Participez aux débats sur l'énergie de demain
 - Président et co-fondateur d'IJENKO

Auteur
Serge Subiron est Président et co-fondateur d'IJENKO    

Smart Grids : le fantasme du big brother de l’énergie !


lundi 02 mai 2011

Les craintes d’atteintes à la vie privée ne doivent pas empêcher le déploiement indispensable des « smart grids ». Simplement, il faut fixer des règles simples et claires, qui assurent la confiance.


Serge Subiron est président et co-fondateur d'Ijenko,une plateforme de services pour la maîtrise de la demande en électricité, via une Box Energie et des objets communicants. 

Union  étroite des technologies de l'information et des réseaux électriques, les « smart grids » sont indispensables pour consommer mieux.
 
Grâce à internet, on connaitra le prix de son usage personnel; on pourra piloter sa consommation autrement qu'avec le rétroviseur d'une facture bi-annuelle estimée ; on pourra développer des comportements plus sobres. En outre, si l'on veut plus de production intermittente solaire et éolienne, plus de véhicules électriques, moins de consommation de pointe journalière et saisonnière, et moins de nucléaire, on doit réussir cette maîtrise active de la demande.
 
Celle-ci peut entrer dans les foyers, soit par les compteurs intelligents, comme le célèbre Linky en France, soit par l'accès internet actuel, avec des « box énergie » ou mieux en embarquant des applicatifs « énergie » dans les nouvelles générations de box adsl.
 
- La première voie, celle du compteur intelligent, correspond à une vision descendante de la maitrise de l'énergie. Le fournisseur peut alors piloter la consommation par signal envoyé à tous les compteurs d'une zone géographique, asservir le chauffage, l'eau chaude sanitaire et déclencher des ordres d'effacement diffus par plaque de distribution. Le consommateur, en échange, a accès à des informations de consommation globale sur un nouvel écran dédié, et peut éventuellement obtenir des gains tarifaires.
 
- La deuxième voie, celle de l'Internet, met le consommateur au centre du réseau. Il décide en temps réel en fonction de son mode de vie. Le fournisseur sait quel est le gisement d'effacement réel qu'il peut toucher à tout instant, foyer par foyer, et peut déclencher des ordres d'effacement fins, tout en maîtrisant la remise en marche graduelle des équipements électriques.
 
Dans les deux cas, les évolutions de consommation reflétant la vie quotidienne des membres de la famille deviennent des données que des serveurs peuvent traiter et analyser.
 
Et la protection légitime des données personnelles dans tout cela ?
 
Certains se sont emparés du débat autour de Linky dans la presse en agitant le chiffon rouge de la menace sur la vie privée : trop d'informatique, trop de temps réel, trop de données personnelles, trop d'acteurs (privés).
L'ensemble des expérimentations Smart grid à travers le monde ont montré que la maîtrise «  active » de la demande ne peut réussir sans la confiance des consommateurs.
La CNIL a justement rappelé à l'industrie les règles d'or du traitement des données personnelles :
 
- Tout d'abord, la définition d'une donnée personnelle : « toute information relative à une personne physique, identifiée ou susceptible de l'être, directement ou indirectement ». Dans notre cas, le numéro d'un compteur, l'identifiant d'un abonné. De plus, ces données doivent être traitées avec des moyens techniques situés sur le territoire français : exit l'Europe, le Cloud...et Google ! .Un consommateur pourra accepter de donner accès à des données de consommation à son chauffagiste pour que ce dernier puisse faire de la télémaintenance préventive de son chauffe-eau. Pas pour qu'il puisse se constituer un fichier de prospection commerciale qu'il louerait à des tiers...
 
- Ensuite, les données ne doivent pas être conservées dans des fichiers pour une durée excédant la finalité du service. Au delà, elles doivent être archivées ou effacées.
 
- L'obligation de sécurité : «les mesures de sécurité doivent garantir la confidentialité des données et leur intégrité, afin que des tiers non autorisés ne puissent les modifier, les endommager ou simplement ne puissent y avoir accès ». Les techniques de cryptage des données doivent sécuriser les systèmes d'information et seules les personnes habilitées doivent avoir accès aux niveaux d'information pertinents pour qu'elles puissent exercer leur métier.
 
- Enfin, le droit à l'information, le droit d'accès, de rectification et d'opposition : chacun peut sur simple demande avoir accès à l'intégralité des informations le concernant, les rectifier ou s'opposer éventuellement à leur traitement.
 
J'ajouterais une règle fondamentale à celles énoncées par la CNIL : les données de consommation appartiennent au consommateur. Cette question a longuement agité le débat des Smart Grids aux Etats-Unis. Ce principe, fondateur, fait d'ailleurs partie de la loi française. Cela signifie que les données de consommation n'appartiennent pas au fournisseur d'énergie, pas au gestionnaire de réseau, pas à l'administration. S'ils sont les seuls à les détenir, du fait de l'état technique ou de l'organisation du marché, ils doivent y donner accès aux mandataires éventuels du consommateur, par exemple pour des services de maîtrise de l'énergie.
 
 
En son temps, l'industrie mobile avait travaillé à l'élaboration d'une Charte d'Ethique des services mobiles, réunissant les règles de protection des données personnelles. Cette Charte avait la vertu de créer les conditions d'un lien durable de confiance avec le consommateur.
 
Dans cet esprit, j'invite les acteurs de cette chaine de valeur, sous l'égide par exemple de la CRE, à rédiger ensemble une Charte d'Ethique de l'Energie Intelligente, afin que cette crainte d'un « big brother de l'énergie » soit adressée concrètement et d'une voix unique par les différentes parties prenantes. Bâtissons cette intelligence collective de l'énergie, dans le respect de la vie privée numérique.
1 commentaire(s)
[1]
Commentaire par sylvanor
mercredi 04 mai 2011 08:38
bonjour je cherche la référence de la loi française qui indique que les données de conso électrique appartiennent au consommateur?

" Ce principe, fondateur, fait d'ailleurs partie de la loi française. Cela signifie que les données de consommation n'appartiennent pas au fournisseur d'énergie, pas au gestionnaire de réseau, pas à l'administration"
PARTICIPEZ !
Cet espace est le vôtre !
La chaîne Energie de LExpansion.com
vous ouvre ses colonnes. Partagez vos analyses !
Auteur
Serge Subiron est Président et co-fondateur d'IJENKO    

Lire la suite