Auteur
Jacques Percebois est directeur du Centre de Recherche en Economie et Droit de l’Energie (CREDEN) à l’Université Montpellier I, où il enseigne les sciences économiques...
Le charbon, énergie reine en 2050
mardi 03 mars 2009
En 2050, la première façon de produire de l’électricité sera sans doute toujours de brûler du charbon, avec tous les risques de pollution. Et la part du nucléaire reculera en termes relatifs.
Si l’on considère les sources de production d’électricité, beaucoup d’experts pensent que le charbon sera dans tous les cas de figure la première source, pas loin de 50%, contre 28% pour le gaz, et 9 à 10% seulement pour le nucléaire. C’est déjà le cas aujourd’hui : la structure de la production mondiale d’électricité est de 40% pour le charbon, de 21% pour le gaz naturel, de 16% pour l’hydraulique, de 15% pour le nucléaire, de 6% pour le pétrole et de 2% pour l’éolien et le solaire (*).
Ainsi, d’ici 2050, la part du nucléaire devrait donc baisser en termes relatifs (de 15% à 9 ou 10%) car la croissance du nucléaire sera plus lente que celle de la production d’électricité. La capacité nucléaire installée devrait croître mais les besoins d’électricité sont tels que c’est le charbon qui restera le combustible le plus utilisé. C’est en revanche le gaz naturel qui devrait connaître le taux de croissance le plus élevé dans le secteur de la génération électrique. Cela tient notamment au fait que la production d’électricité va s’accroître fortement dans les pays du sud et que le recours au nucléaire y restera modeste car la technologie nucléaire n’est pas encore accessible à tous.
C’est dire qu’à l’échelle mondiale la première façon de produire de l’électricité est aujourd’hui de faire appel au charbon polluant et la place du charbon dans la production d’électricité dépasse d’ailleurs 50% aux Etats-Unis et 80% en Chine. Au total la place du nucléaire demeure modeste à l’échelle européenne, américaine et mondiale et cette place ne devrait pas s’accroître d’ici 2030 et 2050 en pourcentage, si on en croit certains scénarios de l’AIE.
Pourtant le nucléaire semble aujourd’hui tenir les promesses qui étaient celles de ses débuts et qui avaient été quelque peu mises à mal par l’accident de Three Mile Island en 1979 et celui de Chernobyl en 1986 et par des prix du pétrole beaucoup trop bas durant longtemps. La hausse vertigineuse du prix des hydrocarbures observée en 2008 et la préoccupation croissante d’un développement durable lui confèrent aujourd’hui des vertus que beaucoup de spécialistes ne voulaient pas voir. Le nucléaire n’est-il pas tout à la fois un facteur d’indépendance énergétique, un facteur de stabilité du prix de l’électricité et un facteur de lutte contre le réchauffement climatique, même si certaines nuances doivent être apportées à ce constat ?
Le nucléaire est un élément incontournable du « mix énergétique » mondial si l’on veut tenir les engagements de Kyoto et cela concerne aussi bien les pays du sud que ceux du nord. Des pays comme l’Italie et la Suède l’ont bien compris qui aujourd’hui envisagent à nouveau l’option nucléaire. Seule l’Allemagne est réticente, mais pour combien de temps encore ? Mais le nucléaire suscite encore des inquiétudes qu’il ne faut pas sous-estimer et qui ne doivent pas être balayées d’un revers de main. C’est surtout le problème de la gestion des déchets qui est au centre des préoccupations. Les recherches sur la transmutation, celles sur la construction de sites de stockage sécurisés sont en cours et laissent espérer des solutions acceptables dans le futur mais les efforts doivent encore être poursuivis avant que des réponses satisfaisantes soient apportées.
(*) Il est à noter qu’en Europe (UE des 27), le nucléaire est aujourd’hui (chiffres 2007) beaucoup plus présent qu’au niveau mondial. Il reste encore aujourd’hui la principale source de production d’électricité (32%), devant le charbon (30%), le gaz (20%), l’hydraulique et autres ENR (14%) et le pétrole (4%). Aux Etats-Unis le nucléaire fournit 20% de l’électricité, contre 34% au Japon et 15% en Russie.
Photo copyright Jacques PALUT - Fotolia.com
Plus d'actualités
-
18/12/15
Pétrole : quelle évolution en 2016 ?
-
01/10/15
Nigéria : d'immenses réserves pétrolières, une production faible
-
24/08/15
Le gaz naturel liquéfié en Europe : un atout face au gaz russe
-
04/06/15
Gaz : l'Europe compte sur l'Algérie
-
02/06/15
Pétroles non conventionnels : coupes drastiques dans les investissements
Je suis d'accord avec vous pour dire que si rien n'est fait le charbon sera l'énergie reine en 2050. La question est de savoir si nous pouvons observer cette évolution sans rien faire ou presque. Si on décide de taxer le CO2 ou (et) d'imposer le captage stockage du CO2 l'équation économique change complètement en faveur des ENR et, surtout du nucléaire.
Comment comparer le risque posé par les émissions de CO2 dont les effets se font déjà sentir et celui posé par les déchets nucléaires. On sait que si on enfouit ces derniers en site géologique profond, comme celui de Bures, le risque maximum sera atteint dans quelques centaines de milliers d'années et restera largement inférieur au dixième de la radioactivité naturelle. Pour un réacteur de 1 GWe il faudra stocker entre 3 et 30 tonnes de déchets de haute activité à vie longue soit un volume compris entre 0,3 et 3 m3. Chiffre à rapprocher des 10 millions de tonnes de CO2 qu'il faudrait stocker dans le cas de la capture stockage du CO2.
La France a atteint un taux de 80% d'électricité nucléaire en 25 ans. Pourquoi les pays de l'OCDE, la Chine, la Russie, l'Inde, le Brésil ne pourraient ils pas, si la volonté politique est là, faire de même? Il est vrai qu'il faudrait passer à la surgénération d'ici 2030-2040. Or le réacteur Phénix (le plus ancien réacteur en fonctionnement en France) est un réacteur sur générateur, comme l'était Super Phénix (quelle erreur de l'avoir sacrifié à des calculs politiciens), comme le sera un nouveau réacteur russe qui doit rejoindre ses petits frères.
La vraie question est la question politique et la crainte que l'on s'acharne à développer dans les populations. Ceux qui font celà commettent un crime contre la planète, ainsi que l'ont compris de plus en plus d'ex-antinucléaires, les plus récents étant les écologistes britanniques Lord Smith of Finsbury, Président de l’Agence de l’Environnement ; Mark Lynas ; Chris Goodal auteur en 2008 d’un ouvrage résolument Vert et antinucléaire, ainsi que Stephen Tindale ancien Directeur de Greenpeace UK jusqu’en 2005.