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Interview : Jacques BARROT


Jacques Barrot : "les Suisses ont pris le taureau par les cornes"


mardi 15 mai 2007

Vice-président de la Commission européenne chargé des transports, Jacques Barrot se fait l'avocat des tunnels de base sous les Alpes et met en exergue l'exemple suisse. "Les Suisses ont pris le taureau par les cornes", dit-il à l'Agence Newsteam.


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ATTENTION EDITEURS

Au cours d’une interview avec l’Agence Newsteam, M. Barrot a commenté le rééquilibrage des transports en Europe entre la route, le rail, l’avion, le fluvial et le maritime, la question de la sécurité routière européenne, l’expansion des échanges intra-européens, le projet du canal Seine-Nord, les tunnels de base sous les montagnes.
Au total, 7 podcasts videos, pour une durée totale de 15 minutes, et des infographies, sont disponibles. Un dossier complet sur la liaison Lyon-Turin ferroviaire, avecd un podcast de M. François Lépine, est également disponible. Voir le dossier sur le site de Newsteam

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COMMENT PROTEGER LES MONTAGNES ?

La liaison Lyon-Turin ferroviaire semble lancée avec le grand tunnel du Mont-Cenis. Des tunnels italo-suisse et italo-autrichien sont également prévus. Grâce à euxd, l'environnement des Alpes paraît mieux garanti. Mais le trafic via les Pyrénées augmente. Comment protéger les montagnes ?

Il est temps d’entreprendre ces tunnels qui sont des tunnels de base, à la différence des tunnels que nous connaissons, qui souvent partent à une certaine altitude et n’améliorent donc pas la pollution des vallées. Nous sommes en train de mettre sur pied le financement du tunnel du Brenner (entre l'Italie et l'Autriche) et celui du tunnel du Mont-Cenis. Je pense que c’est la solution. Il reste les Pyrénées. Nous arriverons à passer sur le côté atlantique et sur le côté méditerranéen , mais il reste le problème de la traversée de la partie centrale, avec un tunnel qui pourrait là aussi nous aider à faire transiter le fret de plus en plus important entre l’Espagne et la France.

Il est temps de se mettre en marche pour engager ces grands chantiers. Les Suisses nous ont précédés. Va être inauguré dans quelques jours, le 9 juin, le tunnel ferroviaire du Löthschberg. Et le tunnel du Grand Saint Bernard est le plus grand chantier. J’ai voulu donner en exemple la Suisse qui a pris le taureau par les cornes. Elle a estimé que si elle voulait protéger ce magnifique patrimoine alpin, il n’y avait pas d’autres solutions que de construire ces grands tunnels ferroviaires de plus de 50km de long qui passent sous la montagne à basse altitude.

Il faut maintenant que très vite l’Europe engage ces travaux. Nous avons eu des difficultés avec la vallée de Suse (au débouché côté italien du nouveau tunnel du Mont-Cenis) . Elles paraissent surmontables d’autant plus que l’engagement du nouveau gouvernement italien a été très clair.

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LES AUTOROUTES DE LA MER

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Un mode de fret se développe beaucoup, c’est le fret maritime, le long des côtes européennes, pour constituer de véritables « autoroutes de la mer ». Vous avez l’intention de désigner un coordonnateur. Quel sera son rôle ?


Nous allons nommer un coordonnateur une fois que le Parlement européen aura donné son accord. C’est un grand spécialiste du transport maritime. Il pourra coordonner les différents projets des Etats membres car une autoroute de la mer, par définition, doit relier un Etat membre à un autre Etat membre. On ne peut multiplier les autoroutes de la mer, il faut accepter de choisir un port. Par exemple un port français et un port espagnol sur l’Atlantique. On ne pas créer des autoroutes de la mer en partance de chacun des ports français. Il faut assurer un certain roulement pour rentabiliser la ligne, lui donner une périodicité, une régularité. Car si je suis un camionneur, je veux bien utiliser une autoroute de la mer mais il faut que je trouve moyen de traverser avec un bateau dont la régularité est assurée.



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envoyé par citedurable

Est-ce que les ports français sont déjà choisis ?

