Par Gery Lecerf
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Diplômé de l'Institut d'études politiques de Lille, de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales et du Celsa-Paris, Gery Lecerf est responsable des affaires publiques dans une société du secteur de...
Oui, la France peut vivre avec moins de nucléaire !
Par Gery Lecerf
lundi 23 mai 2011
Même les pro-nucléaires n’excluent plus une forme de rééquilibrage au profit des énergies renouvelables. Ce scénario mérite donc d’être analysé.
Le Gouvernement français, s'il a réaffirmé son soutien au nucléaire,
a confirmé les objectifs de progression des énergies renouvelables, qui devraient atteindre une part de 23% du mix à l'horizon 2020.
Au Parti Socialiste, la Première Secrétaire, Martine Aubry, a déclaré en
mars dernier que, « dans un deuxième temps, il faut rentrer dans le schéma de baisser la part du nucléaire, et aller vers une sortie [...] en 20 ou 30 ans, tout en accroissant la part des énergies renouvelables ». François Hollande a lui-même affirmé qu'« à l'horizon 2025, il faut tendre à ce que le nucléaire ne représente plus que 50 % de la production d'électricité ». Du reste, cette position n'est pas neuve : les socialistes s'étaient engagés en 2005 à aller au-delà du respect des 3 X 20 (réduire de 20% les gaz à effet de serre, améliorer les économies d'énergie de 20 %, augmenter la part des renouvelables de20 %) en réduisant la part du nucléaire et en rééquilibrant le mix énergétique.
Au-delà de la rue de Solferino, ce réalisme a suscité un certain intérêt sur l'ensemble de l'échiquier politique.
Le scénario d'un "rééquilibrage du mix français" mérite donc d'être analysé ; d'autant plus qu'au-delà des postures politiques qui cherchent à entretenir l'émotion surgie dans l'opinion publique à la faveur de la catastrophe japonaise, un tel scénario n'est pas dénué de sens d'un point de vue énergétique. En filigrane, la question est la suivante : est-il efficace d'avoir près 80% de nucléaire dans un mix électrique ?
Un parc surdimensionné
Par rapport à nos besoins en consommation, nombre d'observateurs estiment que notre parc nucléaire est surdimensionné. En 1975, les prévisions tablaient sur une consommation de 1000 TWh en 2000 : elles ont été de 474 TWh en réalité (et 513 TWh en 2010). Le début des années 90, malgré de fortes oppositions, a vu s'arrêter la construction de réacteurs en série. Avec les projets d'EPR, certains pensent que cette erreur de prévision a été réitérée et considèrent d'ailleurs que le Président de la République leur a donné raison en affirmant publiquement que l'électricité de l'EPR de Flamanville serait destiné à l'export (cf discours). Au final, les 62 GW de production nucléaire actuellement installés en France se situent très largement au-dessus de la demande d'été, lorsque la pointe culmine à 55 GW et que le minimum approche les 38 GW. Sans compter des besoins en électricité de base amenés à se réduire assez fortement avec l'arrêt de consommations industrielles comme celle d'Eurodif (soit environ 15 TWh/an).
Ce surdimensionnement présumé a pour effet de faire fonctionner le parc nucléaire français d'une façon qui n'est pas vraiment conforme à la logique d'une production qui devrait être de base. En bref, on lui fait faire trop de yoyo. Claude Mandil livrait en janvier 2009 à l'Assemblée nationale, une analyse assez lapidaire sur ce sujet : "80 % d'électricité ainsi produite, c'est risqué - mais aussi inefficace. Il faut en effet savoir que le taux de disponibilité de nos centrales est sensiblement inférieur à celui de l'Allemagne car, notre marché étant essentiellement national, certains doivent être arrêtés durant les heures creuses. Si le nucléaire français ne représentait plus 80 % de la production d'électricité française mais 15 à 20 % de la production d'électricité européenne, les centrales tourneraient sans cesse - temps de maintenance excepté - et, durant les heures creuses, elles exporteraient massivement. Ce serait bon pour les consommateurs et pour les opérateurs et très bon pour la planète car on remplacerait par cette électricité d'origine nucléaire un peu de l'électricité allemande produite au charbon. Ce serait donc un très grand progrès." C'était avant Fukushima, mais l'analyse reste éclairante.
