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 - Professeur honoraire au CNAM

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Professeur au Conservatoire national des Arts et Métiers, Jacques Foos a tenu la chaire de "rayonnements, isotopes et applications", de 1983 à 2008, formant ainsi plusieurs centaines d'ingénieurs...

ITER : la fusion nucléaire est fascinante, mais pas nécessairement idéale


lundi 20 septembre 2010

Le prix Nobel Georges Charpak a surpris en mettant en cause la pertinence du projet international ITER, qui cherche à maîtriser la fusion nucléaire. Retour sur quelques uns des "avantages" contestés de ce projet scientifiquement fascinant.


De nombreux physiciens s'interrogent sur la pertinence du projet de fusion contrôlé - projet ITER-  mené à Cadarache par des équipes internationales de chercheurs. Certains dont le Prix Nobel Georges Charpak demandent même l'arrêt du projet.

Il est vrai que certains des avantages présumés de la fusion n'apparaissent plus aussi évidents tandis que les difficultés techniques rendent le coût très lourd et les délais de réalisation considérables.

Radioactivité, appétit en lithium, coût et délais    

Ses partisans mettent souvent en avant le fait qu'il ne produit pas de déchets comme dans la fission classique. Mais il libère du tritium qui est un élément radioactif difficile à confiner en raison de sa très petite taille : il ne faudrait pas que les quantités de tritium produites ici fassent qu'on en retrouve des proportions non négligeables dans l'environnement: bien qu'il soit très peu radio-toxique, tout dépend évidemment des quantités rejetées.
 
Par ailleurs, les réactions de fusion produisent des neutrons très énergiques qui vont induire de la radioactivité (ce qu'on appelle des produits d'activation) dans tous les matériaux de structure y compris dans l'enceinte du réacteur, ce qui n'est pratiquement pas le cas dans les réacteurs d'aujourd'hui. En terme de radioactivité créée, on peut dire que, par kilowatt-heure produit, dans le futur, il y aura autant de "becquerels" créés que pour la fission.

Autre argument : c'est une source d'énergie inépuisable. Cependant, le réacteur à fusion nécessite pour son fonctionnement, d'importantes quantités de lithium, qui est un métal relativement rare. Et surtout l'argument ne vaut plus vraiment aujourd'hui avec l'avènement, dans des délais beaucoup plus proches, des réacteurs de 4ème génération, en particulier, les réacteurs à neutrons rapides qui font du combustible classique (uranium et plutonium) une source d'énergie sur plusieurs millénaires.

On peut aussi légitimement s'interroger sur un tel projet, compte tenu de son coût passé, cette année, de 6 à 16 milliards d'euros. 45% de cette somme est à la charge de l'Europe alors que l'on devrait voir là un projet international au sens large : si le projet aboutit, il est certain que les retombées technologiques bénéficieront au monde entier, que l'on ait financé au départ ou non. Il serait logique que tous payent «pour voir». Ce n'est pas le cas aujourd'hui et certains, dont la France, paient un bien lourd tribut !  Par ailleurs, rien n'indique que ce budget ne va pas encore être revu à la hausse dans l'avenir : on joue là sur des décennies alors qu'il a déjà quasiment triplé sur quelques années.

Enfin, compte tenu du retard pris, le combustible ne sera pas chargé, au plus tôt, avant 2026 et ceci ne veut pas dire démarrage ! Combien de ceux qui sont aujourd'hui engagés dans cette expérience vont participer aux premiers essais ?

Un défi pour les scientifiques

Mais bien sûr, la maîtrise de la fusion est un formidable défi pour les sientifiques. L'histoire de la fusion est vieille comme l'Univers puisque les premières réactions nucléaires démarrent un millionième de seconde après le Big Bang ! Aujourd'hui encore 90 % des étoiles de l'Univers brillent par des réactions de fusion. C'est le cas de notre soleil qui consomme à chaque seconde 460 millions de tonnes d'hydrogène pour une puissance dissipée de 4 milliards de milliards de milliards de kW !

En effet, les réactions de fusion sont celles qui produisent le plus d'énergie (7 fois plus que les réactions de fission utilisées dans nos réacteurs nucléaires). Toutefois, pour que des noyaux atomiques puissent fusionner, il faut les faire se toucher, ce qui nécessite, même pour les plus petits d'entre eux, des températures considérables, proches du milliard de degrés !

On trouve naturellement ces températures au sein des étoiles. C'est une autre affaire si l'Homme désire re-créer de telles conditions, surtout s'il veut contrôler la réaction.

Ceci explique pourquoi la première utilisation de ces réactions de fusion a été militaire, sous forme d'une bombe. Dans ce cas, il n'y a pas à contrôler la réaction ; de plus, on utilise une « bombe A » classique à fission pour obtenir la température nécessaire! Le travail est beaucoup plus compliqué si on veut contrôler la réaction : il faut trouver un moyen de produire cette énergie gigantesque au départ dans des matériaux qui ne supportent pas, à l'état solide, des températures dépassant quelques milliers de degrés. D'où l'idée de confiner le plasma chaud avec des champs magnétiques.

Les premières expériences ont eu lieu aux USA dès 1938 et les premiers modèles expérimentaux de réacteurs -les tokamaks-  prennent leur essor dans la décennie 1958-1968. Plusieurs tokamaks fonctionnent en France, en Angleterre, au Japon, aux Etats-Unis.

Le projet ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) n'est pas encore un prototype. Il doit démontrer la faisabilité industrielle d'un réacteur de fusion. Pour cela, il faut  qu'il parvienne à produire plus d'énergie qu'on ne lui en fournit pour réaliser le processus de fusion -c'est une évidence - et à contrôler ce processus pendant une durée de l'ordre de 5 minutes.


2 commentaire(s)
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Commentaire par Alain
lundi 20 septembre 2010 14:35
Le coût relatifs par rapport a d'autres recherches est un argument.

Par contre il est anoter que la durée de vie de la radio-activité crée est sans commune mesure avec celle de la fission, même si potentiellement le plutonium est incinérable avec des techno connues (réacteur à neutrons rapides).

je me demande aussi si on n'utiliserait pas mieux les budgets en travaillant sur les réacteurs à fission subritiques au thorium (plus facile à trouver), les réacteurs à boulets (plus sûrs)... mais il est vrai que c'est plus trop de la recherche mais du développement.

le propre de la vrai recherche c'est qu'on ne peut pas prévoir ce qu'on va trouver comme application. si Iter tourne, on trouvera peut être une application bien plus simple et rentable à court terme. si Keneddy avait prévu que ca aboutierais à Internet, il aurait eu moind de doutes...
Aujourd'hui face a ce genre de défis nous sommes trop peureux, et ca va nous tuer.

A l'opposé la fusion est peut être une application trop évidente pour finalement avoir des conséquences indirectes...
je crois plus au CERN comme véritable créateur de nouveauté. Comme quand il a révolutionné la radiologie avec la chambre a film.
[2]
Commentaire par Stephane
jeudi 30 septembre 2010 07:49
Petite question à Alain, tu veut certainement dire fission subcritique au lieu de subritique, à moins que je me trompe de technologie.
la chambre à film, je ne connait pas, mais tu parle certainement de la chambre à FIL qui à justement été inventée par Georges Charpak, il y'a plus de 40 ans, celui même qui dénonce le projet et qui est malheureusement mort quelques jours plus tard.
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