Interview : Anne-Catherine HUSSON
Anne-Catherine Husson-Traore : le pragmatisme naturel des entreprises est un facteur clé
Interview : Anne-Catherine HUSSON
dimanche 22 juillet 2007
Novethic, filiale de la Caisse des dépôts, est à la fois un site internet ouvert et un centre de recherches consacrés aux questions du développement durable, avec une orientation « entreprise » très marquée. Anne-Catherine Husson-Traore, sa directrice, explique cette démarche.

Novethic, qui est une filiale de la Caisse des dépôts, a été créé en 2001, en partant de la notion d’investissements socialement responsables (ISR), c’est-à-dire de produits financiers qui incluent des critères sociaux et environnementaux.
Pour mieux les faire connaître, pour expliquer comment fonctionnent les agences de notation spécialisées, pour rendre plus familiers tous ces concepts inconnus à l’époque, il nous a paru plus simple de créer un site internet, un media. Nous avons décidé de viser un public assez large, avec des journalistes qui sont des médiateurs capables d’expliciter des informations compliquées.
Nous sommes aujourd’hui au dessus de 100.000 visiteurs par mois, avec une newsletter hebdomadaire à laquelle 32.000 personnes sont abonnées.
Vous publiez donc chaque semaine plusieurs informations liées à l’actualité, et des études sur des thèmes spécifiques. Sur quels thèmes ?
Depuis six ans, nous essayons de décrypter les enjeux du développement durable, notamment pour l’entreprise. Qui la juge ? Qui l’interroge ? Est-ce que ce sont les actionnaires, les ONG ? Nous développons notamment une expertise sur les campagnes d’interpellation que les ONG, nationales et internationales, mènent auprès d’entreprises ou de secteurs comme celui de la finance. Car elles ont compris que les acteurs-Etat ont certes un rôle important, mais qui est très souvent en retrait et que les entreprises, plus particulièrement multinationales, ont un rôle clef dans l’organisation économique et donc ses impacts environnementaux et sociaux. C’est donc en s’adressant à elles et à leur pragmatisme naturel, qu’elles espèrent déclencher un changement de comportement.
L’exemple des émissions de gaz à effet de serre est éclairant. Les Etats sont une des clés mais ils sont loin d’être exemplaires et, au sein du système européen, essaient plutôt d’adoucir les règles de réduction. Face à cela, les entreprises ont deux attitudes, certaines font du lobbying auprès des Etats pour alléger les règlementations d’autres voient dans une politique de réduction parfois obligatoire des opportunités commerciales.
Ce sont ces mécanismes que nous expliquons sur le site internet, en direction des entreprises, des ONG, des étudiants, des citoyens. Notre ligne éditoriale est factuelle. On s’efforce de donner à réfléchir et à penser, on fait très peu de commentaires. On analyse, on donne des informations mais on n’est pas dans une posture politique.
Vous avez également des produits plus spécialisés, vendus sur abonnement…
Oui, nous sommes aussi centre de recherches. On estime que les gens en charge du développement durable, les managers, les patrons de PME, ont besoin d’informations détaillées. Nous avons une publication mensuelle spécialisée, « La lettre de l’économie responsable », qui s’adresse à ce genre de public.
Nous faisons aussi des études thématiques, sur les fonds d’Investissement Socialement Responsable, sur l’immobilier durable, etc…
Nous avons aussi des études sur les grandes sociétés cotées au CAC40, à partir de leur reporting sur les enjeux sociaux et environnementaux. On le fait sur des thèmes comme la diversité des salariés au sens ethnique mais aussi homme/femmes, seniors ou encore la lutte contre la corruption, le recours aux énergies renouvelables. On regarde ce que les 40 entreprises disent faire dans ces domaines, on enquête un peu, on rapporte comment elles sont notées par les agences spécialisées et on fait une sorte de « rating » de la communication de ces entreprises. On ne les note pas. On évalue la qualité de leur reporting, avec une méthodologie dont elles sont informées.
Comment réagissent-elles ?
Aujourd’hui, quand une entreprises apparaît systématiquement en dernière position sur ce genre de classement, au bout d’un moment cela lui pose problème. Pas au sens juridique –rien ne les oblige à avoir un bon rating extra financier-mais en terme d’image, par rapport à leurs clients. Le groupe Bouygues est venu nous voir pour nous demander pourquoi ils étaient aussi mal notés. Dans sa branche Construction par exemple, il est face à des collectivités locales qui demandent souvent la prise en compte de tels critères,. Car il ne suffit plus de dire +oui, je prends en compte le développement durable+, il faut convaincre avec des certifications.
Nous essayons d’indiquer un chemin, mais nous ne sommes pas consultants, nous orientons vers des sociétés de conseil appropriées. Les grands consultants ont tous des départements « développement durable » importants et il y a des spécialistes comme Ethicity ou d’autres. De plus en plus de sociétés, notamment des PME, ont recours à ces consultants.
Pourquoi un tel accroissement de ces recours ?
Un des fondamentaux de cette économie responsable, ce sont ce qu’on appelle les « parties prenantes ». Une entreprise n’est pas fermée sur elle même, elle a des actionnaires, des salariés, les riverains de ses sites, les ONG qui peuvent être des porte-parole de la société civile, des clients, des fournisseurs. A toutes ces communautés, elle doit expliquer ce qu’elle fait, pourquoi, comment.
Tout récemment, Axa a annoncé qu’ils allaient se désengager de leurs investissements dans les bombes à sous-munitions (voir le communiqué d'AXA). C’est le résultat d’une campagne engagée en Belgique et relayée en France en juin 2006. Elle a abouti à la décision d’AXA, qui n’était pas évidente au début.
Notre fonction, c’est d’expliquer comment marchent ces interpellations des ONG. Cela reste des actions encore peu familières en France, peu couvertes par les media. Ce sont des concepts plus anglo-saxons, plus utilisé d’ailleurs dans ces pays. Mais elles doivent être analysées. C’est ce que nous faisons notamment dans notre lettre mensuelle.
Propos recueillis par Yves de Saint Jacob
Le site de Novethic
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