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Jacques Percebois est directeur du Centre de Recherche en Economie et Droit de l’Energie (CREDEN) à l’Université Montpellier I, où il enseigne les sciences économiques...

"La transition énergétique doit être flexible"


mercredi 17 juin 2015

Jacques Percebois, Directeur du CREDEN (Centre de Recherche en Economie et Droit de l'Energie) répond aux questions de Boris Le Ngoc, animateur du "Blog des énergies" (SFEN).


Quels sont les objectifs de la loi sur la transition énergétique pour une croissance verte (LTECV) ?

Ils sont multiples. Le premier est l'efficacité énergétique pour réduire les émissions de carbone. C'est une préoccupation tout à fait louable dans le contexte actuel. Simplement, ce que l'on peut observer, c'est que la barre a été fixée assez haut puisque l'on veut faire une réduction extrêmement forte de la consommation d'énergie finale.
Le deuxième objectif est de développer les énergies renouvelables. Faire monter leur part à la fois dans la consommation d'énergie finale, avec le GNV (gaz naturel véhicule) ou la voiture électrique dans le transport, mais aussi dans le secteur tertiaire, dans le bâtiment, et bien sûr dans la production d'électricité.
Le troisième objectif est de réduire la part du nucléaire à l'horizon 2025 à 50 % contre 75 % aujourd'hui.
Enfin, le quatrième objectif est de maintenir la puissance nucléaire installée à 63,2 GWe, soit la puissance actuelle.
Quand on regarde ces objectifs, on s'aperçoit qu'ils ne sont pas nécessairement compatibles. Si vous voulez maintenir la puissance nucléaire installée à 63,2 GWe, cela veut dire que l'on va produire environ 400 TWh d'électricité nucléaire par an. Si l'on veut que ces 400 TWh ne représentent que 50 % de la production d'électricité, cela veut dire que l'on devra consommer beaucoup plus d'électricité qu'aujourd'hui. Si, dans le même temps, on souhaite réduire la consommation d'énergie finale, et notamment d'énergie électrique, je ne vois pas comment il sera possible de concilier le premier objectif avec le troisième?
 
Quelle est la place des objectifs climatiques dans la loi ?
Je pense que l'objectif est d'aller vers des énergies décarbonées. Et le nucléaire en fait partie ! C'est pourquoi, je pense qu'il ne faut pas opposer renouvelables et nucléaire, ce sont des énergies complémentaires.
La loi a une préoccupation très forte des objectifs climatiques. Elle dit « il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) ». Mais, la France est plutôt un bon élève à l'échelle internationale. La réduction des GES n'a de sens que si on la fait à l'échelle internationale. C'est tout l'enjeu de la COP21. Sachant qu'il faut répondre à plusieurs questions : Quel est le meilleur mécanisme ? Est-ce une taxe carbone - à laquelle je suis assez favorable ? Si oui, comment l'appliquer à l'échelle mondiale ?
Ensuite, la deuxième question est : Est-ce que l'on fait une taxe carbone sur la production d'énergie ou sur la consommation d'énergie ? Est-ce que c'est l'empreinte carbone ou l'émission de carbone dans le pays qui produit ? Autrement dit : quand les Chinois fabriquent des produits qui consomment beaucoup d'énergies fossiles et que nous achetons ces produits, est-ce que l'on doit taxer les Chinois ou est-ce qu'il faut taxer les Français qui consomment les produits chinois ?
La loi sur la transition énergétique s'inscrit parfaitement dans ces préoccupations. Ce qui est une très bonne chose.
 
Les renouvelables et le nucléaire sont-elles des énergies compatibles ?
Oui, ces deux énergies sont complémentaires. En matière de politique énergétique, les objectifs s'inscrivent dans le long terme : indépendance énergétique, mix relativement diversifié pour avoir de la flexibilité, etc.
Prévoir quelle sera la production ou la consommation d'énergie en 2050 n'est pas raisonnable. L'exercice est intéressant si l'on souhaite provoquer un débat. En 1974, à l'époque des chocs pétroliers, qui aurait pu prévoir ce qu'allait être le mix énergétique d'aujourd'hui, en 2015 ? Personne ! Il est donc essentiel d'avoir de la flexibilité.
Les renouvelables et le nucléaire sont des énergies qui, à long terme, ont vocation à se développer de façon complémentaire. Chaque pays pourra choisir une proportion plus ou moins élevée. Et pour cela, il faut une certaine « neutralité technologique ». Ce qui ne doit pas nécessairement dire « laisser faire les mécanismes du marché ». Cela veut dire qu'il faut éviter la discrimination négative ou positive, voire trop positive. On a beaucoup aidé les renouvelables à leurs débuts, c'était une bonne chose. Mais maintenant que les technologies sont matures, il faut arrêter avec un mécanisme qui a des effets pervers au bout d'un certain temps. Je suis favorable à une intervention de l'Etat dans ce domaine, mais il faut que la règle du jeu soit la même pour tout le monde !
En la matière, je crois que les Anglais ont raison. Ils misent à la fois sur l'efficacité énergétique, la sortie des énergies carbonées et sur deux sources de production : le nucléaire et les renouvelables. Dans les deux cas, ils ont conscience qu'il faut que l'Etat intervienne de façon équitable.

