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Le pétrole offshore : une énergie recyclable ?


lundi 21 mars 2011

Cette analyse a remporté le deuxième prix au concours Génération Energies, organisé par "la chaîne Energie", SIA-Conseil et RTE.


L'AIE annonce dans son dernier rapport que la production de pétrole conventionnel a atteint son maximum en 2006. Des milliers de plateformes réparties dans le monde exploitent aujourd'hui les champs de pétrole offshore ; à l'horizon 2050 pourtant, leur démantèlement sera inévitable suite à leur durée de vie limitée et à l'épuisement des gisements.

Comment démanteler ces milliers de plateformes en évitant toute pollution du site, en recyclant au maximum ces dizaines de milliers de tonnes d'acier et en assurant une rentabilité financière optimale ?

Loin de devenir une charge pour les compagnies pétrolières, dans le contexte de l'épuisement des ressources fossiles, ces plateformes peuvent au contraire se révéler être des acteurs clés de la transition énergétique : en les utilisant pour y installer des éoliennes offshores.

Vers l'alliance de l'oil & gas offshore et de l'éolien

Les éoliennes offshores sont aujourd'hui limitées par la technologie actuelle à des profondeurs d'eau inférieu-res à 30 m. Cependant ces turbines ne peuvent atteindre le potentiel éolien très important qui existe loin des côtes, au-delà de 30m de profondeur. Les plateformes pétrolières, de type steel-jacket, peuvent quant à elles atteindre une profondeur d'eau de 60 m grâce à la jacket, base de la plateforme pouvant atteindre 90m de hauteur.

En remplaçant les modules (topsides) qui surmontent la jacket par une turbine éolienne, on augmenterait ainsi considérablement le potentiel éolien atteignable tout en réduisant les nuisances généralement subites par les habitants des côtes. L'idée est d'autant plus intéressante que les zones à forte densité de plateformes pétrolières coïncident avec les régions offshores à haut potentiel éolien : la Mer du Nord et le golfe du Mexique par exemple. Actuellement on dénombre en Mer du Nord environ 450 plateformes pour une vitesse de vent moyenne de 9m/s,  et 3858 plateformes dans le golfe du Mexique pour un vent de vitesse moyenne comprise entre 7 et 8,5 m/s.

Ces plateformes ont une durée de vie de 20 à 30 ans, elles devront donc toutes être démantelées d'ici 2050. On peut alors imaginer en 2050, grâce à ces plateformes, des champs d'éoliennes offshores alimentant des zones proches et fortement peuplées.



Dans le golfe du Mexique, le potentiel de ce concept est immense : en considérant l'utilisation d'éoliennes de capacité actuelle de 5 MW 2, un facteur de charge de 23%  et un taux de réutilisation des plateformes variant de 40 à 60% selon leurs conditions et leurs emplacements, on peut estimer une production annuelle comprise entre 15,5 et 23,3 TWh, soit l'équivalent de la consommation électrique résidentielle d'une ville telle que Chicago en 2005 3. Mais la capacité éolienne potentielle est en réalité encore plus grande : le facteur de charge de l'éolien off-shore est en effet plus élevé que celui de l'onshore et peut atteindre 30% selon les régions.
Un potentiel énergétique insoupçonné
Les puissances des turbines pour éoliennes offshores allant croissant, la production dépassera largement ces prévisions en 2050. Plusieurs projets font de ce concept une réalité : en mer du Nord, la société Talisman a installé plusieurs éoliennes offshores en développant une structure de type « steel-jacket » au sein de son projet Beatrice.

En exploitant le savoir faire de l'industrie oil & gas offshore, les technologies maitrisées depuis des années sont aujourd'hui expérimentalement appliquées à un domaine en plein développement : la production éolienne. L'idée commence à germer dans l'esprit des industriels : l'entreprise SeaEnergy Renewables, crée par des anciens spécialistes des installations pétrolières off-shores, a depuis racheté les droits de ce concept pour une future commercialisation, et des études sur le potentiel éolien ont été menées dans le golfe du Mexique 4.