Le scénario du rééquilibrage n'est donc pas farfelu et semble rencontrer un certain assentiment dans l'opinion : selon un sondage CSA réalisé pour le compte de l'agence Publicis Consultants les 7 et 8 avril dernier, un peu plus de 80% des Français sont favorables à une grande diversité des sources d'énergie dans leur pays.
Le « tout renouvelable » est utopique
Sans aborder ici l'impact en termes de prix, quelles seraient les conséquences d'une sortie partielle du nucléaire ?
La transition devrait nécessairement se faire en s'appuyant, d'une part, sur la production thermique carbonée (à base de sources fossiles : charbon-vapeur, pétrole, gaz naturel et notamment les cycles combinés gaz, déjà indispensables, et qui présentent un ratio efficacité/émissions de CO2 très performant), et, d'autre part, sur la production renouvelable (petite et grande hydraulique, éolien, photovoltaïque, biomasse). Mais la seconde ne pourrait se passer de la première en raison de son intermittence, le thermique servant souvent de "back up" aux renouvelables. Même chez les Verts, Mme Voynet ne disait pas autre chose en 2007 dans une réponse faite au Réseau Sortir du Nucléaire : "La baisse de la consommation d'électricité grâce à la sobriété et à l'efficacité, la montée en puissance par la production à partir des énergies renouvelables et la construction de centrales à gaz à cycle combiné à haut rendement - indispensable pour la pointe et la demi base et déjà en cours en France, [...] - permettront de programmer au fur et à mesure la sortie du nucléaire". Une position pas loin d'être partagée récemment par l'association Négawatt pour qui le gaz jouerait un rôle important dans la transition de sortie du nucléaire.
Rappelons que le "tout renouvelable" relève quasiment de l'utopie. Ainsi, le Danemark, dont on vante le [prétendu] choix du tout éolien, est parfois qualifié d' "homme sale de l'Europe" en raison de sa forte dépendance à la production à partir du charbon très émettrice de CO2. Autre exemple, le scénario de l'IHS CERA pour l'Allemagne : établi dans le cas où cette dernière confirmait son scénario initial de sortie du nucléaire, ce scénario prévoit que nos voisins d'outre-Rhin, s'ils veulent éviter le risque de pénurie d'électricité, devraient retarder l'arrêt de centrales au charbon (houille et lignite), construire 5 GW supplémentaires de centrales au gaz et construire des éoliennes et des fermes solaires pour 15 GW. A cela s'ajouterait une hausse probable des imports d'électricité nucléaire française...
En bref, pour être pleinement réaliste et cohérent, le scénario du rééquilibrage doit se fonder sur un mix énergétique qui s'appuie sur une plus grande place laissée aux renouvelables et aux nouvelles solutions de production thermique, aux côtés du nucléaire.
Avec encore est toujours la bonne vieille intox sur le Danemark (ou comment ne pas vouloir voir que depuis les années 90 le monde à évaluer), alors que les émissions par point de PIB du Danemark sont identiques à celles de la France... ( http://dataservice.eea.europa.eu/pivotapp/pivot.aspx?pivotid=475 ) et que le Danemark est en train de sortir du charbon pendant que la France veut sortir du renouvelable et importe de plus en plus de gaz pour pouvoir faire marcher ses chauffages électriques...
http://www.denmark.dk/en/servicemenu/News/Environment-Energy-Climate-News/DenmarkToSignificantlyCutCoalPower.htm
Sur IEA :
http://www.iea.org/stats/indicators.asp?COUNTRY_CODE=FR
http://www.iea.org/stats/indicators.asp?COUNTRY_CODE=DK
France :
Emission par habitant : 5,74 tCO2/hab
Emission par 2000$ de PIB : 0,25 tCO2/2000$ de PIB
Danemark :
Emission par habitant : 8,82 tCO2/hab
Emission par 2000$ de PIB : 0,27 tCO2/2000$ PIB
Le Danemark émet plus de CO2 par unité de PIB et énormément plus par habitant (plus de 1,5 fois la France !).
CQFD
Sur le Danemark, je n'ai jamais prétendu que les émissions étaient supérieures à celles de la France (même si c'est le cas cf. commentaire précédent), j'ai simplement dit qu'il est faut de l'ériger en modèle du tout renouvelable vertueux étant donné sa dépendance au thermique (et on pourrait ajouter aux importations), que ça plaise ou non.
