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Industrie nucléaire, un monde à deux vitesses


jeudi 26 mai 2011

Les incidents se multiplient dans l’aval du cycle de l’atome (gestion des déchets, maintenance,..). Peut-être parce que c’est la partie la moins gratifiante ?


L'industrie nucléaire française s'occupe-t-elle de ses déchets avec suffisamment de sérieux ?

La question mérite d'être posée, si l'on en juge par certains faits récents.

D'abord, le rapport 2010 de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sur le « contrôle des installations nucléaires de base en Normandie et Bretagne » - et parmi elles, le site de retraitement de combustibles nucléaires usés de la Hague, exploité par Areva.

Selon le gendarme français de l'atome, 58 événements significatifs ont été déclarés en 2010, dont 7 de niveau 1 ou 2 (sur une échelle de 7). Extrait - un peu technique - du rapport : « l'ASN a confirmé la nécessité d'entreprendre au plus tôt la reprise des boues entreposées dans les silos de la station de traitement des effluents STE 2, des déchets du silo de l'atelier « haute activité oxyde » et des déchets du silo de stockage de déchets magnésiens du bâtiment n°130, ainsi que des fûts de déchets à dominante alpha entreposés dans le bâtiment de désactivation et de stockage n°119, ces diverses installations présentant un niveau de sûreté insuffisant ».

En clair, l'ASN juge « insatisfaisant » la façon dont le groupe Areva a appréhendé - et sous-estimé- ces événements. Ensuite, il y a cette plainte, déposée le 23 mai devant le Procureur de la République par une association de défense de l'environnement du Limousin, Sources et rivières, pour stockage illégal de boues radioactives sur un terrain de Compreignac (Haute-Vienne). L'association reproche à Areva de ne pas avoir « anticipé la création d'un centre de stockage des déchets ». Les boues « sont faiblement radioactives et des procédures administratives sont en cours », répond Areva. Sans doute le sujet n'est-il pas non plus considéré comme prioritaire...

Souvenons-nous, maintenant, des fuites qui s'étaient produites sur le site nucléaire du Tricastin, en juillet 2008. Près de 20 mètres cube d'uranium naturel s'étaient déversés dans la nature lors d'une « opération de transfert ». A l'époque, une source interne à Areva concédait que « l'on accordait peut-être moins d'attention aux opérations de maintenance et de stockage des déchets qu'à tout ce qui touche au cœur du réacteur. » Certes, il est beaucoup plus gratifiant, pour un ingénieur, de travailler à la conception d'un réacteur de troisième génération EPR qu'au conditionnement de déchets radioactifs. L'EPR, c'est la partie noble, la « Voie Royale ». S'occuper du curetage d'un lac contaminé fait beaucoup moins rêver...

 C'est un tort. Sans doute l'industrie nucléaire retrouverait-elle plus rapidement sa crédibilité si elle traitait, avec la même rigueur, l'aval du cycle que la fabrication des réacteurs. A trop se focaliser sur certains maillons de la chaîne, on en néglige parfois d'autres. A Fukushima, le problème n'est pas venu des réacteurs, qui ont bien résisté au séisme. Il est venu des installations annexes, qui contenaient les groupes électrogènes et les piscines de refroidissement, et qui n'avaient pas été construit avec les mêmes impératifs de sûreté.

Un accident n'arrive jamais là où on l'attend. Mais les « champions de l'atome » ne peuvent se permettre aucune impasse.


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