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Sophie Avril est ingénieur de recherche au CEA à l’Institut de technico-économie des systèmes énergétiques (I-Tésé), dont la vocation est de donner un éclairage technico-économique sur tous les systèmes...

Le triangle du lithium : vers un nouvel Eldorado


mardi 02 février 2010

D'ici 10 ans, la demande mondiale de lithium pourrait augmenter de manière exponentielle. Cette explosion du marché pourrait bien constituer une manne financière providentielle pour trois Etats d'Amérique du Sud.



La demande et la production de lithium se sont fortement accrues depuis 2001, avec près de 8 % de croissance annuelle en moyenne (1). La production est ainsi passée de 13 000 tonnes en 2000 à 22 800 tonnes en 20082.

Cette récente croissance est principalement induite par le développement des accumulateurs lithium-ion présents dans les appareils portables (téléphonie et informatique) et dans une moindre mesure dans l’automobile avec l’hybridation des motorisations, et qui occupent 25% du marché (3). Viennent ensuite les utilisations pour les verres et céramiques, les graisses lubrifiantes, la métallurgie, la pharmacie (le lithium est utilisé comme antidépresseur), la climatisation, etc.

Dans un avenir proche, l’introduction massive de véhicules électriques – Renault prévoit par exemple de lancer quatre modèles « tout électrique » pour 2011-2012  –   pourrait induire une croissance importante de la demande en lithium, de 4%/an jusqu’à un triplement entre 2007 et 2020 (4,5).

Cette anticipation d’une croissance soutenue du marché du lithium soulève l’épineuse question des ressources. En effet, celles-ci sont pour plus de 70% situées dans le «triangle du lithium», dans les salars (6) andins du Chili, de la Bolivie et de l’Argentine. Avec un prix du lithium en forte croissance (30€/kg en 2008 contre moins de 3€/kg en 2002), ces gisements pourraient constituer une manne importante.

Par ailleurs, les ressources sont estimées entre 17 et 30 millions de tonnes suivant les sources, les réserves exploitables en 2008 étant comprises entre 4 et 16 millions de tonnes (7). Ainsi, en supposant que tout le marché automobile (70 millions de véhicules/an) bascule en véhicules électriques, avec une autonomie de 160 km assurée par 24kWh de batterie Li-ion nécessitant 3 kg de Li métal, les réserves assureraient entre 20 et 75 ans de production selon les estimations (8).

La hausse récente du prix du lithium suit les tendances lourdes des marchés des ressources minérales (9). Elle traduit l'effet concomitant de la demande des nouveaux pays industrialisés, de la dépréciation du dollar américain et de la montée des préoccupations environnementales qui vient impacter les estimations du nombre de batteries au lithium, notamment dans les transports. A moyen terme, si les investissements en capacité d'extraction sont suffisants, le marché devrait intégrer que les ressources apparaissent suffisantes pour plusieurs décennies et soulager la tension actuelle. Enfin, des marges de manœuvres existent pour limiter les effets de hausses futures, qui restent tout à fait possibles. Elles sont principalement la diminution de la masse de lithium par batterie – challenge technologique important-, le recyclage et bien entendu la substitution vers d'autres types d'électrolytes.

Notes
1.Source : DGEMP. La croissance n’a été que de 4% en 2008 du fait de la crise économique et financière ; cette valeur devrait être égalée en 2009, mais plus importante dès 2010.
2.En 2008, quatre pays se sont partagé 93% du marché : le Chili (12 000 tonnes), l’Argentine (3 200 tonnes), l’Australie (6 900 tonnes) et la Chine (3 500 tonnes). Source : US Geological Survey.
3.Source : SQM
4.Source : The trouble with Lithium 2 – Under the microscope, Meridian International Research, 29th May 2008
5.A plus long terme, la fusion nucléaire consommerait 3 tonnes de Li/an par centrale de 1GW pour produire le tritium, soit 0,013% de la production annuelle actuelle. Ce ne devrait donc pas être un moteur de croissance pour le marché du lithium.
 6.Les salars, ou lacs salés, ont été formés suite à une série de volcanismes tertiaires qui a généré des dépôts de cendres riches en éléments (dont le lithium) qui ont été acheminés par les eaux fluviales dans les altiplanos ; ce phénomène explique la forte concentration en lithium des salars comparés aux autres gisements.
 7.Il faut distinguer les ressources, qui représentent la quantité totale, des réserves, qui dépendent du prix de marché et doivent être comprises de façon dynamique
 8.Source : CEA-LITEN
 9.Les cours du pétrole sont passés de 20 USD le baril en 2002 à plus de 100 USD en 2008 alors que les hydrocarbures assurent 50% de la consommation mondiale d’énergie (35% pour le pétrole et 21% pour le gaz). Les matières premières minérales non énergétiques, après une trentaine d’années de stagnation des cours, connaissent une évolution similaire. Le cuivre a vu son prix passer de 2 000 USD/t en 2002 à 5 500 USD/t après un pic à 8 000 USD/t en 2007. Le cours du nickel est passé de 7 000 USD/t en 2002 à 30 000 USD/t en 2008 après un pic à 50 000 USD/t. Le cours de l’or est plus spéculatif ; partant de 300 USD/oz en 2002, il a atteint plus de 1 000 USD/oz en 2008. Les cours des autres substances (aluminium, uranium, minerai de fer) ont connu des évolutions comparables.

1 commentaire(s)
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Commentaire par anderea
jeudi 04 février 2010 19:04
dera Sophie :le lithium n'est pas un anti dépresseur mais un régulateur de l humeur dans les maladies pyscho -maniaco- dépressives.,qui en manquent
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Sophie Avril est ingénieur de recherche au CEA à l’Institut de technico-économie des systèmes énergétiques (I-Tésé), dont la vocation est de donner un éclairage technico-économique sur tous les systèmes...

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