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Arnaud Gossement est avocat associé en droit de l'environnement au Barreau de Paris et maître de conférences à Sciences Po Paris. Docteur en droit de l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne,...

Copenhague : un ou plusieurs accords ?


mardi 03 novembre 2009

Pour réussir Copenhague, les Etats ne doivent pas s'arrêter à de simples accords bilatéraux. Ils doivent parvenir à la signature d'un accord politique global, et se doter d'outils juridiques et économiques adéquats.


Arnaud Gossement est avocat, docteur en droit et Maître de conférences en droit de l’environnement à Sciences Po Paris.


 Yvo de Boer, Secrétaire exécutif de l’UNFCC, l’organisation des Nations Unies dans le cadre de laquelle se déroulent les négociations climatiques l’a récemment admis : « Il sera physiquement impossible de finaliser tous les détails d'un traité à Copenhague, quel que soit le scénario envisagé. Mais Copenhague doit permettre d'aboutir à un accord sur l'essentiel ». Il a ajouté : « A Copenhague il nous faut la substance. Ensuite les parties (à la Convention) s'occuperont de la forme juridique ».

Il faut effectivement se demander si la recherche à tout prix d’un texte unique et à valeur contraignante est nécessairement la meilleure solution. Contrôler le respect d’engagements plus ou moins précis dans des domaines très complexes par des Etats souverains et, éventuellement, leur infliger des sanctions, sont autant de difficultés non réglées à ce jour. A ce titre, le bilan d’application du protocole de Kyoto n’est pas motivant. En clair : analysons-nous les négociations en cours avec les bonnes lunettes ? 

Au travers des actions et déclarations des parties à la conférence de Copenhague, se profile de plus en plus nettement un scénario : l'hypothèse d'un grand accord juridiquement contraignant à court terme perd du terrain, tandis que celle d'une pluralité d'accords bilatéraux en gagne. Certes, le Premier ministre danois, Lars Loekke Rasmussen, a appelé ce lundi, lors d’une visite à Moscou, à "un accord ambitieux" lors du sommet de Copenhague et a proposé à la Russie une coopération économique accrue dans le domaine de « l'efficacité énergétique ». Mais M. Rasmussen - qui ne semble pas croire à un accord à Copenhague - a surtout proposé à la Russie un accord de coopération bilatéral : « La Russie a des objectifs très élevés pour ce qui est de son efficacité énergétique. Cela pourrait être la base de notre coopération commerciale. Il y a beaucoup de compétences au Danemark ».

Dans le même sens, la Chine et les Etats-Unis ont signé le 28 juillet dernier un mémorandum destiné à renforcer leur coopération dans la lutte contre le changement climatique. Le 21 octobre, la Chine et l'Inde ont également signé un accord de coopération pour mieux lutter contre le réchauffement climatique. A l’occasion de la visite de Nicolas Sarkozy au Brésil – les 6 et 7 septembre - les deux Chefs d’Etat, dans leur déclaration conjointe ont rappelé l’existence d’un « groupe de travail bilatéral sur le changement climatique (…) afin de rapprocher encore plus les positions des deux Etats, et de renforcer leur capacité à faciliter la conclusion d’un accord ambitieux lors du prochain sommet de Copenhague ». La déclaration précise en outre que « La France soutient pleinement le souhait du Brésil d’organiser en 2012 un nouveau sommet de la Terre, 20 ans après le premier Sommet ».

Enfin, le plan « justice-climat » dont Jean-Louis Borloo s’est fait l’avocat à l’occasion d’un déplacement à Dacca (Bangladesh), peut être interprété dans le même sens. Il aurait vocation à construire une solidarité écologique entre pays riches et pays pauvres, plus particulièrement entre l’Europe et environ 80 pays d’Afrique et d’Asie du Sud est. Outre cet axe Europe-Afrique qui pourrait se prolonger jusqu’au Brésil, le plan pourrait avoir pour objectif d’inscrire la France dans un mouvement où plusieurs Etats concluent des accords bilatéraux sans attendre la conclusion hypothétique du « grand » accord de Copenhague.

L’articulation de négociations bilatérales et multilatérales n’est pas une nouveauté et l’existence des unes ne nuit pas nécessairement aux autres, les deux processus pouvant se nourrir à l’inverse l’un de l’autre. Les accords bilatéraux qui viennent d’être cités font en effet référence à la conférence de Copenhague, non pour l’annuler mais pour en optimiser les chances de succès. La dramatisation de l’enjeu de la conférence de décembre est donc nécessaire tant il est certain que la signature d’un nouveau protocole à court terme est indispensable. Notre analyse des négociations climatiques en cours doit cependant intégrer ce bilatéralisme et aller au delà. Il faut en effet se souvenir que l’application du protocole de Kyoto n’a pas permis à elle seule de réduire significativement le niveau mondial des émissions de gaz à effet de serre. Seule la mobilisation d’un grand nombre d’instruments juridiques, économiques permettra de répondre aux alertes exprimées par le GIEC. La mobilisation citoyenne aussi. Celle-ci est encore trop faible, notamment aux Etats-Unis où selon une étude récente de HSBC, seulement 45% des personnes interrogées espèrent un accord à Copenhague.

Une réflexion approfondie sur la gouvernance des négociations, la place des corps intermédiaires comme les syndicats ou les ONG et la prédominance des exécutifs nationaux sera elle aussi à mener. En résumé : un nouveau protocole est un impératif, pas une baguette magique.

 

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