 Bien que la technologie des turbines éoliennes et de leur support, la jacket, soient déjà développés et maitrisés, leur connexion avec le réseau électrique terrestre est encore à l'échelle du développement : des lignes de courant continu parcourant sur de grandes distances le fond marin restent très coûteuses.  Les supergrids sont néanmoins en plein essor, de nombreux projets sont en développement et l'on peut espérer des premiers retours d'expérience d'ici une dizaine d'années. En outre, le surcoût de raccordement aujourd'hui estimé aux environs de 700k€/MW5 pourra au moins en partie être compensé par l'économie réali-sée sur le démantèlement de la plateforme. Grâce à ce procédé de réutilisation, la jacket n'est en effet pas dé-mantelée, ce qui constitue une réduction du coût de dé-mantèlement final : dans le Golfe du Mexique, le déman-tèlement atteint 1400$/tonne, ce qui revient donc à une économie d'environ 11,2M€6  par plateforme.   Cette réduction de coût associée à un retour d'expérience sur le raccordement offshore permettra à terme d'améliorer l'économie globale de ce type de projet.

Des réponses devraient être apportées aux difficultés technologiques actuelles d'ici une dizaine d'années. En outre, cette solution concrète permettrait durant la période de transition qui s'annonce de capitaliser le savoir-faire de l'ère des énergies fossiles pour valoriser le développement des énergies renouvelables. Ce concept de production éolienne représente ainsi une véritable opportunité de transition pour les majors pétrolières, tout en mettant à profit les avantages de l'éolien offshore face aux projets onshores.

Notes
1. D'après le World Energy Outlook 2010
2. Taille moyenne d'une éolienne offshore selon le Syndicat des Energies Renouvelables [6]
3. Calcul basé sur la consommation résidentiel par usager (source [7]) et le nombre d'habitants en 2005 ([8])
4. Etude publiée par Rich Crowley, professeur au Colby College
5. Estimation de coût pour un projet de ferme éolienne en Allemagne de 26,6 GW, avec un raccordement en hub [9]
6. Coût unitaire d'après source [10], coût total estimé pour un jacket de 8000t.

Sources
[1] World Energy Outlook 2010, IEA, 9-11-2010

http://www.worldenergyoutlook.org/

[2] "When oil rig met wind turbine", Michael Kanellos, 11-02-2009
http://www.greentechmedia.com/articles/read/when-oil-rig-met-wind-turbine-5692/

[3] "Gulf of mexico's offshore oil platform wind potential", Rich Crowley, Colby college, 28-04-2005

[4] Carte NOAA (national Oceanic and Atmosphere Administration) Ocean Explorer, 26-08-2010

[5] Carte "90-Meter Offshore Wind Maps", Wind Powering America, Department of Energy, 10-14-2010

http://www.windpoweringamerica.gov/windmaps/offshore.asp

[6] L'Energie éolienne en mer, Syndicat des énergies renouvelables, mai 2010

http://fee.asso.fr/content/download/1782/7125/version/2/file/13FEE_Eolien_offshore.pdf

[7] "NYC's climate change challenges through 2030", NYC Mayor's office of sustainability, 2007
http://www.nyc.gov/html/planyc2030/downloads/pdf/greenyc_climate-change.pdf

[8] "Annual estimates of the population for incorporated places over 100 000 ranked by July 1, 2005", US Census Bureau
http://www.census.gov/popest/cities/SUB-EST2005-01.xls

[9] "Offshore wind and the European Supergrid", EUFORES, Parliamentary kick-off, 09-16-2010

[10] "A Gulf of Mexico Offshore Platform Decommissioning Case Study",Proserv offshore, May 2009
2 commentaire(s)
[1]
Commentaire par G. Hvidsten
mardi 22 mars 2011 07:38
éolien offshore , hydrolien , solaire flottant ....tout ça c'est trés bien ...et en tous les cas je ne suis pas compétent pour en juger la pertinence ! cependant , ce qu'il y a de certain c'est que cette industrialisation de ma mer ne doit pas se faire trop proche des côtes .
En Allemagne les parcs éoliennes sont installés a 30 km au large ...en France les projets sont a 10 et 15 km ....il y a un probléme !
Moi je pense que dans le premier cas on respecte l'environnement , les paysages et les activités en places et dans le second on assiste a un véritable massacre !
La France doit absolument protéger ses côtes quitte a favoriser les technologies flottantes pour mettre ses zone industrielles en mer a 30 km et plus . Toutes ces technologies dites renouvelables sont trés imparfaites , discutées et contestées ...le minimum est donc qu'elles soient respectueuses de l'environnement !!!! En France les projets actuels sont inacceptables . cordialement
[2]
Commentaire par cherret
samedi 09 avril 2011 23:41
principe qui a été déja mis en oeuvre par la société hydrocap pour exploiter les plateformes offshore à démanteler. Principe présenté au salon sea tech à Brest.

http://www.youtube.com/watch?v=R-UH2_HNZPg
http://www.hydrocap.com/
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