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John McNeill est professeur au département d'histoire de l'université Georgetown à Washington. Il est l'auteur de nombreuses publications, notamment d'une histoire de l'environnement au XXe siècle,...

Une histoire de l'environnement du XXe siècle


vendredi 26 novembre 2010

"Du nouveau sous le soleil" est une des premières études historiques de l'environnement menée à l'échelle du monde et sur un temps long, le XXe siècle, par John McNeill, professeur à l'université Georgetown de Washington. Une revue de livre par "La chaîne énergie".


Le livre de John McNeill, professeur d'histoire à l'université Georgetown de Washington, Something new under the sun, vient de paraître en français sous le titre : Du nouveau sous le soleil (Editions Champ Vallon-523 pages).

L'ouvrage, qui a connu un grand succès aux Etats-Unis a ceci de spécifique qu'il constitue une des seules histoires systématiques de l'environnement à l'échelle mondiale et sur tout le XXe siècle.
La chaîne Energie en rend compte ci-dessous.
 



Les événements environnementaux peuvent paraître a priori plutôt «naturels» et analysables de façon objective. En fait, l'histoire détaillée qu'en fait John McNeill montre combien ils sont dépendants des systèmes politiques et idéologiques.

Au début du siècle, les villes enfumées de l'Amérique du nord sont la rançon du développement industriel, mais la conscience du progrès qui s'accomplit rend acceptable et presque souhaitable cette pollution: «la fumée est l'encens qui brûle sur les autels de l'industrie», disait l'homme d'affaires de Chicago, W.P. Rend en 1892. Et c'est sans doute le rejet de tout pouvoir totalitaire qui poussera Georges Orwell, l'auteur libertaire de « 1984 », à défendre juste après la seconde guerre mondiale  le droit des Londoniens à se chauffer avec leur poêle à charbon individuel, alors que le gouvernement voulait réglementer cet usage pour réduire le smog meurtrier de la capitale britannique.

La pollution, soeur du progrès technique

Le socialisme naissant va exalter l'industrialisation et la conquête des espaces vierges. Il engage la surexploitation minière et l'établissement des villes nouvelles en Sibérie ou la destruction de la mer d'Aral pour irriguer les champs de coton. Cette conquête est assumée: «Laissons la fragile poitrine verte de la Sibérie se couvrir de la carapace en ciment des villes, s'armer des bouches en pierres des cheminées d'usine et se barder des ceintures en acier des chemins de fer. Laissons la taïga brûler ou être coupée, laissons les steppes être piétinées. Laissons faire tout cela et c'est ainsi que les choses doivent être inévitablement. Ce n'est qu'avec le ciment et l'acier que l'on forgera l'union de tous les peuples, que l'on scellera la fraternité de l'ensemble du genre humain», s'écrie en toute simplicité V. Zazurbin en 1926 devant le Congrès des écrivains soviétiques .

La colonisation introduit l'exploitation sans frein des ressources naturelles, la décolonisation ne provoquant d'ailleurs pas de vrai mouvement inverse. Le non alignement tiers-mondiste, de Nehru à Nasser, élève les barrages au niveau d'un mythe - la maîtrise des forces de la Nature par l'Homme. Avec ses inconvénients souvent non prévus, mais aussi avec les effets bénéfiques des révolutions agricoles , de l'éradication des famines ou des épidémies.

Du côté négatif, les ravages des pesticides, les accidents nucléaires comme Tchernobyl, les catastrophes chimiques comme celle de la baie de Minamata au Japon vont faire se lever peu à peu les mouvements citoyens et les organisations non gouvernementales, et laisser émerger les premières régulations mondiales.

Des "bienfaiteurs" très contestés

Miroir des mouvements historiques, l'approche environnementale introduit de nouveaux acteurs historiques, que l'on n'a pas l'habitude de mettre en valeur. John McNeill en dresse souvent des portraits riches en anecdotes.

Qui se souvient de Fritz Haber ? Après avoir développé les gaz mortels pour l'armée allemande pendant la première guerre mondiale -ce qui poussa sa femme au suicide-, il développa avec Karl Bosch la synthèse de l'azote, permettant au régime nazi de ne plus dépendre de l'étranger pour ses engrais. Mais d'origine juive, Haber fut chassé de son poste et s'exila à Londres. Tout le développement de l'agriculture, avec les excès de l'enrichissement des sols, a reposé sur sa découverte.
 
Qui connaît Thomas Midgley ? Ce chimiste américain, chercheur chez General Motors, avait pour grand père l'inventeur de la scie à ruban, qui révolutionna l'exploitation forestière. Lui a le mérite -équivoque - de deux découvertes qui auront un fort impact environnemental : l'identification du fréon, le premier des gaz CFC qui feront des trous dans la couche d'ozone, et la révélation que l'introduction de plomb dans les carburants augmente considérablement leur efficacité. Malgré les mises en garde qui lui furent adressées dès le départ, il faudra des décennies avant qu'on réintroduise « l'essence sans plomb ». Atteint de la poliomyélite, Thomas Midgley avait imaginé un système de sangles et de courroies pour l'aider à se mouvoir. Il mourut étranglé par ce système de son invention...
 
John Mcneill dépeint, dans un tout autre domaine, le capitaine norvégien Svendasse Foyn (1809-1894), qui inventa le canon à harpon pour la chasse à la baleine, ouvrant la voie à une des plus dévastatrices pêches industrielles, mais qui fut aussi l'un des ferments les plus efficaces des mouvements écologistes. Tel le personnage d'Ahab dans Moby Dick, il fut projeté un jour par un filin dans les eaux glacés du Pacifique nord. Repêché par miracle, il dit simplement : « j'ai perdu ma casquette ». Après lui vint un autre capitaine norvégien, Petter Sorlle, le concepteur des navires-usines capables de débiter en une heure une baleine bleue de 100 tonnes.
 
"Du nouveau sous le soleil", une histoire environnementale du XXe siècle - par John McNeill (traduction Philippe Beaugrand) - 523 pages - Edition Champ Vallon , Seyssel, France
En anglais :
« Something new under the sun. An environmental history of the twentieth-century world".Editeur W.W. Norton - New York - London. 2000. 421 pages. Ouvrage couronné en 2001 par la World History Association.

(Compte-rendu par Yves de Saint Jacob)
1 commentaire(s)
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Commentaire par Jacques Gérard
lundi 29 novembre 2010 12:01
Enfin un livre qui replace l'environnement en tant que produit des systèmes politiques et sociaux, et non pas en tant que nouvelle idéologie. J'ai lu la version anglaise, et c'est fascinant de voir comment l'histoire de l'environnement "décalque" l'histoire tout court : le capitalisme, le socialisme, le colonialisme, etc... Faire l'histoire de l'environnement au XXe siècle, c'est refaire l'histoire des idéologies et des systèmes politiques du XXe siècle.
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John McNeill est professeur au département d'histoire de l'université Georgetown à Washington. Il est l'auteur de nombreuses publications, notamment d'une histoire de l'environnement au XXe siècle,...

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