Je ne suis pas expert en renouvelables mais je sais que le backup thermique et hydrau est absolument nécessaire pour pallier leur intermittence, mêem avec les systèmes réseaux les plus performants qui soient en terme de dispatching et de prévision. prétendre le contraire est de l'escroquerie intellectuelle.
Concernant Négawatt, lisez ou relisez l'article d'Hervé Kempf dans Le Monde, daté du 16 mars 2011 où il est explicitement mentionné que "le gaz (sous-entendu la production d'électricité à partir de gaz) jouera un rôle important dans la transition vers la sortie du nucléaire".
@Sam : si vous avez des billes, ne vous privez pas. Pour ma part, je n'aborde pas le sujet car cela brouille le raisonnement, tout comme les sondages puisque lorsqu'on demande aux français s'ils acceptent de sortir du nucléaire mais avec une hausse de sprix, c'est non d'office. Deuxièmement, il faudra attendre le rapport demandé par François Fillon à la cour des comptes pour avoir une idée un peu exacte des coûts du nucléaire démantèlement et coûts post fukushima compris.
Les chiffres réels qui sont annoncés et controlés par les pays concernés auprès de l'Union Européenne c'est plutot 11,5 teqCO2/habitant pour le Danemark et 8,5 t/habitants pour la France (voir le lien que j'ai donné sur la base de l'Agence Européenne de l'Environnement)... Soit des émissions par habitants sensiblement égales puisque les émissions moyennes sur Terre doivent passer à 2,5 t/habitants si l'on veut stabiliser la concentration de CO2 dans l'atmosphère à 450 ppm...
La feuille de route du groupe, selon Proglio, c’est pour EDF de passer à une capacité de 200 GW au niveau mondial (contre 150 aujourd’hui), avec une répartition à 50 % dans le nucléaire, 25 % dans l’hydroélectricité et les autres sources d’électricité renouvelable et 25 % en thermique (gaz et charbon). En France, il vise pour 2020 une part du nucléaire stable à 80 % (c'est-à-dire sans développement accru de l’éolien et du photovoltaïque) alors que dans le même temps, il annonce un parc de production d’électricité renouvelable de 45 GW géré au niveau européen (hydroélectricité comprise, comptant pour plus de 20 GW en 2010 pour la France).
Le fait que le PDG d’EDF ne tienne pas compte de la directive européenne sur les énergies renouvelables - 23 % de l’énergie consommée en France, soit 30 à 35 % de l’électricité d’ici à 2020, ce qui est incompatible avec 80 % d’électricité nucléaire - est lourd de sens pour la politique énergétique du pays, quand on sait le poids d’EDF pour influencer nos ministres et l’administration… Cela devrait en interroger plus d’un à la Commission Européenne…
http://www.telos-eu.com/fr/article/l-equation-nucleaire-europeenne
Que représente un vingtaine ou une trentaine de centrales sur tout le territoire en km2 ?
En 1973, on envisageait 100 GW autant dire que le parc est sous dimensionné !
Sur une courbe de coût que les centrales tournent à 60 ou 90% le courant est toujours compétitif par rapport aux éoliennes qui ne durent que 20 ans et produisent un volume de déchets supérieur à n'importe la quelle des filières nucléaires par leurs fondations (une éolienne terrestre c'est en gros 10 fois plus de béton et d'acier au kWh) et l'éolien c'est plus de CO2. Certes il faut mettre quelques-uns de ces moulins à vents. Mais aller du nuc vers l'éolien est une régression économique, scientifique, environnementale. Au contraire il faut aller vers la quatrième génération de réacteur dont Phénix, Superphénix,et les BN russes ont montré la viabilité industrielle.
Pourquoi faudrait-il sortir du nucléaire ? Sachant que l'Europe a un pic de consommation en hiver le solaire ne sert à rien : http://www.energie-gouv.fr/spip.php?article7
Il reste l'éolien off shore : 900 tonnes par éolienne de 50 MW : le poids du réacteur de 1600 MW
Voilà comment il faut rééquilibrer le parc nucléaire :
une dizaine d'EPR supplémentaires, une dizaine surgénérateurs au sodium, une dizaine de réacteurs s au thorium à sels fondus, et une dizaine de réacteurs