Par Stefano Bonelli
- Docteur en Sciences de la Terre et de l'Environnement
Auteur
Stefano Bonelli est Docteur en Environnement et expert climatique.Ingénieur de l’Ecole Polytechnique de Milan et Docteur en Sciences de la Terre et de l’Environnement (Ph.D),...
La reforestation, nouvelle pomme de discorde entre Nord et Sud
Par Stefano Bonelli
- Docteur en Sciences de la Terre et de l'Environnement
mardi 22 juin 2010
La conférence de Bonn a été le théâtre de tensions entre pays du Nord et pays du Sud sur les questions de lutte contre la déforestation. L'enjeu est de taille : c'est dans la préservation des forêts que se joue une partie importante de la lutte contre le réchauffement climatique.
Selon un récent rapport réalisée sous l'égide de la FAO, les forêts couvrent actuellement 31 % de la superficie totale de la planète. Elles demeurent, de facto, une composante majeure du système climatique, capable de renfermer 289 Gt de carbone dans leur seule biomasse. Cette quantité évolue dans le temps. Si la fixation de carbone forestier est favorisée par la réhabilitation et par une gestion durable des forêts, elle diminue en revanche considérablement avec la déforestation, la dégradation et la mauvaise gestion des ressources forestières. Une étude corroborant ces conclusions vient également tout juste d'être publiée par les Annales de l'Académie nationale américaine des sciences (PNAS).
Or, le carbone stocké dans la biomasse forestière a été réduit d'environ 0,5 Gt par an au cours des 5 dernières années. En effet, bien que le taux de déforestation s'est réduit par rapport aux années 90 - ce qui représente une bonne nouvelle ! - il demeure néanmoins très élevé. En termes de superficies forestières, ce sont l'Afrique et l'Amérique du Sud qui subissent la perte de forêts la plus élevée, alors que les superficies boisées ont stagné voire augmenté sur les autres continents.
C'est justement sur la préservation des forêts que se joue une partie de la lutte contre le changement climatique. La conférence de Copenhague a montré que tout accord "post-Kyoto"devra nécessairement inclure des actions visant à réduire la déforestation. Le rendez-vous de Bonn s'inscrit dans la suite logique du débat, initié à Bali en 2007 et poursuivi à Copenhague, qui vise à établir des règles communes permettant d'évaluer, gérer et valoriser le "potentiel carbone" des forêts. Y compris d'un point de vue économique, et c'est bien là que le discours se complique…
Si de nombreuses initiatives de reforestation ont vu le jour dans les pays en développement, la composante durable en termes économiques en est souvent absente : pour qu'un projet forestier soit pérenne et joue son rôle, il faut qu'il soit associé à des bénéfices directs pour les populations locales, afin de se substituer durablement aux revenus générés par la déforestation.
Ainsi, un intense débat est en cours à tous les niveaux (états, ONG, institutions, population locales) sur ce que l'on appelle le REDD, ou Réduction des Emissions liées à la Déforestation et Dégradation des forêts dans les pays en développement. Ce mécanisme vise à transférer des ressources économiques depuis les pays développés vers le pays du Sud, afin de fournir une solution alternative à la déforestation. Il s'agit de rendre la protection des forêts plus intéressante économiquement, en compensant les coûts de sa non-exploitation. Actuellement, l'acronyme REDD s'efface progressivement dans les débats au profit de celui de REDD+, où le "plus" indique une emphase plus importante sur la gestion durable des forêts et sur l'augmentation de leur capacité de stockage de carbone.
Une question encore largement ouverte concerne enfin le financement du projet.
Vaut il mieux procéder via la vente des crédits carbone (marché réglementé), ou dans le cadre plus vaste de l'aide au développement (fonds multilatéraux) ? Répondre à cette question implique d'avoir traduit l'impact du projet en termes de crédits carbone et avoir évalué les conséquences de leur mise en circulation sur le marché. Une préoccupation majeure est suscitée par la saturation potentielle du marché avec l'afflux d'importantes quantités de crédits REDD, qui peut se traduire par leur dévaluation et engendrer des lourdes répercussions sur le financement même des projets.
Le changement climatique et la perte de biodiversité ne nous attendent pas. Dans ce contexte, le REDD demeure un mécanisme clé dans la lutte contre la déforestation et le changement climatique.
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