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 - Physicien nucléaire, Association Global Chance

«En 1999, en France, nous sommes passés très près d’une catastrophe similaire»


lundi 14 mars 2011

Polytechnicien, physicien nucléaire, Bernard Laponche fait partie de l’association scientifique Global Chance. Il analyse, à chaud, l’évolution des événements au Japon.



L'Expansion : Comment évolue la situation dans la centrale de Fukushima?
Bernard Laponche : C'est une course contre la montre, dans le réacteur numéro deux, entre le cœur qui ne cesse de chauffer et les masses d'eau de mer, que l'on envoie de l'extérieur pour le refroidir. Les systèmes de refroidissement ne fonctionnent plus. Du coup, le niveau de l'eau a baissé et le combustible commence à se détériorer. Les autres réacteurs japonais sont confrontés à ce problème : comment refroidir le cœur, sachant que le combustible continue à produire de la chaleur ?
 
L'Exp. : Selon la chaîne japonaise NHK, ce réacteur numéro deux viendrait d'entrer en fusion, comme fut le cas en 1979, à Three Mile Island. Quel est le risque principal ?
BL : Le nuage radioactif pose de gros problèmes. Si l'eau continue de s'évaporer, le combustible, en fondant, libère de plus en plus de matériaux radioactifs. Les particules les plus lourdes retombent au sol, mais les plus légères se retrouvent sous forme gazeuse - notamment d'hydrogène. Pour faire baisser la pression, il faut relâcher de la vapeur radioactive dans l'atmosphère.
 
L'Exp. : Les réacteurs ont bien résisté au séisme. Le drame vient du tsunami : les eaux ont noyé les systèmes de refroidissement de secours. Ce scenario-catastrophe n'avait-il pas été prévu ?
BL : Au Japon, comme dans les autres pays industrialisés, le développement des réacteurs actuels n'a pas été fait sur la base du système le plus sûr possible. Tous les réacteurs souffrent d'un défaut fondamental : on ne peut pas les arrêter rapidement. L'arrêt d'une réaction en chaîne ne signifie pas l'arrêt des risques. Pour pallier ce défaut fondamental, on a, sans cesse, rajouté des couches de protection : d'abord, une première enceinte de béton, puis une seconde. Ensuite, on a mis une coque métallique, et maintenant, on veut placer, comme dans l'EPR, un « cendrier » sous le réacteur pour le récupérer en cas de fusion. Les systèmes sont de plus en plus complexes, mais l'on s'aperçoit qu'ils ne limitent pas pour autant les possibilités d'accident.
 
L'Exp : Il y a donc, selon vous, un problème initial de conception ?
BL :Les réacteurs japonais sont sensiblement les mêmes que nos réacteurs de deuxième génération français. Dans les cinq pays industrialisés qui utilisent de façon massive l'énergie nucléaire, trois ont, désormais, eu un accident grave dans leur histoire : les Etats-Unis (Three Mile Island), la Russie (Tchernobyl) et maintenant le Japon. Il ne reste que le Royaume-Uni et la France.. Personne n'est à l'abri d'un scénario « improbable », en l'occurrence une succession d'incidents qui, au final, débouchent sur un accident majeur. En France, à plusieurs reprises, nous avons frôlé de vraies crises.
 
L'Exp : Lesquelles ?
BL : En 1999, des inondations ont mis hors d'état la plupart des systèmes de refroidissement de la centrale du Blayais (photo). Nous sommes passé très près de la catastrophe. Plus récemment, des tests, réalisés à la centrale du Tricastin, ont mis en évidence une défaillance de groupe électrogène. Selon l'Autorité de sureté nucléaire, 26 réacteurs seraient, en France, « potentiellement sensibles ». Pour l'heure, la question n'est pas d'être « pour ou contre » le nucléaire. Mais il faut tout remettre à plat et s'interroger sur la façon dont nous utilisons cette source d'énergie. Nous l'avons banalisée. C'est une erreur.
 
Propos recueillis par Charles Haquet
4 commentaire(s)
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Commentaire par Christophe Lavaud
lundi 14 mars 2011 20:41
Vous ne trouvez pas que vous poussez le bouchon un peu loin… Les deux incidents rapportés ont été classés niveau 2. Le lien que vous indiquez sur le Tricastin le mentionne clairement. Pour le Blayais, il suffit d’aller sur wikipedia pour voir que là aussi c’était du niveau 2, pas un tsunami. Depuis, des mesures ont été prises, non seulement au Blayais, mais dans d’autres aussi, et c’est fort bien. De là à chercher des accidents « presque majeurs », c’est un peu choquant vis-à-vis des malheureux Japonais.
[2]
Commentaire par Christian
mardi 15 mars 2011 08:58
"Il ne reste que le Royaume-Uni et la France" écrivez-vous.
Décidément pour un spécialiste du nucléaire vous êtes bien mal informé :

http://www.lefigaro.fr/international/2011/03/13/01003-20110313ARTFIG00259-les-accidents-nucleaires-dans-l-histoire.php-5771.html
Sellafield (1957): premier accident nucléaire

"Incident" classé tout de même niveau 6 sur la fameuse échelle de 1 à 7.
Même moi, simple quidam né cette année là et qui n'a rien à voir avec le nucléaire j'ai entendu parler de Sellafield !
Il faut dire que les anglais ont été suffisamment vicieux pour aller jusqu'à rebaptiser l'endroit par la suite, pour sans doute "faciliter l'oubli"...
Renseignez-vous bordel ! A moins qu'il n'y ait pire sourd que celui qui ne veut pas entendre...
[3]
Commentaire par Christian
mardi 15 mars 2011 09:11
Je rectifie : niveau 5, pas 6. Ce qui n'est pas une raison pour le passer sous silence.
[4]
Commentaire par sylvain cognet
mardi 15 mars 2011 23:26
d'après Percebois & Hansen (p 467 du livre énergie, économie et politiques):
risque 7: tchernobyl, 86
risque 6: Kyshtym, 57
risque 5: 3 mile island, 79
risque 4: Sellafield, 73, St Laurent des Eaux 80
risque 3: Bugey, 84, Nanora 93
(pareil dans wikipedia, http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89chelle_internationale_des_%C3%A9v%C3%A9nements_nucl%C3%A9aires)
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