Participez aux débats sur l'énergie de demain

Auteur
Jan Horst Keppler, Professeur à l'Université Paris-Dauphine, Chercheur associé au programme Énergie de l'IFRI "Gouvernance Européenne et Géopolitique de l'Énergie" qu'il a dirigé de novembre...

Le système électrique du futur sera plus cher.


mardi 16 octobre 2012

Prix de gros, coûts de production, tarifs pour le consommateur. Le système européen de l’électricité est de plus en plus complexe. Mais dans tous les cas, la facture du consommateur va croître.


L'Université Paris Dauphine, en partenariat avec RTE, EDF, EPEXSPOT et l'UFE (Union française de l'électricité), a lancé cette semaine la Chaire European Electricity Markets destinée à conduire des recherches académiques sur l'évolution des marchés européens de l'électricité. La Chaire veut aussi être un forum d'échanges pour experts universitaires et acteurs du secteur et contribuer à la formation des futurs cadres des entreprises. Jan Horst Keppler, qui dirige la nouvelle chaire, a répondu aux questions de « la chaîne Energie ».

Quelles sont pour vous les caractéristiques principales des marchés européens de l'électricité, dans un contexte d'intégration continue et de développement des renouvelables ?

L'enjeu principal des prochaines années sera le financement des investissements dans le secteur de l'électricité, via le marché.

Il y a deux phénomènes qui se manifestent.

D'abord le développement des énergies renouvelables intermittentes (solaire,éolien),  qui a pour effet de pousser les prix du marché de gros à la baisse. Un exemple : aujourd'hui, en Allemagne, au moins  pendant les week-ends, les prix en période de « pointe », quand la demande est forte, sont moins chers que les prix de la production de base. C'est un renversement : pendant cinquante ou cent ans, la pointe a toujours été plus chère que la base. Cela est provoqué notamment par les 30 GW de production photovoltaique qui, pendant la journée,  pèsent sur le marché. L'Allemagne a même connu plusieurs épisodes de prix négatifs, quand, sur le marché de gros, vous payez pour qu'on vous prenne l'électricité ! Cette situation fait descendre les prix.

Ensuite, il y a un autre phénomène. La montée des renouvelables réduit les taux de charge, c'est-à-dire le temps pendant lequel les autres énergies, c'est-à-dire les moyens de production  dits programmables (nucléaire, charbon, gaz, fuel),  fonctionnent. Leur profitabilité baisse. En Allemagne et en Espagne, les centrale à gaz « sortent du marché »  car elle tournent  300/ 400.000 heures par an, ce qui ne suffit pas pour couvrir leur coût de fonctionnement. Résultat, les investissements pour les technologies programmables sont  plus difficiles.

Les renouvelables, eux, sont rémunérés par ce qu'on appelle les « feed-in tarifs », c'est-à-dire des tarifs fixés par les régulateurs ou les gouvernements. Ils n'ont pas à se soucier des prix du marché. Mais pourtant, ils rentrent dans ce marché où ils peuvent s'offrir à n'importe quel prix. Ils introduisent donc une tendance baissière.
Et pourtant, on a besoin  des énergies programmables. Un soir d'hiver, sans vent qui souffle, avec une demande très élevée (comme c'est le cas en France avec le chauffage électrique), il faut absolument des moyens programmables. Mais comment les financer, quand vous avez de l'autre côté des prix très bas ou négatifs ?

Est-ce que cette tendance baissière peut à terme  se répercuter sur le consommateur final ?

 
Pas du tout. Les tarifs pour le consommateur sont la troisième dimension du triptyque « coûts, prix de gros et tarifs du consommateur «. Or l'écart entre ces trois éléments est toujours plus grand. C'est un enjeu qui va être très difficile à gérer dans les années qui viennent.

Les tarifs sont censés rémunérer la production d'électricité, à son coût de production moyen. Ils devront augmenter fortement pour permettre les investissements des nouvelles centrales programmables, ce qui est difficile dans le contexte politique et social de la crise actuelle.

