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John McNeill est professeur au département d'histoire de l'université Georgetown à Washington. Il est l'auteur de nombreuses publications, notamment d'une histoire de l'environnement au XXe siècle,...

1890-2009 : de la chasse aux phoques à Copenhague


mardi 27 octobre 2009

Cela démarra à la fin du XIXe siècle avec le contrôle de la chasse aux phoques. Il y 20 ans, le monde se mettait d’accord pour empêcher la dégradation de la couche d’ozone. Copenhague 2009 sera-t-il aussi une date historique ?




Professeur à l'Université Georgetown de Washington, John McNeill est l’un des principaux historiens américains de l’environnement, auteur du best seller «Something new under the sun». De passage en France, il a tracé pour "la chaîne Energie" les grandes lignes de l’histoire de la régulation avant Copenhague.

Extraits de l'entretien.

Les premières régulations internationales en matière d’environnement apparaissent dès la fin du XIXe siècle, dans les années 1890. Elles concernent les espèces animales, notamment marines, tel l’accord conclu par les Etats-Unis et le Canada sur la chasse aux phoques dans le Pacifique nord, destiné à restreindre la surexploitation des fourrures. Mais il s’agissait d’accords bilatéraux.

Il faut attendre plusieurs années après la fin de la seconde guerre mondiale pour voir se profiler de nouveau une préoccupation environnementale. Auparavant, les effets économiques et sociaux de la première guerre mondiale puis de la grande crise de 1929 sont trop prégnants pour que se développe une sensibilité sur ces questions.

A la fin des années 50 et au début des années 60, des mouvements d’opinion se manifestent dans le monde entier. Beaucoup sont liés aux problèmes de la pollution urbaine et de la question des retombées radioactives des essais nucléaires militaires dans l’atmosphère.

On note avec intérêt que beaucoup de ces mouvements naissent simultanément, aux Etats-Unis, en Nouvelle Zélande, en Australie, en Europe. En 1960, le chancelier Willie Brandt fait campagne sur une plateforme d’action pour un «ciel propre». On relève aussi de ces mouvements dans des pays inattendus, comme le Pérou et l’Inde. Là, les thèmes de mobilisation tournent autour de l’accès des populations rurales aux ressources naturelles, comme les forêts et l’eau, qui sont alors limités soit par les compagnies étrangères, soit par les Etats. Le mouvement est donc rural, alors qu’il est surtout urbain aux Etats-Unis et dans les pays développés.

Ces mouvements d’opinion poussent les gouvernements à engager certaines formes de régulation, surtout nationales. Par exemple, des ministères de l’environnement sont créées un peu partout : le premier en Suède en 1966, les plus récents au milieu des années 1980.

C’est au début des années 1970 que l’on voit se lever des régulations internationales. Elles ont souvent trait aux mers régionales, comme la Baltique ou la Méditerranée. Celles concernant les pollutions commencent à avoir des dimensions transfrontalières. C’est le cas pour les pluies acides dans l’est de l’Amérique du nord, en Europe centrale ou en Scandinavie, qui subit les retombées des émissions britanniques.

John McNeill avec Emmanuel Le Roy Ladurie,
pionnier de l'histoire du climat
Aucune de ces régulations cependant n’a un caractère global, comme en a aujourd’hui la question du changement climatique. L’histoire de la régulation «mondiale» n’est donc pas très longue.

Les premiers accords significatifs interviennent à la fin des années 1970. Le transport international des matières dangereuses aboutit à un accord global dès 1984, la convention de Bâle, qui rassemble la plupart des pays. Puis c’est la grande affaire des émissions de chlorofluocarbures, les CFC, quand la science établit que leur dispersion via les aérosols provoquait des trous dans la couche d’ozone, avec de grandes conséquences pour la santé.

Les fabricants de CFC contestèrent d’abord ces résultats scientifiques, puis affirmèrent que la recherche de substituts serait hors de prix, mais ils s’inclinèrent finalement. Le protocole de Montréal de 1987, et quelques accords ultérieurs, établirent une régulation efficace. La Chine et l’Inde qui s’étaient d’abord tenus à l’écart, rejoignirent le mouvement. L’accord sur les CFC est le plus grand moment de bonheur dans les annales de la régulation environnementale…

C’est sur ce succès que certains fondent leur optimisme quant à un contrôle des émissions de gaz à effet de serre. Il y a tout de même une grande différence avec les CFC : l’impact sur l’économie était faible, et on trouva facilement des substituts, alors que les industries et les activités qui utilisent les énergies fossiles sont centrales dans les économies modernes et qu’on ne sait pas bien par quoi remplacer le charbon, le gaz et le pétrole…

C’est l’enjeu de Copenhague. Le sommet de décembre a pour objet de prolonger et amplifier les acquis obtenus au milieu des années 1990 pour aboutir au protocole de Kyoto. Celui-ci fut pourtant bien décevant. Notamment parce que quelques uns des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre, tout particulièrement les Etats-Unis, la Chine et l’Inde, refusèrent finalement de la signer. Ce fut la grande défaite de l’administration Clinton. En outre, pour la plupart de climatologues, les objectifs fixés par ces accords ne furent pas assez ambitieux pour avoir une chance de remédier aux évolutions climatiques. Un accord modeste qui ne rallie même pas tout le monde : de quoi être pessimiste.

Reste à voir ce qui sortira de Copenhague. Il y a un motif d’optimisme : le changement de la politique américaine sous l’administration Obama. Pourtant, la crise économique limite la marge de manœuvre des négociateurs américains et l’attitude de la Chine risque de manquer de flexibilité, du fait de la grande dépendance de son économie au charbon. Mais il y a quelquefois de bonnes surprises dans les négociations internationales !

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John McNeill est professeur au département d'histoire de l'université Georgetown à Washington. Il est l'auteur de nombreuses publications, notamment d'une histoire de l'environnement au XXe siècle,...

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