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Auteur
Lionel Exposito a fondé Exaya Consulting, cabinet de conseil en transformation des organisations et transition vers des pratiques durables. contact : l.exposito@exaya.fr

La méthanisation : un nouveau souffle pour l'agriculture ?


mercredi 13 novembre 2013

Dans le contexte de crise du secteur agricole, la valorisation des biodéchets en biogaz pourrait représenter un relais de croissance précieux au service des agriculteurs, de la transition énergétique et de l'environnement.


Bénéficiant d'une volonté forte des pouvoirs publics, la filière de méthanisation représente des perspectives prometteuses en France. En témoigne le plan Energie Methanisation Autonomie Azote (EMAA) présenté en mars 2013 par Stéphane Le Foll et Delphine Batho, qui prévoit la construction de 1000 installations à l'horizon 2020 grâce à la mobilisation de 2 Mds € d'investissement.

Son développement n'en demeure pas moins embryonnaire à ce jour. Avec seulement 90 installations de méthanisation à la ferme fin 2012**, la France est très loin des 4.200 installations de nos voisins Allemands.

En cause, le coût des installations 1,6 à 2,3 fois plus cher en France qu'en Allemagne et les contraintes techniques en matière de qualité et de saisonnalité des intrants dans l'hexagone. D'autres freins sont relatifs aux contraintes juridiques et administratives, au manque d'expertise technique des acteurs, et à l'équilibre économique fragile d'installations non rentables sans subventions publiques massives.

La méthanisation agricole, de quoi parle-t-on ?

La méthanisation consiste en la dégradation de la matière organique (ou substrat entrant) par des microorganismes, en conditions contrôlées et en l'absence d'oxygène.
Ce procédé aboutit à la production combinée de digestat et de biogaz.

Le digestat produit par une installation de méthanisation est considéré comme un déchet et ne peut sauf exception qu'être utilisé dans le cadre d'un plan d'épandage, en dépit de ses qualités agronomiques.
Quant au biogaz, il est principalement transformé par cogénération en chaleur et électricité. Son injection dans le réseau de gaz est techniquement possible après purification.

L'instruction d'un projet de méthanisation agricole est un processus long, qui requiert 30 mois en moyenne afin de réaliser l'étude d'opportunité et de faisabilité, les études techniques, les démarches administratives et la construction de l'installation.


3 défis à relever

- La mutualisation : à l'échelle d'un territoire, la méthanisation mutualisée ou codigestion prend tout son sens car elle permet de traiter les déchets organiques agricoles en addition de ceux issus de l'industrie agroalimentaire et des collectivités. La codigestion permet ainsi de partager les risques et les bénéfices et parfois d'atteindre la taille critique nécessaire à la viabilité économique d'un projet. Souhaitons la montée en puissance des instances locales favorisant le dialogue entre les acteurs d'un territoire, qu'ils soient concurrents ou partenaires, dans une logique de collaboration de circonstance.

- Le subventionnement : il doit être contrôlé afin de ne pas répéter les erreurs du passé, en témoigne le financement indirect des industriels chinois par l'Etat français dans le cadre du subventionnement de la filière photovoltaïque. Certaines voix s'élèvent à ce titre contre le recours massif à des technologies allemandes. Souvent surdimensionnées par rapport à la typologie des exploitations agricoles françaises, elles fragiliseraient ainsi l'équilibre financier des projets, en limitant les retombées économiques sur l'hexagone. Il est donc à souhaiter la réelle éclosion d'une R&D amont tricolore, permettant le développement de technologies françaises, demain exportées.

- Les retombées économiques : toute subvention accordée à un porteur de projets devrait être adossée à deux conditions. La première pourrait concerner un engagement de bénéfices du projet sur l'emploi et l'économie à l'échelle locale. La seconde pourrait imposer aux bénéficiaires de subventions à partager leur savoir-faire notamment dans le cadre d'études conduites par des institutions publiques à l'instar de l'ADEME.


Pour en savoir plus :
www.ademe.fr/methanisation
www.agriculture.gouv.fr
www.aile.asso.fr
www.trame.org
www.biogaz.atee.fr





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3 commentaire(s)
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Commentaire par papijo
vendredi 15 novembre 2013 08:45
Franchement, la France a-t-elle 2 Mds d'Euros à dépenser pour faire pourrir ("méthaniser" en langage écolo) du maïs pour récupérer presque rien en énergie (contrairement à ce que suggère l'article, les déchets agricoles produisent très peu de méthane, et donc, comme en Allemagne, on doit alimenter la filière avec des céréales comme le maïs, et bien sûr avec des "subventions publiques massives"). Ne vaudrait-il pas mieux mettre à disposition des agriculteurs et des industries agro-alimentaires en général une énergie abondante et bon marché (je pense bien sûr au gaz de schistes et au nucléaire) qui leur permettrait de produire plus, d'exporter et même de payer des impôts !
[2]
Commentaire par Lionel Exposito
vendredi 15 novembre 2013 21:16
@papijo L?Allemagne n?est pas un modèle à suivre ?j?en conviens- car la filière a été pensée dans une logique électro-intensive. Mais cultiver la terre à des fins énergétiques n?est pas envisageable en France, j?aurais tendance à dire qu?il en est mieux ainsi. En France, la méthanisation est porteuse d?espoirs à condition que son développement soit encadré. L?objectif 1er doit rester le recyclage des déchets en les valorisant sous forme d?énergie et de fertilisants. Ainsi, un déchet sera transformé en centre de profits, avec à la clé la création (souhaitée) d?emplois, la préservation de l?environnement (en respect de la réglementation sur la valorisation des biodéchets: Décret n°2011 ? 828) et donc de l?outil de travail des agriculteurs, et enfin l?apport d?un revenu complémentaire aux exploitations. Enfin, si le subventionnement des énergies renouvelables peut poser question, il en va de même pour le subventionnement de l?agriculture française ayant encouragé un modèle productiviste, qui semble montrer ses limites. Donc subventionner oui, mais sous conditions
[3]
Commentaire par papijo
vendredi 15 novembre 2013 22:12
@Lionel Exposito - Nous sommes donc d'accord pour refuser les cultures dédiées à la méthanisation. Mais alors, avec quoi alimenter ces usines ? Chacun sait que par exemple la méthanisation des "déchets verts" ou des déchets ménagers n'est même pas capable de produire suffisamment d'électricité pour faire tourner l'usine (broyage / tri en amont, auxiliaires du méthaniseur, traitement des effluents liquides, ventilation et désodorisation, séchage des résidus solides ...). Si l'on veut produire de l'électricité, alors il faut passer à l'incinération qui dans la plupart des cas aura un bilan très largement positif et ne coutera pas plus cher ! Franchement, je ne vois aucun avenir à cette filière, sauf peut-être quelques usines pour traiter les restes de cantines, les boues de station d'épuration ... , mais dans une optique "traitement de déchets", sans espoir de "produire de l'énergie".
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