée, où, quel que soit le volume des émissions à compenser, la qualité du projet primerait, c'est à dire ses bénéfices socio-économiques. Et se rapprocher, en quelque sorte, du mécénat...

Voir le blog Ecolo-Info

Voir le site de l' ONG GERES

Voir le programme CO2solidaire




 
1 commentaire(s)
[1]
Commentaire par DECABOSSEUR
samedi 29 mai 2010 19:05
No limit dans la com... Comment peut-on diriger la vente d’un programme de compensation carbone et affirmer dans le même temps son inutilité pratique pour réduire les émissions du monde ? De grâce, sortons du marketing inquisitoire pour entrer réellement dans l’innovation (la bonne conscience, le cynisme, c’est toujours l’autre, le sauveur du monde toujours soi). La compensation territoriale est une évidence technique pour lutter efficacement contre cette pollution extraterritoriale. Mais elle doit bien aboutir à un résultat « comptable » limitant les émissions et renforçant la contrainte, ce qui n’est pas le cas effectivement du programme de cette ONG. Si l’auteur trouve la logique comptable peu sexy, je ne vois pas bien d’autre méthode pour mesurer et réduire nos excès carbonés.
PARTICIPEZ !
Cet espace est le vôtre !
La chaîne Energie de LExpansion.com
vous ouvre ses colonnes. Partagez vos analyses !
Auteur
Renaud Bettin est chargé du programme de compensation carbone CO2 Solidaire pour l'ONG GERES.

Lire la suite