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Diplômé de Supelec, Ilyes Borgi est consultant dans l'unité de compétences Energie de Sia Partners, au bureau de Paris. Il travaille notamment sur des problématiques liées à la distribution et au transport...

Pourquoi Désertec s'enlise-t-il ?


jeudi 07 février 2013

Le projet Désertec, qui vise à associer l’Europe, l’Afrique du nord et le Moyen Orient dans le domaine de l’électricité, est en difficulté. Qu’est ce qui retarde l’exportation des premiers kilowattheures verts du Sahara vers l’Europe ?


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La fin de l'année a été difficile pour le projet Desertec :

-    après le retrait de Siemens de la DII (Desertec Industrial Initiative), annoncé fin octobre, c'était au tour de Bosch d'abandonner le projet en novembre, prétextant tous les deux la conjoncture économique difficile.

-   la troisième conférence annuelle de la DII à Berlin devait être le coup d'envoi d'un projet de centrale solaire pilote, avec la signature d'un accord entre le Maroc et plusieurs pays européens. Cependant, l'Espagne s'est désistée au dernier moment et le projet est resté en suspens.

Les ambitions de Desert Power 2050

La DII avait pourtant de grandes ambitions. En juin dernier, la DII a présenté une étude technico-économique (Desert Power 2050) concernant un scénario énergétique pour la région EUMENA (Europe, Middle East, North Africa) reposant sur un mix composé essentiellement d'énergies renouvelables. Celles-ci contribueraient à hauteur de 91% de la capacité totale installée et ce à horizon 2050. Les 9% restantes seraient assurées par le gaz. L'éolien et le solaire (CSP et PV ) compterait respectivement pour 53% et 25% de ce mix (voir le graphique).

La répartition géographique de ces capacités est en adéquation des conditions d'ensoleillement et de vent : Les installations solaires sont plutôt au Sud, et les mix énergétiques des régions du Nord sont dominés par l'éolien (terrestre et offshore) et le gaz.

La transmission entre les deux rives de la méditerranée s'effectuerait essentiellement au moyen de câbles à courant continu d'une capacité totale de 189 GW. Selon l'étude Desert Power 2050 , cette configuration permettrait d'une part à l'Europe d'importer seulement 20% de ses besoins énergétiques en électricité, et d'autre part de réduire ses émissions de CO2 à hauteur de 95 %. Quant à la région MENA , elle pourrait répondre à ses besoins grandissants en électricité tout en réduisant de moitié les émissions relatives à sa production. (...).

Des ambitions qui semblent trop grandes...

Le scénario DP 2050, suppose un bouleversement du mix énergétique actuel des pays concernés.

L'Europe pour sa part s'est fixée comme objectif, une part de 20% des énergies renouvelables dans son mix énergétique d'ici 2020, dans le cadre du paquet énergie-climat.
De l'autre côté de la Méditerranée, les objectifs sont plus hétérogènes : on est plutôt face à des politiques nationales plus ou moins ambitieuses vis-à-vis de l'intégration des énergies renouvelables dans leur mix énergétique.(...) Les objectifs en termes de capacités installées des programmes nationaux des pays du Maghreb sont loin d'atteindre les 388 GW prévus par le scénario DP 2050, à moins que le rythme d'investissement dans les EnR dans ces pays s'accélère de façon considérable durant la période 2030-2050.

Ainsi, au vu des programmes nationaux des pays du Maghreb, le projet Desertec semble être loin de se concrétiser suivant le scénario DP 2050.

Afin d'accélérer le rythme de réalisation et de sortir le projet de la stagnation, la DII travaille sur des projets pilotes. Ils permettront, entre autres, de démontrer la viabilité du modèle économique préconisé par Desertec. La DII abandonne ainsi son rôle de facilitateur et se positionne désormais comme développeur de projets.

Au Maroc, une capacité totale de 500 MW sera installée. Cependant, la réticence de l'Espagne à voir son rôle d'exportateur occupé par la Maroc, freine encore l'installation de capacité au sud. D'autre part, malgré la directive de l'UE 2009/28/EC qui pose les principes d'importation d'électricité verte de pays extra-communautaires , le cadre réglementaire reste assez flou dans la région sud, et assez hétérogène.

