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Auteur
Richard GUILLANDE est expert international en risques naturels, vulnérabilité et impact des catastrophes naturelles sur les installations industrielles. Il est spécialiste dans l'exploitation de l'imagerie...

Des photos satellites pour analyser l'accident de Fukushima


lundi 28 mars 2011

Dans quel état était le site nucléaire après le séisme et le tsunami mais avant les explosions dans les enceintes des réacteurs? L'étude des images satellitaires peut aider à diagnostiquer les problèmes à résoudre.


L'imagerie satellite s'avère un outil puissant de diagnostic des dommages et des conséquences probables des catastrophes naturelles sur les installations industrielles.

Elle ne remplace bien sûr pas une expertise sur le site mais, dans le cas de la catastrophe de Fukushima, le retour d'expérience de terrain pourrait être très difficile, voire impossible si l'accident nucléaire n'est pas résorbé.

Dans l'immédiat, la comparaison d'images satellites de très haute résolution (1) acquises avant et après le séisme et le tsunami, mais avant les explosions dans les enceintes de réacteurs, permet déjà aux experts en risques et accidents industriels de formuler des hypothèses sur les dysfonctionnements survenus après le double évènement. 

Compte tenu de la conception parasismique, les bâtiments et installations de la centrale ont, en apparence, bien résisté au séisme.  Il est difficile de dire les effets du séisme sur l'installation nucléaire elle-même à partir de ces images satellites dont la résolution au sol est de moins de 1 mètre.

En revanche de nombreux effets du tsunami sont visibles.

Une centrale inondée en totalité

























Figure 1 - Image ©2011 digital Globe sur Google Earth

L'image Digitalglobe du 12 mars 2011, acquise par le satellite Quickbird montre des traces de submersion sur toute la plateforme des réacteurs 1 à 6 de la centrale. Le remblai a été totalement submergé jusqu'au pied du talus creusé dans la colline (Figure 1). L'ensemble des bâtiments des réacteurs, des générateurs, des équipements auxiliaires a été inondé par plusieurs mètres d'eau.

Des traces sur les falaises au nord de la centrale montrent un « run-up » (niveau le plus haut atteint par les vagues à terre), qui a atteint prés de 20 m d'altitude soit une hauteur comparable à celles atteintes par le tsunami sur la cote à l'ouest de Banda Aceh en décembre 2004..

Des équipements fixes et mobiles transportés par les vagues, des débris dévastateurs.






























Figure 2: image©2011DigitalGlobe)

La presque totalité des équipements mobiles (véhicules, fûts, grues, portiques  etc..) situés sur les quais les plus bas ont été transportés jusqu'à l'arrière des réacteurs, endommagés par les vagues du tsunami. On voit, dans les cercles, des monceaux de débris dispersés derrière le réacteur n°4. Le pointillé noir indique la limite atteinte par le tsunami.




























Figure 3

Plusieurs bâtiments situés sur les quais à proximité des pomperies d'eau de mer ont été rasés (Figure 3). Un réservoir situé sur le quai a été déplacé, ainsi qu'un portique de levage et de maintenance qui a été renversé.
L'accessibilité autour des bâtiments a été restreinte sur l'ensemble du site en raison des débris.

Sans que cela soit directement visible sur les images satellites, il est probable que les groupes électrogènes de secours aient été trop durement affecté par l'inondation pour pouvoir être maintenus en fonctionnement ou redémarrés après le passage du tsunami.

Des digues détruites et le système de refroidissement par eau de mer endommagé

Le site de Fukushima Daichi est protégé de l'océan par des digues. Les réacteurs 1 à 4 bénéficient d'une double protection par une première digue du port et une seconde du bassin de "tranquillisation" devant les pomperies d'eau de mer . La zone des réacteurs 5 et 6 quant à elle n'est protégée que par une seule digue séparant l'océan du bassin de tranquillisation, directement exposée à l'effet  du tsunami cette digue a été en grande partie détruite (Figure 3).

La centrale nucléaire fait appel à l'eau de mer pour le fonctionnement de plusieurs de ses circuits de refroidissement. L'eau de mer est pompée à partir des bassins de tranquillisation après écrémage, filtration, traitement puis envoyée vers les différents circuits de refroidissement par des pompes électriques verticales bien visibles sur l'imagerie satellite. Ces pompes et leurs infrastructures sont implantées devant les bassins de tranquillisation à seulement quelques mètres au dessus du niveau de la mer.


























Figure 4: image Digitalglobe 2011

Les dommages détectables sur la Figure 4, permettant d'envisager les conséquences probables :

- comblement ou bouchage partiel du système d'aspiration des pompes d'eau de mer.
- dommages à la structure des équipements de pompages (système rotatif, alimentation électrique, tuyauteries) par le choc des vagues et des objets emportés.
- effondrement et déstabilisation des quais,  des terre-pleins de la zone de pompage.

Les bouches de rejet des eaux de refroidissement n'apparaissent a priori pas endommagées mais  on peut soupçonner que des apports de sédiments, de blocs et de débris, apportés par les vagues pendant plusieurs dizaines de minutes, ont partiellement obstrué ces évacuations.

Le constat global

Indépendamment du processus d'arrêt automatique des réacteurs sous l'effet du séisme et compte tenu de l'ampleur de la submersion de l'ensemble du site, il est possible que le tsunami soit la cause de la perte totale de l'alimentation électrique de la centrale et aussi de la destruction des installations de refroidissement par pompage d'eau de mer.

Le guide de l'AIEA sur la sécurité des centrales nucléaires face aux risques côtiers (2), suppose que l'application des recommandations protège les sites nucléaires d'une submersion complète lors d'une crue ou d'un tsunami.

 Le niveau de dommages aux infrastructures vitales de la centrale de Fukushima montre que sa conception et son dimensionnement, vieux de quarante ans, ne correspondent plus, ni aux connaissances actuelles en matière de risque sismique et tsunami au Japon, ni aux exigences de sécurité face au risque tsunami et inondation de l'AIEA.

Notes

(1)Les images visibles sur Google Earth sont analysées et exploitées avec des outils spécifiques.

(2) Flood Hazard for Nuclear Power Plants, on Coastal and River Sites, SAFETY GUIDE
No. NS-G-3.5 - IAEA SAFETY STANDARDS SERIES - 2003.


3 commentaire(s)
[1]
Commentaire par christian15e
mardi 29 mars 2011 22:59
Eh bien il n'y a pas beaucoup de commentaires à faire....C'est consternant ! Les Japonais nous avaient habitués à mieux
[2]
Commentaire par Zangao
jeudi 31 mars 2011 06:01
Il ne manque qu'un peu d'électricité............
[3]
Commentaire par Jean Claude
lundi 11 avril 2011 18:32
Vous dites "japonais en pointe dans jes hautes technologies"
Permettez moi d'en douter fortement, lorsque l'on place des centrales nucléaires groupées,sur une cote, face à un océan au risque de tsunami bien connu, et lorsque celles-ci sont gérées par des gens qui semblent plutôt incompétants.
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