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Recherche : mais que fait le CEA ?


mercredi 16 novembre 2011

Dans un article iconoclaste sur le site Débat&Co, le Pr Remy Prud'homme dresse un constat sévère de la recherche française en comparant les résultats du CEA avec ceux de grandes universités américaines.


Lire l'article complet sur Débat&Co

 Le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) est un bon exemple de la recherche à la française. Il est intéressant de comparer cette institution à des universités comme Harvard ou le MIT (à Cambridge, dans la banlieue de Boston).

Ce qui les distingue n'est pas l'argent. Le budget du CEA (4,2 milliards d'euros) est beaucoup plus élevé que celui de ces grandes universités américaines (2,7 milliards pour Harvard, 1,7 pour le MIT). Pour le prix du CEA nous pourrions avoir Harvard plus le MIT.

Ce qui les différencie, ce sont les résultats. Le CEA dans les années 1950 et 1960, a joué un rôle éminent dans la mise au point de la bombe nucléaire française. Mais depuis, qu'a-t-il fait ? Personne ne le sait vraiment. Il a développé une filière pour la production d'électricité d'origine nucléaire (la filière graphite-gaz), qui a été abandonnée au profit d'une autre filière, achetée à Westinghouse.

Le CEA fait donc de la recherche fondamentale et appliquée. Tout comme Harvard et le MIT. Sur ce terrain, la comparaison n'est pas flatteuse. Le fameux classement de Shanghai, qui place régulièrement Harvard et le MIT dans les quatre ou cinq meilleures universités du monde, ne cite pas le CEA. Mais on peut appliquer ses critères. Une recherche dans l'ensemble des articles publiés au cours des trois dernières années dans Science et dans Nature, les deux plus célèbres revues scientifiques du monde, donne 553 articles avec « Harvard University » ou « MIT », et 14 articles avec « Commissariat à l'Energie Atomique ». Quarante fois moins. Combien de prix Nobel décernés au cours des trente dernières années à des chercheurs en poste à Harvard et au MIT ? 18. A des chercheurs du CEA ? Zéro. Infiniment moins.

(...)

Quatre pistes d'amélioration

Au total, la comparaison n'est guère à l'avantage du CEA. Le moins que l'on puisse dire est que le contribuable français n'en a pas pour son argent. Pourquoi des gens qui ne sont pas moins intelligents et moins travailleurs en France qu'aux Etats-Unis, et qui n'ont pas moins de moyens, y sont-ils tellement moins productifs ? Quatre pistes peuvent être suggérées.

La première est que le CEA est mono-disciplinaire alors que Harvard et le MIT sont pluri-disciplinaires ou même omni-disciplinaires. Au CEA, des physiciens et des chimistes. Dans les deux universités de Cambridge, des physiciens et des chimistes, certes (à preuve les prix Nobel remportés dans ces disciplines), mais aussi des mathématiciens, des économistes, des linguistes, des juristes, des politicologues, des philosophes, des musiciens, des médecins, etc. qui se côtoient quotidiennement, déjeunent dans les mêmes clubs et participent aux mêmes séminaires.

La seconde est que les chercheurs du CEA font seulement de la recherche alors que les professeurs de Harvard et du MIT font également de l'enseignement. Ils donnent à leurs étudiants, mais ils reçoivent aussi beaucoup d'eux. Cela est particulièrement vrai pour les thésards qu'ils dirigent et qui démultiplient leurs capacités de recherche. Le modèle français, directement inspiré du modèle soviétique, de coupure entre instituts de recherche qui produisent de la connaissance et universités qui la distribuent, est tout simplement moins fécond que le modèle américain d'universités qui intègrent recherche et enseignement. 

La troisième est que Harvard et le MIT baignent et prospèrent dans un univers concurrentiel alors que le CEA opère dans un système fonctionnarisé. On rentre au CEA tout jeune, au sortir d'une de nos chères grandes écoles bien françaises, où l'on a été peu ou pas exposé à la recherche. Le CEA doit être, avec la SNCF, l'institution qui emploie le plus grand nombre de polytechniciens. On y fait « carrière » toute sa vie, à l'ancienneté. A Harvard ou au MIT, au contraire, le champ de recrutement est le globe. On fait tout pour attirer les meilleurs chercheurs, d'où qu'ils viennent, et n'être pas Américain n'est nullement un obstacle. Et s'ils ne publient pas assez, on ne les garde pas. Réciproquement, s'ils ne se trouvent pas assez dotés ou payés, ils ne se plaignent pas à leur syndicat, ils acceptent l'offre d'une autre université.

