Quel avenir pour les biocarburants dits de 2e génération ?
lundi 29 septembre 2008
Dans un contexte de pétrole qui se raréfie et de réchauffement climatique, la mise au point des biocarburants de deuxième génération utilisant de la biomasse non alimentaire comme la paille, les résidus forestiers constitue, selon, Jean-Pierre Burzynski, directeur Raffinage-pétrochimie à l'IFP, un enjeu majeur. Il décrit les perspectives de développement de ces biocarburants du futur.
J-P. B. : Il faut d'abord rappeler la définition des biocarburants actuels dits de 1ère génération. Ils sont de deux types : l'éthanol pour les moteurs à essence produit par la fermentation alcoolique de matières premières agricoles - betteraves sucrières ou céréales -, et le biodiesel destiné aux moteurs diesel produit par estérification d'huile végétale - colza ou tournesol.
Les biocarburants de 2e génération sont obtenus à partir de biomasse sans concurrence d'usage avec l'utilisation alimentaire : paille de céréales, miscanthus, bois et résidus forestiers et cultures dédiées. Il y a deux filières de production possibles : la filière biochimique de production d'éthanol cellulosique et la filière thermochimique de production de carburant diesel de synthèse BtL (Biomass to Liquid).
Pouvez-vous nous décrire ces nouvelles filières de production ?
J-P. B. : La voie biochimique s'effectue en 3 grandes étapes. Des 3 constituants majeurs de la biomasse lignocellulosique - cellulose, hémicelluloses et lignine - seule la cellulose est aujourd'hui facilement transformable en éthanol. Une première étape consiste donc à extraire la cellulose puis à la transformer en glucose par hydrolyse à l'aide d'enzymes*. Le glucose est ensuite fermenté par des levures en éthanol. Enfin l'éthanol est purifié par distillation et déshydratation.
Pour la voie thermochimique, la biomasse est d'abord conditionnée par pyrolyse ou torréfaction. Ensuite elle est gazéifiée à plus de 1 000°C en présence de vapeur d’eau ou d’oxygène. On obtient ainsi le gaz de synthèse, constitué de monoxyde de carbone (CO) et d’hydrogène (H2). L'étape suivante est la synthèse Fischer-Tropsch, transformation chimique catalytique du gaz de synthèse en paraffines linaires qui, hydrocraquées et isomérisées, produiront un gazole de synthèse.
L'IFP conduit des travaux de R&D sur ces deux voies.
* Les enzymes produits dans des réacteurs à partir de micro-organismes (par exemple le champignon tricchoderma reesei) sont capables de dégrader naturellement la cellulose en glucose.
Quels sont les avantages de ces biocarburants de deuxième génération ?
J-P. B. : En utilisant la plante entière et en valorisant les différents constituants du végétal qui ne sont pas utilisés par ailleurs, les biocarburants de 2e génération permettent d'augmenter la disponibilité en biocarburants à surface équivalente et d'améliorer leurs bilans énergétiques et environnementaux. L'Union européenne a fixé un objectif d'incorporation de 10 % de biocarburants dans le pool essence-gazole à l'horizon 2020. Cet objectif est accessible, sans menace pour les besoins alimentaires, en s'appuyant à la fois sur les filières existantes et sur celles de 2e génération.
Ont-ils un meilleur bilan environnemental ?
J-P. B. : On a tendance à présenter les biocarburants de la 2e génération comme une solution idéale.
Mais la question de l'optimisation des systèmes de production et de la réduction des gaz à effet de serre se pose pour les futures filières comme pour les filières existantes. Il faut veiller à ce que le développement du marché se fasse en respectant certaines règles. Seuls les biocarburants compatibles avec un développement durable doivent être promus. L'Europe envisage d'ailleurs de mettre en place une certification avec des critères de durabilité des biocarburants. Dans un premier temps, un niveau de réduction minimale de 35 % des émissions de gaz à effet de serre pourrait être exigé.
Où en est la recherche aujourd'hui ?
J-P. B. : Dans le domaine de la production des biocarburants de seconde génération, on assiste à un effort de R&D sans précédent au niveau international. Les États-Unis misent sur l'éthanol cellulosique et mettent d'énormes moyens dans le développement de la filière. Le Brésil, premier producteur mondial d'éthanol, s'y intéresse également. L'Europe, quant à elle, mise sur les deux voies, éthanol cellulosique et BtL. Plusieurs unités pilotes fonctionnent déjà et beaucoup sont en projet. Tout l'enjeu est de produire ces biocarburants à un prix compétitif avec les meilleurs bilans environnementaux possibles. Compte tenu des verrous économiques et technologiques qu'il faut encore lever, les installations industrielles ne devraient pas voir le jour avant 2015/2020.
Parlez-nous du projet Futurol **?
J-P. B. : Futurol a pour objectif de mettre sur le marché un procédé industriel français de production d'éthanol cellulosique pour 2015. Il mobilise toutes les compétences françaises de R&D dans ce domaine : l'Inra pour la ressource et la fermentation alcoolique, l'ARD pour le prétraitement et la gestion des coproduits, et l'IFP pour l'hydrolyse enzymatique et l'intégration du procédé. Les partenaires sont réunis dans un consortium, baptisé Procethol 2G, pour mettre au point la filière complète, breveter les procédés et les produits (enzymes et levures) dont Axens, filiale de l'IFP, assurera la commercialisation. La construction d'un pilote (traitement d'une tonne de biomasse par jour) dans la Marne est prévu d'ici à 2010, avant celle d'un prototype industriel (100 tonnes de biomasse par jour), 3 ans plus tard. L'objectif est de développer un procédé comparable du point de vue économique à l'éthanol européen de première génération.
** En savoir plus sur Futurol
Le site de l'IFP
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