Financement, sécurité, gaz de schiste, autant d'obstacles

Un autre facteur essentiel qui explique la stagnation de Desertec, est le financement. En effet, les technologies utilisées restent encore très onéreuses en comparaison des moyens de production conventionnels. En ces temps de crise, le financement des projets d'EnR, surtout en l'absence de signal économique fort (par exemple des tarifs d'achat), est assez difficile.

La réalisation du scénario interconnecté DP 2050 passe aussi par la convergence des politiques énergétiques de la région vers l'intégration massive des EnR, surtout que la tendance énergétique actuelle n'est pas sur la bonne voie : émergence du gaz de schiste, recours plus important au charbon, etc.

(...)La sûreté de l'approvisionnement passe aussi par la garantie de la sécurité des centrales surtout dans la région MENA, qui est une région à haut risque, comme en témoigne la dernière prise d'otages dans une plateforme gazière en Algérie. (...)

Malgré toutes ces difficultés, le projet Desertec continue à intéresser certains grands groupes industriels (SGCC et First Solar), qui cherchent à remplacer ceux qui ont quitté le consortium et devenir actionnaires. Ils pourraient ainsi apporter un nouveau souffle au projet, grâce à leur expertise surtout dans la conduite de grands projets, et peut-être accélérer sa mise en place.

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4 commentaire(s)
[1]
Commentaire par Hervé
samedi 09 février 2013 21:48
Bon article mais vous oubliez de soulever deux points majeurs qui rendent ce projet assez peu credible à court terme. Le premier est la fiabilité des états du sud. Vous évoquez la piste du terrorisme mais au vu des "printemps arabes" qui on eu lieu récemment, l'instabilité politique de la région ne va pas vraiment rassurer les investisseurs. On pourrait facilement se retrouver devant un nouveau cas "d'emprunt russe"... Le second point concerne l'abandon de la souveraineté energetique des états. Desertec impliquerait une interdépendance d'une bonne partie de l'europe et du nord de l'afrique sachant qu'une bonne partie de ces pays seraient en situation de pouvoir provoquer une défaillance complète du systeme. Je ne pense pas que les états soient encore prêts (aient suffisament confiance aux autres) pour se lancer dans un tel projet.
[2]
Commentaire par io
vendredi 15 mars 2013 14:57
Trou de balle
[3]
Commentaire par Claude Rossi
lundi 18 mars 2013 12:42
Ce projet m'amuse beaucoup. Il est sorti probablement de grands cerveaux qui n'ont évidemment aucun sens pratique ni politique. Tous ces gens probablement très intelligents et cultivés devraient se souvenir qu'avant de vouloir implanter dans le désert saharien des éoliennes et des parcs photovoltaïques un génie voulait en ouvrant un canal au plus près reformer la mer qui existait là il y a plusieurs centaine de millier d'années, c'était ce que l'on a appelé un projet pharaonique qui a été réexaminer à plusieurs reprises mais n'a jamais vu le jour. Dans tout projet de ce type il existe un risque politique et il faut être franchement débile pour imaginer, qu'après avoir mis tant de dizaines d'années à sortir de l'hégémonie pétrolière arabe on puisse songer à dépendre à nouveau de ces peuples incertains qui nous ont dépossédés de toutes nos installations pétrolières et gazières et qui nous imposent encore leur tarif outranciers. Sortez de vos nuages d'incompétence Messieurs les Apprentis sorciers Claude Rossi
[4]
Commentaire par Alain77
vendredi 31 mai 2013 00:58
Je plussoie , complètement nul ce projet , un truc d'Allemand ils ont de bonnes idées parfois , des fois moins . On peut produire tout pareil chez nous pour le même rendement/coût si on enlève les frais exhorbitants des différentes lignes HVDC Magrheb-Europe (à vérifier je ne connais pas les coûts exacts).
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