Une quatrième piste d'explication est que la recherche à Harvard ou au MIT est libre alors qu'elle est dirigée au CEA. Les professeurs choisissent les sujets de recherche qui les passionnent, guidés par leurs intuitions, leurs itinéraires, leurs envies. S'ils ont besoin d'argent, ils préparent un projet convaincant, et en cherchent le financement en dehors de leur institution. Ni le président ni le chef de leur département n'interviennent dans ce processus. Demandez aux présidentes de Harvard ou du MIT quel est leurs « programme de recherche » : ils n'en ont aucun et ne comprendront même pas votre question.
 
Au CEA, en revanche, on a une structure hiérarchique, avec un directeur général nommé en Conseil des ministres, qui fait en matière de recherches ce que demande son ministre. Il définit un « programme », et le fait exécuter par ses troupes. Ainsi, il y a quelques années, cédant à la mode, la tutelle a décidé que le CEA devait se réorienter vers l'environnement. Exécution. Ce modèle est sans doute bien adapté à la guerre ; on peut penser qu'il ne l'est pas à la recherche scientifique.


8 commentaire(s)
[1]
Commentaire par patrig k
mercredi 16 novembre 2011 22:24
Pourquoi aller chercher un comparatif soviétique , alors que depuis des siècles ce pays qui ne cesse de se vanter d'arrogance de sa technicité de son si glorieux passé, les comparatifs n'ont pas besoin d'être importés depuis l’extrême Oural ... !

Historiquement c'est imparable , Le Colbertisme suivi de son alter mutant , le Jacobinisme ...le centralisme. Et actuellement , l'omniprésidence à talonnettes !

Par contre , quelle idiotie d'y mettre le syndicalisme en défaut, certes il existe des effets pervers liés à la nécessité de ce contre pouvoir. Dans ce cas, le terme corporatisme est a préférer et est le plus juste en définition.

Satisfait néanmoins de lire cette tirade , et de remettre à sa place, ce groupe de recherche atomique et faiseur de bombes atomiques ...

Le locataire élyséen, voyez vous, en a rajouté une couche , et le CEA dispose d'un budget de 650 millions d'euros en R&D pour nous refaire le retour de Super phénix , la G4 génération ... Du plomb fondu a 700°c pour modérer la réaction des neutrons rapides de ce réacteur qui serait, parait il , la perle rare et le saint Graal de l'énergie pour plus de 3000 ans ! Non sans rire , si le CEA ne compte pas de philosophe dans son sein, les millénariste atomiques sont légion, Charpack (respect humain) y croyait ..

Sarko , les alchimistes du CEA , la gauche / droite , ou syndicats, non rien à voir pour ce cas là !
[2]
Commentaire par Hervé
jeudi 17 novembre 2011 13:32
@ l'Auteur
Je ne sais pas si le CEA et le MIT sont réellement comparable, les but des deux institutions étant sensiblement différentes. Le MIT n'a je pense pas vraiment vocation au secret. Le CEA, lorsque il travaille sur la mise au point de bombes nucléaires ou de nouvelles centrales n'a pas vraiment d'intérêt à divulguer leurs travaux ou même l’identité de leur savants.

Concernant l'activité du CEA, vous avez oublié quelques « détails », car il me semble de mémoire qu’il a trempé pas mal dans la recherche sur le recyclage des déchets, la surgénération et maintenant Iter.

Cela dit vous avez certainement raison, l'efficacité de ce style d'institution pourrait être améliorée (comme beaucoup d'autres par ailleurs).

@Patrig k
Je vous suggère de revoir vos connaissances sur la G4 qui semblent très limitées et inexactes.
[3]
Commentaire par patrig k
jeudi 17 novembre 2011 15:59
@ Hervé ... hé ,'0)

Le CEA, lorsque il travaille sur la mise au point de bombes nucléaires ou de nouvelles centrales n'a pas vraiment d'intérêt à divulguer leurs travaux///

Ben çea alors ! ...De dire tout et son contraire en l'espace de trois mots ... n'est pas très malin malin ... Sel de sodium ... Certains protos sont imaginés dans ce sens, disons du peu des secrets que vos copains veulent bien nous en dire ...

le doigt dans la plume qui glisse aussi vite qu'un mulot irradié ...
[4]
Commentaire par patrig k
jeudi 17 novembre 2011 22:25
@re Hervé à propos de plomb ...

