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Jean-Jacques Chanaronn est directeur de Recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et Conseiller Scientifique à Grenoble Ecole de Management (GEM)...

Voitures hybrides : un avenir incertain ?


mercredi 12 mars 2008

Jean-Jacques Chanaron, Directeur de Recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et Conseiller Scientifique à Grenoble Ecole de Management (GEM), s'interroge sur l'opportunité du développement des voitures hybrides, qui pourrait ralentir l'émergence de technologies ultérieures plus performantes sur le plan de l'environnement.


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Selon une étude récente, les véhicules hybrides, qui fonctionnent avec un moteur à combustion interne et des batteries électriques, pourraient bien n’être rien de plus qu'une étape provisoire avant que ne soit développée une technologie plus efficace pour l’environnement.

Les résultats de cette recherche, qui viennent d’être publiés dans une revue scientifique spécialisée (*), suggèrent qu’une large diffusion des véhicules hybrides pourrait ralentir le développement des piles à combustible ou de batteries à très hautes performances, solution faisant alors fonctionner des véhicules tout électrique. La question au centre de l’étude est d’analyser si l’adoption de la technologie des véhicules hybrides, particulièrement aux Etats-Unis, est réellement viable tant au plan environnemental qu’économique.

L'étude analyse les facteurs de déploiement des véhicules hybrides, y compris les déterminants non financiers de leur adoption. Elle montre que la plupart des constructeurs automobiles intègrent rapidement des véhicules électriques hybrides dans leur portefeuille de modèles et ce malgré l'absence de rentabilité significative avec les volumes actuels et l’absence d'un avantage environnemental prouvé. Il faut, en effet, indiquer qu’à ce jour, les nouvelles sources d’énergie alternatives pour voitures particulières - hybrides, piles à combustible, batteries et carburants verts – ne semblent avoir aucun avantage environnemental et économique significatif sur les moteurs à combustion interne.

L’étude soutient que la mode pour les véhicules hybrides, largement orchestrée par les médias, particulièrement aux Etats-Unis et de plus en plus au Japon et en Europe et potentiellement en Chine, pourrait représenter une réelle menace pour le développement de technologies plus innovatrices, comme les voitures à pile à combustible qui peuvent utiliser des « carburants » largement disponibles, probablement l'hydrogène. La plupart des études antérieures ont montré qu'une telle technologie révolutionnaire ne sera pas commercialisable dans des volumes significatifs avant au moins 2025. Il serait alors sans doute bien tard pour une réduction significative des émissions de polluants et le changement climatique. Même la technologie des piles à combustible a ses inconvénients non résolus et l’essentiel du marketing autour de son potentiel est le fait du seul lobby de l’hydrogène lui-même.

À l'heure actuelle, il y a une convergence générale des stratégies vers la promotion des véhicules hybrides comme la solution de moyen terme pour des véhicules à long rayon d’action et faiblement polluants. Une telle évolution est largement imputable à la stratégie de Toyota de développement de cette technologie qui lui a permis de créer et d’imposer une "quasi-norme" de voiture propre grâce à sa réputation, largement méritée, de qualité et de fiabilité et ses fortes positions commerciales sur le marché nord-américain.

Une telle convergence est basée plus sur une perception des consommateurs orientée par un marketing très intelligent et d’habiles campagnes de communication que sur une décision raisonnée basée sur des arguments scientifiques. Cela semble avoir abouti à la nécessité pour tout constructeur présent aux Etats-Unis d’avoir au moins un véhicule hybride dans sa gamme de modèles pour conserver une image acceptable face à la concurrence et, finalement, survivre à long terme.

Évidemment, les pressions politiques jouent aussi un rôle significatif. Les trois constructeurs automobiles américains - GM, Ford et Chrysler – ont récemment pressé le Président Bush de soutenir financièrement et politiquement une solution technologique nationale pour les véhicules hybrides, probablement pour éviter d’être dépendants des solutions actuellement dominantes introduites par Toyota. Il n'y a probablement aucun autre choix que celui de donner la priorité à la recherche pour les technologies propres et permettant une autonomie suffisante y compris pour les équipementiers. Une stratégie favorisant les solutions hybrides est-elle durable à long terme ? C'est la question clef à résoudre. Selon notre étude, la réponse n'est en aucun cas donnée, parce que la complexité et le surcoût de la technologie hybride jouent en sa défaveur et parce qu'il n'est pas prouvé que ses améliorations techniques futures et des volumes croissants lui donnent un réel avantage.

Il y a là un vrai dilemme stratégique pour les acteurs clefs de l'industrie automobile. C’est, en effet, un secteur d’activité dans lequel toute erreur dans la prise de décision technologique peut amener même un grand constructeur à la faillite et le transformer en une cible facile pour une prise de contrôle par un concurrent. Les cinq prochaines années fourniront certainement aux observateurs de l’industrie des indications plus précises quant aux scénarios possibles et aux facteurs d'échec ou de succès. Il est clair que les constructeurs, ainsi que le grand public, devraient baser leur décision sur des arguments scientifiques irréfutables et de vraies informations plutôt que sur effets de mode et des critères émotifs.

(*) CHANARON, J.J., TESKE, J., (2007), Hybrid vehicles: a temporary step, International Journal Automotive Technology and Management, Vol. 7, No. 4, pp 268-288.


Photo d'illustration © Christopher Nolan - Fotolia.com
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