En outre, les tarifs vont subir la pression de la pénurie d'électricité toujours latente.  Si nous n'avons pas encore eu des épisodes de pénurie  - nous les avons juste frôlé pendant la vague de froid de février-,  c'est dû à la crise économique qui a mis un plafond a la demande. Quand la demande va reprendre, il y aura forte tension sur le marché de la consommation.

Tout le monde doit être conscient que le système électrique du futur sera plus cher.

C'est donc le consommateur qui en fin de compte va payer les investissements ?

Oui, mais il y a une deuxième piste. C'est ce qu'on appelle les « mécanismes de capacité ». Il s'agit de financer ces investissements à travers une prime pour la capacité. Exemple : vous construisez une centrale qui va fonctionner la moitié du temps en raison de la présence des renouvelables intermittents ; vous rémunérez son manque à gagner à travers une surtaxe.

Ce sont des problèmes complexes. Dans tous les grands pays européens, et à la Commission européenne, il y a une réflexion. Elle n'a pas encore abouti à un mécanisme cohérent au niveau européen. Un des défis sera de faire converger les initiatives nationales vers au moins une compatibilité ou, mieux, une harmonisation au niveau européen.

Réagissez à cet article
 (14) 
Nom *
Email *
Votre commentaire * (limités à 1500 caractères)
14 commentaire(s)
[1]
Commentaire par brmomo
mardi 16 octobre 2012 16:45
c est incroyable, on va payer pour que une centrale ne fonctionne pas. l' éolien et le solaire par leur caractère aléatoire vont imposer la construction de centrales qui soit fonctionneront à mi temps soit seront payées à ne rien produire. je croyais que on payait déjà pour installer ces systèmes intermittents. c est vraiment le règne de l idéologie absurde.
[2]
Commentaire par carlino
mardi 16 octobre 2012 18:03
trés bon article . Evidemment ...beaucoup plus cher et polluant en plus car la voix choisie pour l'instant est principalement l'éolien industriel ..technologie irrégulière et aléatoire couplée car des nouvelles centrale thermiques avec toutes ses conséquences économiques et environnementales . payer ce prix pour un tel résultat , voir notre environnement dénaturé et dominé partout par ces machines ...non merci ...c'est ni intelligent ni green . Il y a d'autres voix possibles : toutes les ENR à production régulières ..dans tous les cas nous seront gagnants , la solaire thermique , les économies d'énergie , la géothermie , l'hydrolien etc etc la recherche !
[3]
Commentaire par Hervé
mardi 16 octobre 2012 19:12
Merci pour cet excellent article qui décrit la situation réelle. (Petite erreur, ce n'est pas 400000h par an, mais certainement 4000). Et cela décrit très bien pourquoi la parité réseau est loin d'être suffisante pour qu'une ENR intermittente soit "rentable". A partir du moment ou une production n'est pas garantie, son prix d'achat doit être comparé au cout marginal de l'énergie garantie remplacée. Soit par exemple 10euros le Mwh environ pour le nucléaire. Ainsi l'éolien devrait diviser par 8 son prix de vente pour devenir compétitif sans augmenter la facture. Certaines ENR peuvent être intéressantes, comme le solaire PV par exemple car lorsque elle produit , c'est en phase avec une augmentation de la conso (le jour), ce qui fait qu'on doit pouvoir en intégrer un peu (environ 4% du mix maximum) sans engendrer de surcoût en moyens de substitution.
[4]
Commentaire par carlino
mardi 16 octobre 2012 19:57
@Hervé interessant cette réflexion sur le solaire pv et l'augmentation de conso le jour ...un élément que je n'avais pas réalisé ...qui est un point de plus pour le solaire pv
[5]
Commentaire par brmomo
mardi 16 octobre 2012 20:18
je pense que les 300/400000 h sont pour le parc entier de centrales au gaz j ai une grosse absence , c est quoi le solaire PV?
[6]
Commentaire par brmomo
mardi 16 octobre 2012 20:44
pardon! mon dernier neurone vient de me souffler PV=photovoltaique il ne fait pas bon vieillir.
[7]
Commentaire par brmomo
mercredi 17 octobre 2012 07:53
