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Diplômé de l'Institut d'études politiques de Lille, de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales et du Celsa-Paris, Gery Lecerf est responsable des affaires publiques dans une société du secteur de...

La révolution Obama


mercredi 11 février 2009

Le virage vers une croissance verte initié par le nouveau président américain va bouleverser le secteur de l'électricité outre-Atlantique.


L’énergie est probablement un des secteurs les plus marqués par l’arrivée d’Obama à la présidence des Etats-Unis. Certes, certains souligneront que l’éolien américain vient de connaître une année record avec 50% de croissance en un an, faisant des Etats-Unis le premier Etat du monde en termes de puissance éolienne installée, coiffant au passage l’Allemagne et l’Espagne. C’est donc que la croissance verte - le lobby éolien américain AWEA estime par exemple que la filière a créé 35 000 emplois nouveaux – n’a pas attendu Barack pour démarrer au pays de l’oncle Sam.

Oui. Mais l’administration Obama a pris un virage à presque 180 degrés en matière d’énergie, et plus particulièrement d’électricité, et se rapproche des objectifs européens. Appelant à l’avènement d’une « green energy economy », Obama souhaite que 10% de l’électricité consommée aux Etats-Unis soit issue en 2012 de sources renouvelables, et voudrait se fixer un objectif de 25% en 2025. A rapprocher des 20% en 2020 que les Etats membres de l’Union européenne se sont imposés. Rompant avec l’administration Bush, il est également partisan d’un marché national contraignant d’échanges de permis d’émissions de CO2, sur le modèle européen. L’introduction d’un tel système de marché doit permettre selon les équipes d’Obama de réduire les émissions de CO2 de 80% d’ici 2050, par rapport à leur niveau de 1990. Et, last but not least, il a appelé à une refonte du réseau national d’électricité.

La mise en application de ces grands objectifs ne s’est pas fait attendre. Sur les 838 milliards de dollars du plan de relance américain, baptisé « Stimulus Plan », pas moins de 60 milliards seront consacrés à l’énergie. 11 milliards seront alloués à la modernisation des réseaux électriques (dont 257 000 km de lignes à haute tension) et au développement du comptage intelligent. Les Etats-Unis ont connu des années de sous-investissement dans les infrastructures de réseaux d’électricité. La gigantesque panne du 14 août 2003, la plus importante de l'histoire des Etats-Unis, avait plongé dans le noir quelque 40 millions d'habitants du nord-est du pays, dont la ville de New York. Les légères améliorations apportées ne furent cependant pas suffisantes pour empêcher les importantes coupures de courant à New York, dans le Missouri et en Californie en juillet 2006, dans un contexte de vagues de chaleur. L’enjeu premier est donc de développer un maillage électrique performant, pour acheminer l'électricité là où il existe des besoins et d’améliorer les systèmes de maintenance. 5000 km de nouvelles lignes devraient être construites. Le réseau devra aussi être capable d’absorber une part accrue d’énergies renouvelables sur le réseau, dont le caractère intermittent et difficilement prévisible nécessite des infrastructures dites « intelligentes ». Mais il devra également s’adapter aux nouveaux usages tels que le développement de la voiture électrique et aux besoins induits en termes de rechargement.

Les énergies renouvelables ne seront pas en reste dans ce « Stimulus plan » : 16 milliards de dollars seront alloués au soutien aux énergies renouvelables et aux économies d’énergie, et pourraient générer jusqu’à 460 000 emplois.

Mais un plan ne se déroule jamais sans accroc. Ainsi, l’indispensable modernisation du réseau pour accueillir les énergies renouvelables risque de se heurter au bien connu syndrome NIMBY (Not In My Back Yard). Récemment, une ligne à haute tension, absolument nécessaire pour raccorder des éoliennes au réseau, n'a pas pu être construite au Kansas parce que la plupart des habitants refusaient que la ligne traverse leurs terres.

