Par Jean-Pierre Riou
- Enseignant, FED
RT2012 et Linky : on met le consommateur au service du producteur ...
Par Jean-Pierre Riou
- Enseignant, FED
mardi 08 octobre 2013
Le développement massif des énergies renouvelables risque-t-il de nous conduire à un black-out électrique ? Pas de problème... Deux manoeuvres habiles vont forcer le consommateur à se plier à la volonté des producteurs !
Les pics journaliers se produisent presque toute l'année après le coucher du soleil et doivent se passer du photovoltaïque. Les records saisonniers de consommation dus au chauffage électrique correspondent souvent aux périodes anticycloniques de grands froids qui condamnent sans appel l'énergie éolienne.
En tout état de cause, les fluctuations de ces productions sont sans corrélation avec les besoins de la consommation.
Pour tordre la réalité et inverser la problématique, deux décisions ont été prises qui visent à mettre le consommateur au service du producteur, alors que l'évolution de nos sociétés laissait prévoir l'inverse :
- la loi RT 2012 qui supprime les contraintes saisonnières en bannissant le chauffage électrique
- le développement des compteurs « Linky » destiné à effacer les variations quotidiennes, en permettant, quand la demande de courant est grande, d'en dissuader la consommation par un prix prohibitif et d'en couper la fourniture si la dissuasion ne suffit pas.
Habile façon d'éviter le black out annoncé avant 2016 en raison du développement des énergies renouvelables!
Des coûts cachés pour Linky
En effet, la RT 2012 impose, pour les bâtiments neufs, le respect d'un coefficient d'énergie primaire (CEP) qui disqualifie définitivement l'électricité en lui attribuant le coefficient 2.58, c'est-à-dire qu'1 KW électrique = 2.58KW, alors que pour toute autre source d'énergie 1KW = 1KW. (voir l'analyse de l'Union Française de l'Electricité - UFE)
La RT 2012 rend ainsi inexorable, du moins pour le chauffage, le remplacement de l'électricité, dont la moyenne d'émission de CO2 n'est pourtant que de 54kg/MW, par n'importe quelle autre source d'énergie dont la moins émettrice, le gaz, est responsable de 288kg/MW.
Le compteur « Linky », quant à lui, est réputé capable de permettre la différenciation des tarifs selon les heures et des opérations à distances telles que le délestage partiel ou total.Ce qui laisse comprendre que si aux heures « de pointe », c'est-à-dire celles où l'on en a besoin, le vent n'est pas au rendez vous, le tarif devrait à lui seul nous inciter à nous passer d'électricité si toutefois celle-ci ne nous est pas déjà coupée.
Ce compteur est fièrement annoncé sur le site du ministère de l'Ecologie comme correspondant à un investissement d'avenir de 5 milliards d'euros (payés par le contribuable). L'opération de remplacement de ce compteur est réputée gratuite. Pourtant, selon Philippe de Ladoucette, président de la CRE, son coût ne peut pas ne pas être répercuté sur le consommateur via le tarif d'utilisation du réseau public (TURPE ). L'UFC Que Choisir, enfin, vient d'évaluer à 500 millions le surcoût supplémentaire pour le consommateur en raison des changements d'abonnements qui devraient être liés.
On nous rappelle rarement que la France est en surcapacité de production de base, que cette électricité est une des moins chères et moins émettrices de CO2 d'Europe (29.5Mt CO2 contre 340Mt en Allemagne). On nous dit encore moins que cette surcapacité vient d'être augmentée par le remplacement de l'unité d'enrichissement d'uranium Georges Besse 1 qui consommait 3000MW par Georges Besse 2 , 50 fois moins gourmande en énergie et qui rend ainsi disponible à la consommation la production des 3 réacteurs nucléaires qui étaient dédiés à Georges Besse 1.
Cette production équivaut pourtant à presque toute la production éolienne et photovoltaïque réunies. Elle est désormais disponible à volonté sans émettre le moindre CO2. Peu de voix s'en sont fait l'écho.