Lire la suite sur le "blog des énergies".

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6 commentaire(s)
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Commentaire par Gépé
jeudi 18 juin 2015 08:10
L'objectif est avant tout économique. Il consiste à "basculer la fiscalité du travail sur la fiscalité énergétique".
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Commentaire par Gépé
jeudi 18 juin 2015 08:13
Tous les autres objectifs seraient atteints ensuite: le climat, le chomage, la croissance, les retraites...
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Commentaire par Gépé
jeudi 18 juin 2015 08:24
La transition énergétique deviendrait une auberge espagnole; chacun y trouvera son compte: les écologistes, les syndicats, le MEDEF, les retraités, les futurs retraités....
[4]
Commentaire par Monnier
dimanche 21 juin 2015 11:53
Le gaz naturel véhicule (GNV) ,'est en rien une énergie renouvelable. - C'est le gaz naturel simplement comprimé pour tenir dans un réservoir automobile. - Pour un professeur d'université, c'est pas fort. - On comprend que le "le niveau baisse" dans l'enseignement. - // - Pour la voiture électrique, si l'électricité est produite avec du nucléaire, cela n'a rien de renouvelable non plus. - // - Pour la réduction du nucléaire de 75% à 50%, tout en conservant la même capacité installée de 63,2 GW, c'est une grosse arnaque politique bien expliquée dans cette étude : Transition énergétique : l'ambiguïté nucléaire - // - A noter que la consommation d'électricité reste à peu près stable en France depuis plusieurs années et qu'elle ne risque pas d'augmenter d'ici 2025.

[Réponse de l'auteur]
Vous n'avez probablement pas entendu parler du biogaz qui est une énergie renouvelable; la promotion du véhicule à gaz peut se faire en partie avec du biogaz: c'est ce que souhaitent certains; quant au véhicule électrique sa promotion repose pour ses défenseurs sur le développeement des renouvelables (biomasse, solaire, éolien), en partie du moins Remarque: inutile d'utiliser l'insulte; les insultes n'ont jamais grandi ceux qui les manient


[Réponse de l'auteur]
j'ai oublié le "s" à "grandis"; vous allez encore dire que le niveau baisse!!
[5]
Commentaire par Monnier
dimanche 21 juin 2015 12:20
On a beaucoup aidé le nucléaire de tous temps et on l'aide encore, de façon directe et/ou indirecte dans tous les pays. - // - Un exemple actuel, près de chez nous : la Grande-Bretagne. - Lire : Du nucléaire en Grande-Bretagne ? - // - Si les deux EPR d'Hinkley Point sont construits, l'électricité sera achetée à un prix (en monnaie de 2014 et hors inflation) de 97 livres/MWh, soit 116 euros/MWh avec le taux de change de l'époque ou 135 ?/MWh au taux actuel. - // - Un prix cependant indexé sur l'inflation depuis 2012, jusqu'à la mise en service (supposée) et encore pendant 35 ans ensuite. - // - En Grande-Bretagne, le tarif d'achat pour les énergies renouvelables n'est valable que pour 15 ans. - // - Si le premier réacteur nucléaire est mis en service en 2023, ce sera à pour un coût de l'électricité bien supérieur à celui de l'éolien terrestre et du solaire à la même date. Supérieur aussi à celui de l'éolien en mer quelques années plus tard. - // - Mais il faut savoir que l'argent gaspillé dans le nucléaire serait mieux investi dans les énergies renouvelables, le stockage et les réseaux de chaleur renouvelable. - Y compris le stockage inter-saisonnier de la chaleur solaire.
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Commentaire par Hervé
lundi 22 juin 2015 23:50
Très bon article, il faut commencer par réduire notre dépendance au pétrole. Mais il ne faut pas non plus se tromper, car un autre défi plus important encore nous attends, celui de la disponibilité des matières premières. Les orientations à prendre doivent en tenir compte car ça va devenir un enjeu majeur. Les efforts ne doivent pas se focaliser sur seulement l?énergie, ils faut que ce soit efficient dans son ensemble. Quand au nucléaire, il disparaîtra "naturellement" de lui même si une meilleure technique est découverte (ENR ou autres), ce qui n'est pour le moment pas à l'horizon. Mais les choses peuvent vite changer!

[Réponse de l'auteur]
je suis assez d'accord: aucune énergie n'a vocation à être éternelle et le progrès technique peut réserver de bonnes surprises! La rareté des matières premières est elle aussi un défi, notamment celle des "terres rares" d'autant que les réserves sont concentrées dans quelques pays... dont la Chine
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Jacques Percebois est directeur du Centre de Recherche en Economie et Droit de l’Energie (CREDEN) à l’Université Montpellier I, où il enseigne les sciences économiques...

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