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 - Expert nucléaire

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Marc Ammerich est ingénieur en radioprotection au Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Ingénieur CNAM en Physique nucléaire et titulaire d'un DESS en Sciences des aérosols, Marc Ammerich commence...

La question sensible des déchets radioactifs de très faible activité


jeudi 18 décembre 2014

A l'inverse de nos voisins, notamment allemands, nous classifions comme déchets radioactifs nécessitant un traitement spécial des éléments totalement inoffensifs. Cela vous coûte des centaines de millions d'euros.


Le débat public sur le stockage profond des déchets nucléaires (déchets de haute activité ou déchets à vie longue) a eu bien des difficultés à se tenir. Les réunions publiques sur le sujet ont dû être stoppées devant la contestation qui s'est fait jour immédiatement et c'est une consultation via internet qui a eu lieu. Revenons sur ces questions.

En ce qui concerne les déchets de haute activité (HA), on ne peut contester le fait que ceux-ci sont très radioactifs. Ils le sont et pour longtemps. Il faut mettre en ...uvre tous les systèmes possibles pour les surveiller et en éviter la dispersion dans l'environnement. Leur volume est finalement assez faible : les déchets HA accumulés depuis le début de l'industrie nucléaire représentent 2 700 m3 (un cube de 14 mètres d'arête) soit 0,2% du volume total des déchets radioactifs mais 96% de la radioactivité d'après l'Inventaire National de l'ANDRA au 31/12/10.

Une qualification abusive

Mais il serait très intéressant de s'attacher aux déchets de très faible activité (TFA) qui sont une spécificité française. Nos voisins européens, y compris allemands, gèrent les déchets nucléaires en considérant ce que l'on désigne comme des seuils de libération : en dessous d'une certaine activité (exprimée en becquerels : symbole Bq), ces déchets peuvent être remis dans le domaine public comme les déchets classiques.

Or, selon la réglementation française, les déchets produits dans une partie d'installation nucléaire où ils sont susceptibles d'être contaminés ou activés (simplement susceptibles : ils ne le sont peut-être pas !) doivent être gérés dans des filières spécifiques permettant une traçabilité suffisante quel que soit leur niveau d'activité. ». Autrement dit, un déchet issu d'une installation nucléaire et dont l'activité serait égale à 0,0001 Bq/g doit être considéré comme un déchet nucléaire !

De plus, les déchets radioactifs ont une propriété naturelle qui leur est spécifique et qu'il convient de considérer quand on parle de stockage sur la durée : leur radioactivité diminue avec le temps, contrairement à d'autres déchets comme les déchets chimiques qui, eux garderont à travers les millénaires leur toxicité potentielle !

Imaginons une installation nucléaire de base produisant par activation des déchets radioactifs dont la période est inférieure à 100 jours : Est-il totalement absurde de vouloir assurer leur gestion par décroissance de leur radioactivité ?

Admettons ensuite que ces installations produisent quand même des déchets ayant des périodes radioactives supérieures à 100 jours mais avec une activité massique résiduelle extrêmement faible, disons inférieure à 0,001 Bq/g. Est-il totalement absurde de se poser la question de leur gestion alors que leur radioactivité est très inférieure à la radioactivité naturelle ?

Un coût de centaines de millions d'euros

Se pose alors à nouveau la question d'avoir, comme nos voisins européens, des seuils de libération.
Car tout ceci à un coût. Et là le citoyen, le contribuable est totalement tributaire de notre politique en matière de stockage de ces déchets de très faible activité puisqu'une partie de ses impôts va servir à l'entreposage et à la collecte de ces déchets. N'y aurait-il pas des possibilités de faire de substantielles économies, sans impacter la santé du public ?

On estime aujourd'hui que le coût du déchet TFA (de sa production jusqu'à son stockage) est de l'ordre de 600 euros le mètre cube. Si l'on estime que, dans les années qui viennent, le démantèlement d'installations devenues obsolètes vont conduire à des volumes de centaines de milliers de m3, on voit que le coût du stockage de ces matériaux dont certains n'ont peut-être pas vu le moindre becquerel de leur vie et dont d'autres pourraient être valorisés, va atteindre des centaines de millions d'euros, payés par le contribuable.

La France est pour l'instant arc-boutée sur le dogme sacrosaint du déchet TFA. Le moment n'est-il pas venu de se poser la question et prendre des avis scientifiques éclairés sur ces points ? Dans ces périodes complexes au niveau des ressources financières, n'y aurait-il pas là des possibilités de faire de substantielles économies ?

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2 commentaire(s)
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Commentaire par papijo
jeudi 18 décembre 2014 21:27
Cet article pose le problème de l'information scientifique des français (le domaine de la radioactivité n'est pas le seul). Tant qu'une majorité d'entre eux n'aura aucune idée de ce qu'est la radioactivité (et sera effaré par un nombre de Bqs "avec beaucoup de zéros"), n'aura pas eu en main un dosimètre (pour constater que la dose varie en permanence, et augmente quand on s'approche d'une paroi en granit - ou même en béton, que l'alarme se déclenche en approchant du vieux réveil de grand-mère et même devient fou devant une personne qui vient de passer un examen de scintigraphie), il est normal que soumis à la "propagande anti-nucléaire" de nos médias, ils appliquent le fameux principe de précaution: "Dans le doute, abstiens-toi !"
[2]
Commentaire par Hervé
vendredi 19 décembre 2014 23:45
Le plus curieux c'est que sur la radioactivité on est intransigeant au point que ça en devient hystérique, mais sur les ondes radio, on prends des risques infiniment moins maîtrisés et là, personne ne dit rien ( du moins presque personne...)
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Marc Ammerich est ingénieur en radioprotection au Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Ingénieur CNAM en Physique nucléaire et titulaire d'un DESS en Sciences des aérosols, Marc Ammerich commence...

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