Par Bruno Marzloff
Auteur
Bruno Marzloff, sociologue, fondateur du Groupe Chronos, co-pilote du programme Villes 2.0 avec la FING. Dernier ouvrage, avec Daniel Kaplan (FING) : "Pour une mobilité libre et durable",...
Traiter la congestion automobile avant de parler énergie
Par Bruno Marzloff
vendredi 27 février 2009
Energie thermique ou électrique ? Voiture électrique solution à tous nos maux ? Il faut régler le problème de la congestion urbaine avant
Si l’on en croît l’appel d’offre de l’Etat portant sur 100 000 voitures électriques, on peut prédire un bel avenir électrique à la voiture.
Mais comment en est-on arrivé là ? Il faut, dit-on, continuer de produire les objets automobiles pour le maintien de la filière et de ses emplois. Bien ! Il faut, dit-on encore, satisfaire les exigences environnementales. Mais la voiture électrique est-elle réellement la panacée ? A cet égard, deux remarques :
- L'électricité dépend partiellement de l'énergie fossile. Les piles sont pour l'heure tributaire de métaux rares (le lithium). On risque de se retrouver un jour avec le même goulot d'étranglement que pour les énergies fossiles. Et sans doute n'a t-on pas fini d'investiguer les risques de la filière des piles. Certes, on comprend l'énergie de Bertrand Delanoë à imposer un moteur électrique dans l'appel d'offre Autolib (pour faire court, projet d'une flotte de 5000 voitures électriques en partage sur l'Ile-de-France sur le modèle Vélib). Un maire doit rendre sa ville propre. On comprend aussi les exigences des autorités européennes à accélérer la cadence d'une voiture propre. Il faut répondre à l'exigence publique. On comprend tout autant la mobilisation formidable des constructeurs vers cette supposée planche de salut. Comment continuer à vendre de l'auto ?
- Mais cette focalisation sur l'électricité masque le vrai problème. A concentrer le discours sur l'énergie, on en oublie de traiter la congestion automobile, qui en est le préalable incontournable. Est-ce en laissant autant de voitures, fussent-elles électriques, congestionner les voies que l'on améliore la mobilité urbaine ? Les seuls encombrements routiers génèrent des milliards d'heures perdues chaque jour sur terre. Ils produisent une pollution superflue en millions d'équivalent baril (par exemple, $8,6 milliards pour la seule année 1999, calculé aux USA). Même quand elles ne consomment pas d'énergie, qu'elles stationnent, les voitures contribuent à accroître la consommation d’énergie en réduisant l'espace des flux. Un espace rare. Selon un expert américain, le coût collectif du stationnement gratuit sur l’espace public correspond au budget de la défense nationale des Etats-Unis.
Regardons du côté du Japon, contraints d'être en avance sur ce thème car leurs villes sont trop denses pour supporter que les voitures stationnent le long des trottoirs. Les voitures vont de parking en parking. Les constructeurs dont la production domestique ne cesse de se dégrader depuis dix ans ont pris le pli de réfléchir autrement (le marché domestique a été divisé par deux depuis 1990).
Cela donne un curieux discours où le voyageur prévaut sur l'automobiliste, où la notion de « service de déplacement » domine l'objet automobile, et où les diverses formes de partages de la voiture s'insèrent dans un dispositif plus large de ressources au service de la mobilité. La voiture, c'est incroyable, n'y est plus le nécessaire satellite de notre quotidien, la prothèse des courses éparpillées de tous les jours. Elle devient un élément d'une mobilité complexe et décomplexée.
Lisez sur notre site cet entretien par Karyn Poupée de Kazuhiro Doi, directeur général des technologies de l'information chez Nissan. Lénine en 1917 disait, "Le communisme, c’est l’électricité et les soviets". Aujourd'hui, la formule choc pourrait être "L'urbain, c’est l’électricité et les partages", à condition de résoudre d'abord les congestions.
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Mais il serait souhaitable que les fonctions que procurerait une telle plateforme d’échanges d’informations ne visent pas que des objectifs « gadgets » ou commerciaux. Certes, les informations sur les stations de recharge ou de remplacement des batteries de voitures électriques, ou celles sur les partages de véhicules entrent dans cette catégorie. Car il faut, à mon sens, que ces informations aident à restreindre la circulation automobile dans les villes, pas à rendre l’usage de la voiture automobile individuelle encore plus excitant et performant. Car on peut faire confiance à tous les innovateurs pour trouver des services individualisés de plus en plus pointus les qui vont rendre la voiture encore plus « sexy » et séduisante.
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