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Fondateur et directeur de Mobility+, Marc Fontanès est sociologue et diplômé du CELSA, Ecole des Hautes Etudes en Sciences de l'Information et de la Communication. Consultant en mobilité, il est responsable...

Pourquoi l’ autopartage marche-t-il si mal en France?


lundi 07 février 2011

Le nombre d'adhérents à un système d'autopartage en France est ridiculement faible, avec environ 7 000 adhérents en 2010, contre 20 000 aux Pays-Bas, 100 000 en Suisse et en Allemagne et 450 000 aux Etats-Unis.


Pourquoi cette situation (*)? Comment l'améliorer.

Il y a sans doute une première raison de fond. Adhérer à un système d'autopartage revient à renoncer à la notion de propriété de son véhicule, ce qui n'est pas chose aisée dans la mentalité française. On loue son appartement, on loue son lieu de vacances, mais une voiture, ça s'achète, ou alors ça se loue... mais avec option d'achat. Le président Sarkozy voulait une «France de propriétaires». En matière d'usage de la voiture, c'est plutôt une France de locataires qu'il faudrait souhaiter.

Mais regardons les choses de plus près. L'autopartage est un système dans lequel une organisation (association, agence publique, société, regroupement d'individus...) met à la disposition de ses membres une flotte de véhicules. Un système pensé pour limiter l'impact environnemental et foncier des véhicules, principalement en ville, puisque le volume des parcs d'autopartage est généralement de 1 véhicule pour 30 membres, voire 1 pour 50.

Souvent accessibles sur voirie, avec une carte magnétique, 24h sur 24, ces véhicules sont faciles d'accès. On considère en général qu'il est pertinent de recourir à l'autopartage lorsque l'on roule moins de 10 000 km par an, ce qui est le cas d'1 automobiliste sur 5. Sans compter la seconde voiture que de très nombreux foyers pourraient économiser. Or posséder une voiture devient progressivement, tout simplement, une forme de luxe.

Les entreprises et l'Etat, bons élèves

Des progrès ont été enregistrés dans le secteur des entreprises. Certaines ont drastiquement réduit leurs flottes de véhicules, en créant des pools de véhicules proche du principe de l'autopartage. La plupart ont renoncé au principe de remisage au domicile, et donc contraint leurs collaborateurs à rapporter la voiture au siège de l'entreprise quand ils n'en ont plus besoin. On notera d'ailleurs que l'Etat est parmi les meilleurs élèves de la classe en la matière, avec la disparition de plus d'un véhicule de service sur deux dans les administrations déconcentrées.

Le maire de Paris a cru bon d'imaginer qu'un système de voitures électriques en libre service, à peu près calqué sur celui du Vélib', irait dans le bon sens, celui du développement durable, ou d'une meilleure gestion urbaine et sociale, ou encore du maintien de la Gauche à la mairie aux prochaines élections. Un pari bien risqué! Avec Autolib' », donc, on trouvera certes des voitures partout dans Paris... ou presque, puisqu'elles seront pour la plupart en sous-sol.

Mais, contrairement à un système classique d'autopartage où l'automobiliste est tenu, après l'avoir emprunté, de rendre le véhicule à l'endroit précis où il l'a pris, les voitures d'Autolib' pourront être utilisées en « one way », c'est-à-dire pour un trajet aller, exactement comme des vélos en libre-service.

On sait que la circulation des Velib' épouse les allées et venues quotidiennes des habitants, vidant les stations périphériques le matin pour les remplir le soir, avec parfois une concurrence féroce pour un emplacement. Des véhicules spéciaux ont ainsi été créés pour rééquilibrer les stations en temps réel. De là à imaginer un cauchemar urbain, peuplé de semi-remorques traversant de part en part la capitale en pleine nuit...

Imaginons également que les « autolibeurs » se comportent à terme comme ces nombreux vélibeurs (Paris) ou véloveurs (Lyon) qui, soit découragés de ne pas trouver de vélo fiable, soit définitivement convaincus que le vélo était la bonne solution, ont choisi de quitter le système pour s'offrir leur propre bicyclette... On verrait le nombre de voitures augmenter et l'on obtiendrait l'effet inverse de celui recherché.

Des formules multiples et originales

Il eut été préférable que le maire de Paris envisage de développer l'autopartage en proposant par exemple des avantages aux copropriétés qui intégreraient dans leurs charges communes un petit parc de véhicules à disposition des propriétaires et locataires de l'immeuble, ce qui fonctionne très bien à Hambourg en Allemagne par exemple. Autre solution maline: proposer un abonnement conjoint aux transports en commun et à l'autopartage, comme à Brême ou Hannovre, toujours en Allemagne.

En multipliant les formules, notamment en direction des catégories les moins fortunées, l'autopartage répondrait bien mieux aux difficultés de mobilité de centaines de milliers de nos concitoyens. Certains, par manque de moyens financiers ou matériels - et parfois, aussi, de desserte adaptée en transports en commun -, ne peuvent plus se déplacer, ne trouvent pas ou perdent un emploi, et s'enfoncent progressivement dans l'exclusion...
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Réduire(*)Sources des chiffres : Mobility+, mobility.ch et Zipcar 
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Fondateur et directeur de Mobility+, Marc Fontanès est sociologue et diplômé du CELSA, Ecole des Hautes Etudes en Sciences de l'Information et de la Communication. Consultant en mobilité, il est responsable...

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