Participez aux débats sur l'énergie de demain

Anne-Catherine Husson : une jurisprudence va peu à peu se construire sur l'environnement


samedi 14 avril 2007

Mme Anne-Catherine Husson est directrice éditoriale de Novethic. Média en ligne (www.novethic.fr) , Novethic est aussi un centre de recherche et d'expertise sur la responsabilité sociétale des entreprises et l'investissement socialement responsable. Novethic, créée en avril 2001, est une filiale de la Caisse des dépôts


Newsteam : pourquoi les entreprises ne s’engagent-elles pas davantage dans les actions en faveur du développement durable. Seuls quelques patrons ont signé le pacte écologique de Nicolas Hulot …
Les entreprises, notamment celles qui sont cotées, sont prudentes face à tout engagement public qui pourrait les tenir, sur un plan juridique, vis-à-vis de leurs clients, de leurs actionnaires.
On reproche souvent aux politiques de faire des promesses et de voir après s’il faut les tenir. Les entreprises ne sont pas sur cette position. Elles sont comptables auprès de leurs clients, de leurs actionnaires, de leurs salariés. C’est pour cela qu’on les retrouve moins
sur des engagements type « pacte écologique », car derrière il faut suivre et mettre en œuvre.

On les voit peu sur le front de la lutte internationale contre le réchauffement climatique…
Le Giec, l’ONU de l’environnement, ce n’est pas le type de structures où elles peuvent intervenir directement. Rares sont les grands patrons sensibilisés au climat comme Al Gore … Mais à force, beaucoup commencent à comprendre les enjeux et savent très bien que la réglementation va se durcir et qu’il faut anticiper.
D’ailleurs les actionnaires commencent à les questionner. Une coalition d’actionnaires, le « Carbon disclosure project » (CDP), qui regroupe 225 investisseurs pesant plus de 40.000 milliards de dollars d’actifs, les questionne régulièrement : mesurez-vous vos émissions de GES ? qu’est ce que vous faites pour les réduire ? etc… On est loin d’un taux de réponse à 100 % mais ce travail lancé en 2003 commence à porter ses fruits.

Quel peut être le rôle du Droit et des Etats dans ce domaine ?
Les législations évoluent de façon globale, y compris en Chine. Il n’y a que 14% des voitures qui sortent des usines des Etats-Unis qui sont compatibles avec les normes chinoises. Commercialement parlant, c’est un handicap.
Il va se construire petit à petit une jurisprudence sur les enjeux environnementaux.
L’Europe travaille sur la notion de crime contre l’environnement. La France s’est dotée d’ une charte de l’environnement qui a intégré le principe du « pollueur-payeur » et le principe de précaution. Pour l’instant, c’est très théorique mais à un moment ou à un autre, un juge, ou plusieurs, vont traduire cela dans les faits il y aura une jurisprudence de référence.
De la même façon, pendant des années, l’industrie agro-alimentaire avait réussi à échapper aux attaque juridiques par les obèses. Aujourd’hui il y a une cour de New York qui a permis un procès engagé par deux obèses contre McDonald’s.

Comme dans le cas de l’industrie du tabac …
Oui, mais le lien entre tabac et cancer du poumon a put être établi scientifiquement. Là, le lien direct entre l’obésité et le McDo, était plus difficile, il fallait qu’un juge accepte qu’on puisse regarder. Et  on peut penser que cela va aller croissant dans la mesure où l’obésité va en augmentant….
Et puis il y a ce qu’on appelle le « risque de réputation ».
Aujourd’hui les grandes multinationales ont leur capitalisation à 85%  pour cent sur des valeurs immatérielles, comme la marque, l’image. Cette image peut être battue en brèche par un procès , une catastrophe environnementale, la fermeture d’une usine qui met à la rue des milliers de personnes. Pour l’entreprise, il y a un impact énorme qui se chiffre, qui se mesure et qui se traduit sur la valorisation financière, sur le cours de bourse. Beaucoup d’entreprises sont conscientes de cela et pour prévenir ce risque mettent en place des politiques environnementales et sociales responsables.

Dans ce contexte, quel va être l’impact du procès sur le naufrage de l’Erika ?
Attendons juin. Ce procès peut servir à traduire dans une décision de justice les nouveaux outils comme charte pour l’environnement. Ce sera peut-être le cas, peut être pas. On verra si par exemple le principe du pollueur-payeur est appliqué dans ce contexte. La plupart des acteurs, pas seulement Total, nient toute responsabilité. A un moment donné, le juge va devoir identifier les responsables car la catastrophe, elle, a bien eu lieu.
Apres il va falloir mesurer, compter et chiffrer, peut-être pour la première fois, ce qu’est un préjudice écologique, jusqu’où on va. Est-ce que c’est couvrir les côtes de pétrole, détruire les écosystèmes ? Ce sont des enjeux très importants, ce sera très intéressant à suivre.
Propos recueillis par Jean-Luc Prigent

PARTICIPEZ !
Cet espace est le vôtre !
La chaîne Energie de LExpansion.com
vous ouvre ses colonnes. Partagez vos analyses !