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[Réponse de l'auteur]
Je suis bien d’accord avec vous, l’énergie éolienne a un bel avenir programmé et ce n’est pas elle qui est condamnée, mais bien le chauffage électrique, ainsi que les fours électriques les fer à repasser, aspirateurs, ordinateurs et autres appareils dont on était habitués à se servir en rentrant chez soi. Je suis aussi d’accord avec votre coefficient de 3.1 pour le nucléaire (3.3 pour l‘A.I.E), mais j’ai la candeur de ne pas plus voir le problème que pour les 16/27°, limite théorique d’efficacité de la loi de Betz qui affecte la rentabilité des éoliennes et qui ne me dérange pas. Ce qui me dérange c‘est leur intermittence. Je partage aussi votre point de vue sur l’efficacité théoriquement médiocre du chauffage électrique. Le dernier rapport du GIEC sur le réchauffement devrait inciter pourtant à le recommander, en tout cas pour la France. Je n’ai pas compris, par contre, le sens de votre allusion au CO2 chinois dans la pollution allemande. Le calcul des émissions de son parc électrique, filière par filière donne 342Mt en 2000 et 349Mt en 2012. (http://www.contrepoints.org/2013/02/18/115055-renouvelables-depenses-enormes-et-pas-deffets-mesurables fig 4). Les chiffres diffèrent selon les sources, mais restent de cet ordre. Mais je ne me battrai si vous voulez en enlever 10%, soit la totalité des émissions du parc électrique français (Bilan RTE 2012 p21).
[Réponse de l'auteur]
Oui, vous avez tout à fait raison, pour dissimuler cette forme de tare constitutive des éoliennes qu’est l’intermittence de leur production, une véritable usine à gaz, au sens propre pour le « back up », mais aussi au figuré encadre leur fonctionnement. Cet encadrement de leur action va de la restructuration du réseau de transport par les milliers de km de lignes THT nécessaires aux interconnexions qui leur sont indispensables, au passage par la « banque » suisse, qui achète le courant à prix ridicule et même négatif quand le vent souffle, pour le revendre …à l’Allemagne dès dont vous parlez qu’il n’y a plus de vent. La Cour des Comptes a élué à 40.5 milliards d’euros le surcoût des renouvelables d’ici 2020, en ajoutant que les effets bénéfiques attendus ne sont pas au rendez vous. Certains coûts n’y sont pas évalués, comme la perte de compétitivité de l’industrie ou la dévalorisation des maisons ou l‘impact sur le tourisme. Les mécanismes d’effacement que vous décrivez, en font certainement partie.
[Réponse de l'auteur]
Quel fondement? mais le rapport parlementaire sur les éoliennes du 31 mars 2010, par exemple qui rapporte le chiffre du préjudice immobilier entre 26% et 48% de la valeur du bien, la jurisprudence constante qui condamne le propriétaire à une indemnisation s'il a "omis" de signaler un projet éolien à l'acheteur, ou le récent jugement du TGI de Montpellier, qui considère les éoliennes comme un trouble anormal de voisinage par leur impact sur le paysage et leur bruit, condamnant l'exploitant à 37000€ de dommages et intérêt (et à démonter les éoliennes). D'autre part, certains paysages sont défigurés par les lignes très haute tension, vous avez le droit de trouver ça beau, mais les coins touristiques dont vous parlez ne sont pas ceux là. Avez vous remarqué que nos plus beaux villages ont même fait l'effort d'enterrer le réseau de distribution d'électricité? Cordialement, J.P.Riou.
[Réponse de l'auteur]
Désolé que mon propos ait pu être pris pour une apologie de l'efficacité du chauffage électrique, surtout si on veut considérer que le contexte doit être obligatoirement de pénurie électrique et que les centrales de production seront forcément intermittente dans le futur. Des solutions comme les pompes à chaleur ont probablement un bel avenir, mais ce n'est pas non plus mon propos aujourd'hui. Je voulais juste attirer l'attention sur 2 des nombreux effets pervers du développement des énergies intermittentes qui consistent à vouloir, à coups de milliards d'euros, tout réorganiser autour de l 'aspect aléatoire de leur production. Des sommes colossales sont en effet engagées pour tenter de rendre viable ce mode de production, malheureusement pour des raisons principalement électorales. L'Allemagne s'en mord les doigts. On est en droit de désapprouver les projets ITER ou EPR, mais on ne peut ignorer qu'en parallèle, ils avancent à grands pas et je n'ai pas entendu qu'il serait question d'y renoncer. Dans nos vieilles centrales nucléaires qui ont produit en 2012 74.8 % de l'électricité, chaque gramme d'uranium a produit 18.6MWh sans CO2. Je suis bien d'accord que pour un coefficient 1=1 elles auraient dû en produire 3 fois plus, mais je ne vois pas, pour autant, la logique, au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, de promouvoir le gaz(...ou même le charbon puisqu'il bénéficie également du coefficient 1=1). J.P.Riou.