Par Charles Haquet
Revers en série pour le nucléaire français
Par Charles Haquet
mercredi 29 septembre 2010
Pauvre nucléaire français! Echec à Abu Dhabi, retards dans l'EPR, contrats menacés aux Etats-Unis: les problèmes s'accumulent alors que EDF et AREVA s'accrochent à plusieurs niveaux.
Comme vient de le révéler L'Expansion, les négociations entre EDF et son partenaire américain, Constellation, sur la construction de deux réacteurs EPR aux Etats-Unis sont au plus mal. Un dossier qui pourrait coûter deux milliards de dollars à EDF.
Auparavant, il y a eu cet appel d'offres d'Abu Dhabi, perdu contre des Coréens que personne, dans l'Hexagone, ne prenait au sérieux. Il y a eu, ensuite, ces réacteurs que l'on construit en Finlande et en Normandie (Flamanville), dont on ne compte plus les retards successifs et les reports d'entrée en production.
Enfin, ces dix-neuf centrales nucléaires françaises dont le taux d'utilisation ne cesse de se dégrader...
N'en jetez plus ! La filière nucléaire française semble prendre l'eau.
A couteaux tirés, nos champions mondiaux (EDF, l'exploitant de centrales, et Areva, l'un des rares acteurs en mesure de maîtriser l'ensemble de la chaîne, de la construction des réacteurs jusqu'au traitement des déchets) sont incapables de s'entendre. Concurrence exacerbée, bagarres commerciales, querelles d'ingénieurs et guerre d'ego... On ne compte plus les « vicissitudes regrettables », selon l'expression policée de François Roussely, ex-PDG d'EDF, à qui l'Elysée avait demandé de réfléchir à la façon de remettre de l'ordre dans le camp gaulois.
Pas simple. Car les relations entre les différents acteurs se sont encore dégradées depuis l'arrivée d'Henri Proglio aux commandes d'EDF, en novembre 2009. «Avec Gadonneix, ce n'était déjà pas fameux, mais avec Proglio le téléphone est carrément coupé», confirme un observateur avisé. Ça va beaucoup mieux, assure toutefois Anne Lauvergeon, la présidente du directoire d'Areva. «Nous nous sommes vus le 6 septembre dernier pour définir des axes de travail communs. »
A EDF, toutefois, ce dégel en laisse plus d'un sceptique : «Ça ne changera rien, soupire un cadre dirigeant. Dans les groupes de réflexion qui se constituent, on retrouve tous ceux qui, depuis dix ans, se chamaillent sur les mêmes sujets : le coût du traitement des déchets nucléaires ou l'EPR. » Depuis plusieurs mois, c'est d'ailleurs sur ce réacteur de troisième génération que se cristallisent toutes les tensions.
Pour ou contre l'EPR
EPR - pour réacteur européen à eau pressurisée. La fierté française. Un réacteur ultramoderne, considéré, avant même sa mise en oeuvre, comme le plus sûr du monde. On pourrait s'imaginer que les Français se retrouvent unis derrière ce fleuron technologique. Il n'en est rien, au contraire.
«Etes-vous pour ou contre l'EPR ? » Posez la question aux ingénieurs d'EDF, il n'est pas sûr que vous obteniez une réponse claire. Car deux camps s'opposent chez l'électricien français. D'un côté, les aficionados, qui sont actuellement en perte de vitesse. Pierre Gadonneix en faisait partie. A la fin de son mandat, l'ex-dirigeant voulait même créer un « club de l'EPR » avec d'autres énergéticiens, tels les allemands E.ON ou RWE.
A priori, cette amicale n'est pas près de voir le jour. Car une autre tendance a pris le dessus, les « malgré-nous ». Ceux-là considèrent qu'on leur a imposé l'EPR, qu'ils doivent « faire avec »,mais ils n'ont, secrètement, qu'une seule idée en tête : passer à autre chose. Pour comprendre ce « schisme », un retour aux années 90 s'impose. Tout en construisant ses centrales, EDF ne cesse alors d'améliorer les plans de ses réacteurs.
Une sécurité maximale
Ses ingénieurs travaillent d'ailleurs à un nouveau modèle, baptisé REP 2000. Seulement voilà...Ce sont les grandes heures du rapprochement franco-allemand. Quoi de mieux qu'un grand projet industriel pour le symboliser ? En 1993, une société commune à Siemens et Framatome (futur Areva) est créée, NPI. De cette collaboration, qui se renforcera en 2001 avec l'entrée de Siemens au capital d'Areva NP, naîtra l'EPR. Mais il aura fallu faire beaucoup de concessions aux ingénieurs allemands, encore plus exigeants que les Français en matière de sûreté. A cette époque, en Allemagne, l'obsession est la sécurité.
Les avions militaires américains ont tendance à se crasher. On prévoit donc un «cendrier» sous le réacteur, pour récupérer le coeur au cas où il se mettrait à fondre. Et, pour résister aux chutes d'avions, on dessine une double coque en béton armé. « Ils veulent mettre tellement de ferraille dans le béton que je vais avoir
du mal à le couler », dira plus tard Martin Bouygues, le patron du groupe de BTP, en voyant les plans. « C'est sûr que l'on a été loin en matière de sûreté. L'EPR, c'est ceinture et bretelles », commente un haut dirigeant d'EDF.
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2 commentaire(s)
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Commentaire par Patraigues
vendredi 01 octobre 2010 03:40
Sans oublier le retrait du projet EPR a PENLY de GDF-Suez .. L'EPR a trop de ferraille dans le beton et du plomb dans l'aile ! Je me souviens encore , il y a peu de temps, quand critiquer l'EPR etait suicidaire a EDF !! Aujourd'hui il semble qu'on ait enfin compris que l'EPR est trop cher , trop puissant , trop complexe ... Bref un design totalement inadapte et , qui en raison des surcouts et des retards , est maintenant invendable ! Quant a la fameuse equipe Francaise du nucleaire , chere a Roussely , elle nest deja plus qualifiee pour la prochaine coupe du monde du nucleaire . Les investissements a l'international d'EDF sont absolument calamiteux entre BE , beaucoup trop chere payee en Angleterre , et le projet UNISTAR qui s'avere un desastre . Les clients d'EDF n'ont pas vocation a payer sur leurs factures pour l'incompetence chronique des strateges d'EDF . Pour en finir avec l'EPR Finlandais , AREVA l'a litteralement brade aux Finlandais parce qu'il fallait un demonstrateur . Areva voit son salut avec Mitsubishi aujourd'hui , pourquoi pas ! l'EPR est mort , vive l'Aetma !
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Commentaire par jymesnil
vendredi 01 octobre 2010 21:42
remplaçons "EPR" par le mot "machin", il est clair que "machin" est invendable ! remplaçons ATMEA" par "truc sur le papier", et il est probable que "truc sur le papier" ne va pas emballer outre mesure la clientèle ? :-)
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