En matière de marché du carbone, la route semble encore difficile pour arriver à l’équivalent du système ETS européen (Emission Trading System). Barbara Boxer, la sénatrice californienne en charge du dossier, s’est heurtée à de nombreux obstacles lorsqu’elle a présenté, début février, les grands principes d’une possible « loi carbone ». Mais, signe des temps, la nomination, par Hillary Clinton, de Todd Stern comme diplomate chargé des négociations sur l’après Kyoto (à ne pas confondre avec son homonyme économiste Nicolas Stern), est un gage de bonne volonté de la part des Etats-Unis. Ce dernier était en effet déjà en charge de ce dossier sous l’ère (Bill) Clinton.

Enfin, la question de la relance nucléaire aux Etats-Unis reste en pointillé. Dans son plan énergétique de campagne, Obama avait estimé que l'énergie nucléaire (20 % de l’électricité aux Etats-Unis) était une option inévitable pour respecter des objectifs climatiques ambitieux. Il avait néanmoins émis de sérieuses réserves sur une expansion du nucléaire aux Etats-Unis, suspendant ce développement aux questions de « sécurité du combustible nucléaire, de stockage des déchets et de prolifération ». Selon la Nuclear Regulatory Commission, pas moins de 31 nouvelles installations ont été prévues aux Etats-Unis pour accueillir de nouveaux réacteurs.

Reste que les green policies semblent définitivement en vogue à Washington. « In U.S., green is the new color of lobbying » titrait un quotidien d’outre atlantique en fin d’année dernière. Au pays où le lobbying fait partie intégrante de la vie politique, c’est plutôt bon signe.

Gery Lecerf s'exprime ici à titre personnel
2 commentaire(s)
[1]
Commentaire par Apo
jeudi 12 février 2009 00:06
Une trés bonne change que ce mini virage vert. Espérons que des sociétés françaises d'énergie renouvelables comme Velcan et Voltalia vont pourvoir bénéficier de ces orientations.
[2]
Commentaire par Patrice Martin
jeudi 12 février 2009 11:46
Sauf erreur, les Etats-Unis ont toujour assez bien su régler leur problème électrique. En Californie par exemple, la consommation électrique est restée stable au fil des années (vous le dites d'ailleurs dans une autre chronique en section "climat") et les autres Etats américains ne sont pas plus gourmands qu'un bon vieil Etat européen moyen.
Le problème avec les amis américains, c'est l'utilisation effrenée de la voiture, avec des carburants peu chers (même s'ils ont beaucoup augmenté). L'habitat est dispersé, tout le monde dans la famille a sa propre voiture (mais généralement pas une voiture propre, plutôt un 4x4...).
Ce qu'Obama devrait encourager, c'est le retour des citoyens en centre ville, le développement de réseaux de transports collectifs (marchant à l'électricité), la mise en oeuvre de voitures électriques par des géants de l'automobile totalement "dinosaures", etc, etc...
Le fera-t-il ?


[Réponse de l'auteur]
Les Etats-Unis ont été les précursseurs de la libéralisation du marché de l'électricité, mais cette libéralisation n'a pas concerné pas tous les Etats, et a parfois été mal mis en oeuvre, faute d'une régulation suffisante. La grande panne californienne de 2001 en est un bon exemple. Cf. l'article suivant qui aborde la question californienne : http://www.citedurable.com/screens/blogPage/viewBlog/sw_viewBlog.php?idTheme=35&idContribution=326 Concernant l'automobile, Obama a fixé un objectif d'un million de voitures sur les routes américaines en 2015, avec le soutien des aides fiscales. Des investissements importants seront nécessaires pour développer et produire ces véhicules ainsi que les infrastructures électriques nécessaires en termes de places de stationnement équipées en systèmes de recharge. Bref, il faudra adapter le réseau. Et c'est vrai dans tous les pays. Quant aux transports collectifs, 8 projets de couloirs ferroviaires à grande vitesse sont sur les rails, la Californie ayant déjà voté le sien.
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