Extrait du site radioactivité.com
[....//...
Les réacteurs à neutrons rapides utilisent principalement du plutonium comme combustible. Ils ne nécessitent pas de modérateur. Leur cœur est 10 fois plus petit que celui d'un réacteur conventionnel à l'uranium. Le refroidissement se fait au sodium ou au plomb fondu. Ce refroidissement pose un problème de sécurité, notamment avec le sodium, explosif à l'air et à l'eau.....//...]

ce ne sont pas des anti-nucléaires qui le disent ..certes aucune intention de me prétendre physicien nucléaire, mais les hussards de la république, m'ont laissé deux choses à propos de vocabulaire , de lire le français , et "jacobinement" de tout faire de m’empêcher de vous répondre en Breton,

soit dit en passant une langue plus ancienne et tout aussi riche que le français qui n'est que le cumul et pillage de toutes les langues régionales ...

d'ailleurs il y a un mot qui convient très bien à nos façons de consommer (énergie surtout), et qui est issu de ma langue maternelle régionale

Goéland ... l'oiseau qui se goinfre plus qu'il ne faut en mer , et avec cette particularité de piller également les terres

Goel (manger ) land ( la terre )

c'est un autre sujet, mais rien ne nous interdit d'abonder de quelques mots de travers, tant qu'ils ne sont pas dangereux ..
[5]
Commentaire par Hervé
jeudi 17 novembre 2011 23:04
@ Patrig K

Vous voyez, en vous renseignant vous vous améliorez:
Dans votre 1er vous citiez: //Du plomb fondu a 700°c pour modérer la réaction des neutrons rapides de ce réacteur qui serait, parait il //
Bon maintenant vous avez compris qu'il ne faut surtout pas de modérateur dans un RNR, c'est mieux (et en plus ça permet d'évacuer plus de puissance, comme vous le signalez). Lisez un peu plus et vous verrez que le sodium n'explose pas à l'air comme vous le prétendez, il s'agit juste d'un feu peu actif, et encore un peu plus et vous verrez que la sécurité de SPX n'était pas si négligée que ça. (Aprés c'est pas la panacée c'est sur).

Pour info je n'ai pas "de copains" au CEA, et ne travaille pas dans le domaine du nucléaire. Cependant, connaissant assez bien le potentiel des ENR et la problématique du Peak Oil à venir, j'en suis arrivé à la conclusion que le nucléaire n'a pas que des inconvenients, surtout pour satisfaire tous ces "goéland" que nous sommes dont je doute qu'ils arrivent à devenir moineau!!!

Bonne soirée.
[6]
Commentaire par Rouget
lundi 21 novembre 2011 01:10
Le CEA est un tel échec qu'il se trouve dans les 100 entreprises les plus innovantes du monde !

http://www.top100innovators.com/top100

Auto-flagellation à la française...
[7]
Commentaire par Chelya
mercredi 23 novembre 2011 14:30
Bon, il va quand même falloir que quelqu'un parle de l'éléphant dans la pièce... Le budget du CEA est peut-être élevé parce qu'il sert à subventionner la production d'électricité nucléaire en France, non ? Il suffit de voir à quoi correspond les programmes, dès que vous voyez des projets demandés par EDF et à utilisation exclusive d'EDF comme un programme sur l'augmentation du facteur de charge des centrales nucléaires françaises vous pouvez vous dire que là où dans tous les pays ce serait les compagnies d'électricité qui financeraient les chercheurs, en France on a des chercheurs qui financent les compagnies d'électricité... Même chose pour les programmes où le CEA est payé par l'état pour travailler sur des sujets à usage exclusif 'Areva... Aux Etats Unis, GE irait payer le MIT pour travailler sur ses réacteurs nucléaires en valorisant cette dépense par la vente de réacteurs, en France, on va plutot demander à l'état de payer le CEA pour bosser gratuitement pour diminuer artificiellement le prix du réacteur...
[8]
Commentaire par Hervé
samedi 26 novembre 2011 15:54
Pour se faire une idée, le mieux est de regarder les chiffres:
- Les 58 réacteurs produisent env. 420Twh par an soit @4.2ct€/Kwh un chiffre d'affaire de 17.7 milliards (pour 80% de notre électricité.)

- Le budget du CEA tout compris est de 3.9 milliards (mais le CEA ne travaille que partiellement pour la filière électronucléaire. Au maximum, 2 milliards sont affectés aux programmes des CNPE).

Donc de toute façon, si aide il y a, elle est modérée. Pas de quoi changer l'ordre de grandeur des choses sur le coût de l'énergie nucléaire.

Il serait par ailleurs intéressant de regarder le montant des aides fiscales et autres obligations d'achat, au bénéfice des ENR. Ramené à la faible productivité de ces sources et des investissements à faire pour les intégrer, le montant des subventions risque d'apparaitre démesuré par rapport à celles octroyées au nucléaire.

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