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Le magazine bimestriel Alger-Paris est consacré aux relations économiques, politiques et culturelles entre la France et l'Algérie. Il est publié par le groupe AllContents,...
L'idée de liaison électrique entre l'Algérie et l'Europe progresse
jeudi 09 janvier 2014
La première interconnexion électrique entre l'Algérie et l'Europe pourrait être réalisé à l'horizon 2020. Une interview d'André Merlin, président de Medgrid, au nouveau magazine Alger-Paris.
En 2020, une liaison sous-marine pourrait relier l'Algérie à l'Italie du nord. Elle permettrait des échanges dans les deux sens : l'électricité renouvelable algérienne irriguerait l'Europe, l'électricité européenne permettrait à l'Algérie de répondre à ses besoins en périodes de pointe et d'exporter plus de gaz à l'international. Un accord a déjà été signé le 11 septembre entre Medgrid, un consortium de 21 entreprises des deux rives de la Méditerranée, et Sonelgaz, qui dispose d'un des réseaux électriques les plus importants au Maghreb. André Merlin, président de Medgrid, a répondu aux questions d'Alger-Paris
Quelle est l'idée de base de vos projets d'interconnexions électriques entre l'Algérie et l'Europe ?
Il y a un intérêt mutuel à renforcer les échanges d'électricité entre l'Europe et le Maghreb, et notamment l'Algérie.
L'Algérie a une consommation électrique qui croît à un rythme très rapide, entre 5 et 10% par an. Importer de l'électricité venant d'Europe contribuera à répondre à ces besoins, surtout aux périodes de pointe de consommation, c'est-à-dire pendant l'été. L'Algérie a certes des capacités de production importantes, en particulier avec le gaz, mais quelle est la rentabilité de construire des centrales à gaz, qui coûtent cher en investissements et seront utilisées quelques dizaines ou centaines d'heures par an ? Il est donc plus utile pour elle d'importer de l'électricité qui vient d'ailleurs.
Il y a un deuxième aspect. L'Algérie a un programme extrêmement ambitieux de développement des énergies renouvelables. Dès lors qu'il y aura des infrastructures de transport, elle pourra exporter une partie de cette électricité renouvelable vers l'Europe.
En outre, cet apport d'énergies renouvelables en interne et ces importations d'électricité européenne permettront à l'Algérie d'exporter davantage de gaz sur le marché international. En outre, le prix du gaz algérien vendu à Sonelgaz est très bas par rapport au prix international. Il y a donc un intérêt pour l'Algérie, et Sonatrach, la société qui commercialise le gaz, à vendre davantage de gaz à l'étranger.
C'est un mouvement dans les deux sens, ce point est particulièrement important.
Quelles sont alors les interconnexions à prévoir ?
Alors qu'il y a déjà une liaison électrique qui intéresse l'Espagne et le Maroc, et qui est utilisée à pleine capacité, il n'y a pas pour le moment de liaisons directes entre l'Europe et l'Algérie. On voit l'intérêt qu'il y aurait à construire une liaison entre l'Italie du nord, la Sardaigne et de l'autre côté l'Algérie et la Tunisie.
Pourquoi l'Italie ?
Il est difficile d'établir une liaison sous-marine quand on dépasse une profondeur de 2000 mètres. Si on envisageait une liaison directe France-Algérie, il y aurait ce problème de profondeur de la mer et donc de faisabilité technique que l'on ne sait pas encore résoudre. On fait des recherches en ce sens, mais pour le moment on est limité à 2000 mètres. Toutefois, si on peut se raccorder au réseau électrique de l'Italie du nord, la liaison pourra se prolonger vers le reste de l'Europe et notamment vers la partie sud-est de la France qui a un déficit de production d'électricité très important.
Côté algérien, quand on regarde la profondeur de la Méditerranée à l'abord des côtes, si on ne veut pas dépasser 2000m, on devra se rapproche de la frontière avec la Tunisie. On pourrait alors envisager, s'il y a un accord bien sûr, un projet qui intéresse aussi la Tunisie.
Quel serait l'équilibre des échanges nord-sud et sud-nord ? Et quelles en seraient les modalités économiques ?
Dans un premier temps, on pourrait envisager des échanges équilibrés, voire plus importants du côté Europe vers Algérie. Mais si le programme tel que le conçoit l'Algérie pour le développement des énergies renouvelables se met en place, on irait vers des exportations majoritaires du sud vers le nord. En 2030, l'Algérie envisage 20.000MW d'énergie renouvelable pour ses besoins propres et 22.000 MW à l'export. C'est un programme très ambitieux.
Ce projet d'interconnexion est-il d'ores et déjà financé ?
Pas encore. Une des actions que nous comptons mener auprès de la Commission européenne, c'est de considérer qu'un tel projet peut être éligible à ce qu'on appelle les projets d'intérêt commun qui seront déterminés pour le marché de l'électricité en Europe. Cela permettrait un financement de la Commission européenne et la possibilité de prêts à taux bonifiés venant d'institutions bancaires européennes ou internationales, je pense notamment à la Banque européenne d'investissement.
Le chemin est assez long, mais il y a un intérêt évident. La première interconnexion pourrait se réaliser autour de 2020.
Quelle est la teneur de l'accord entre Medgrid et Sonelgaz ?
Il a été signé le 11 septembre à Alger par M. Noureddine Boutarfa, Président Directeur Général du Groupe Sonelgaz, et moi-même, en présence de M. Jean-Louis GUIGOU, Délégué Général de IPEMED. C'est un accord qui permet à Sonelgaz de participer aux études techniques et économiques de développement du réseau d'interconnexion, réalisées par Medgrid. L'étude du couloir central (Italie - Maghreb) a été confiée à un consortium mené par un bureau d'études italien, le Cesi, l'Algérie est partie prenante dans ce consortium.
Animation par Serge Delestaing - Wikimedia Commons
Illustration : charrue sous-marine pour l'ensouillage des câbles