Non, nous allons faire un appel a propositions. Ce sera à la France de nous proposer un ou deux ports sur l’Atlantique, un ou deux ports sur la Méditerranée. Il faudra des choix et ce sont les Etats-membres qui choisissent. Cela suppose aussi que les autorités portuaires se soient mises d’accord pour trouver un armateur décidé a assurer la liaison. Il y a donc une série de conditions à réunir pour réussir .une véritable autoroute de la mer.

Quelles sont les échéances ?

Normalement, cette année sera très importante pour le choix de ces autoroutes de la mer. Je mets beaucoup d’espoir sur cette politique.

LES TRAINS A GRANDE VITESSE

Vous étiez à bord du TGV qui a battu le record de vitesse. Le TGV-Est est un maillon dans la ligne Paris-Bratislava, elle-même un des trente projets prioritaires de grandes liaisons intra-européennes. Le trafic par avion augmente également très vite. Comment voyez-vous les grands équilibres entre modes de transports dans l'Europe du XXIe siècle ?

D’abord au niveau des passagers, on voit bien que le train à grande vitesse va prendre de l’ampleur. C’est pourquoi nous construisons un réseau de lignes à grande vitesse à travers toute l’Europe. Il y aura donc un transfert de la route vers le train et de l’avion vers le train pour les distances qui peuvent être parcourues en moins de trois heures.

Sur le fret, il faut une politique très volontariste pour transférer le fret de longue distance vers le rail, le fleuve, la mer. Normalement nous devrions délester les routes européennes d’un certain nombre de camions qui effectivement obstruent et polluent les grands axes.
Il ne faut pas pour autant prohiber la route et le camion, nécessaires pour les déplacements de moins de 300 km. Mais sur la longue distance il y a la possibilité de faire du transport combiné avec le ferroviaire, en mettant camions, remorques et containers sur les rails et en utilisant le fluvial et par le maritime

N’Y A-T-IL PAS TROP D’ECHANGES ?

default textNicolas Hulot cite souvent la collision sous le tunnel de Fourvière à Lyon de deux camions transportant des tomates. L'un venait de Finlande et allait au Portugal. L'autre venait d'Espagne et portait ses toimates en Suède. Même pour un libéral, n'y a-t-il pas un excès dans le développement des échanges au sein de l'Europe ?

Non, en l’occurrence il s’agit simplement d’organiser mieux le trafic. A cet égard, la navigation par satellite va permettre incontestablement à la logistique d’éviter des transports de marchandises inutiles.

Mais il ne faut pas le voir dans une optique malthusienne, consistant à restreindre artificiellement les échanges. Il faut utiliser les technologies de demain pour rationaliser les flux de marchandises Il est probable que le producteur finlandais, et le producteur portugais ou espagnol, ont mieux à faire qu’à avoir des échanges croisés comme le dénonçait Nicolas Hulot. Il ne faut pas manquer d’intelligence et laisser se développer des transports qui répondent plus à un manque d’organisation qu’à autre chose.
 
Mais ne nous trompons pas. Les échanges font partie de l’économie mondiale. Quand vous voyez arriver les porte-containers de douze mille containers qui apportent les produits du monde, on ne peut pas sous-estimer l’intérêt que présente ce commerce mondial pour le développement de tous les pays.

LE PROJET SEINE-NORD

Il y a quelques années, la France a refusé le canal à grand gabarit Rhin-Rhône alors que l'Europe a bouclé la liaison Rhin-Danube. Aujourd'hui, on attend beaucoup de la liaison dite "Seine-Nord", qui créerait une véritable autoroute fluviale entre la Seine et l'Europe du nord. Croyez-vous en l'avenir des canaux ?

Je stimule autant que je peux les Etats membres, et notamment la France, pour que ce canal Seine-Escaut soit une vraie priorité, honorée par les engagements financiers des Etats, notamment la France. C’est en effet un moyen intéressant de pouvoir acheminer du fret depuis la région parisienne vers les grands ports d’Anvers et d’Amsterdam. Nous allons, nous, dans la répartition des fonds européens, donner une priorité à ce projet. Mais il faut aussi que les Etats membres veuillent bien s’engager pleinement.

Vous évoquez une autre liaison qui aurait dû être créée en son temps, la liaison Rhin-Rhône. Telle n’a pas été la décision de la France. Mais aujourd’hui nous construisons une ligne ferroviaire Rhin-Rhône, et nous espérons bien que le fret pourra ainsi circuler vers le Rhin.

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