sur ce forum consacré à l'énergie on a enfin l'impression d'avoir dépassé le stade des pro ceci ou des anti cela.Les personnes qui s'expriment connaissent bien les avantages et les dangers de chaque source d'énergie. Toutes les énergies et surtout l'électrique sont des produits nobles qui doivent dabord être économisés.Il y a longtemps que j ai mis en conformité mes idées et mon comportement à tel point que j ai eu des controles d'installation parceque il était "anormal" que je consomme aussi peu (pareil pour l'eau). à propos des énergies intermittentes je pense qu elles ont plusieurs défauts majeurs. Hors le problème d'intermittence l'éolien et le PV sont beaucoup trop chers (et pour longtemps parceque ce sont des technologies abouties). favoriser leur développement dès maintenant alors que la durée de vie des installations est très courte est à mon avis une erreur. Cela revient à se donner des coups de marteau sur les doigts pour s'habituer à la douleur. Pour ce qui concerne l'intermittence, c'est une nuisance à partir du moment ou cette énergie est mise sur le réseau. il y a un tas de moyens pour utiliser localement et individuellement ces énergies à condition de pratiquer la vérité des prix. Ma réaction un peu vive à propos de cet article est liée au fait (pour moi) que on va trop loin dans le non sens économique en disant la chose suivante: C est normal de mettre dans le réseau ces énergies intermittentes , mais à cause de ce caractère incontrôlé on doit
[8]
Commentaire par brmomo
mercredi 17 octobre 2012 08:02
(suite) on doit, chaque fois que que on installe 100 MW intermittent installer aussi à côté 100 MW de centrale classique à mise en route rapide qui ne servira que à réguler la première et donc de rentabilité faible. Cela me tue de voir comment nos sociétés s'enlisent dans de faux problèmes.
[9]
Commentaire par Hervé
mercredi 17 octobre 2012 19:13
@Carlino L?ondulation de la conso jour-nuit et de l'ordre de 20GW. D'une certaine manière installer 20GW de solaire permet, avec le concours ciblé de l'hydraulique de lac et des STEPS d?éviter le recours au pétrole/gaz et d'approcher un mix électrique presque totalement dé-carboné. 20GW de solaire ça fait a peu près 20Twh, soit environ 5% du mix. On peut le voir comme l'ordre de grandeur de la limite technique du solaire PV associé au nucléaire. Aller plus loin, on retombe dans le problème du gaz, CO2, importations... Tout en gardant a l'esprit que le solaire PV, c'est peanuts entre décembre et février. L'important est de faire le déploiement à un cout acceptable, quand la techno sera aboutie. J'y crois mais fait pas se presser et le faire bien.
[10]
Commentaire par Hervé
mercredi 17 octobre 2012 19:24
@ Brmomo Vous avez parfaitement raison, et bravo pour vos efforts. On peut (en virant tout le superflu) et par pas mal de moyens et comportements diminuer pas mal sa conso. Il faut faire attention de la diminuer et ne pas la reporter sur autre chose (genre gaz / pétrole) car sinon, c'est pas plus durable. Par contre je ne crois pas que l'ensemble de la population adhère. C'est pourquoi une taxe sur l'énergie est pas forcément une mesure idiote, sous réserve qu'elle ne plombe pas encore plus l'économie.(Et c'est la que ça se complique). Je suis (un peu) en désaccord avec vous sur un point: en fait la mise en réseau des ENR n'est pas forcément une mauvaise chose. Les moyens de stockage individuel, c'est pire que gérer le problème collectivement (en quantité de matériaux, plomb,...). Mais là ou vous avez raison, c'est que ça vous apprend à consommer quand l?énergie est abondante, et se serrer la ceinture quand c'est pas le cas. Je suis dans cette situation. Par contre tout le monde ne va pas adhérer à ça, malheureusement. Un réseau en smartgrid permettra peut être de mettre tout le monde d'accord et d'avoir un "optimum".
[11]
Commentaire par brmomo
jeudi 18 octobre 2012 16:23
Hervé. bien sûr que pour moi économies d'énergie n a de sens que globalement, toutes sources d'énergie confondues.bien sûr aussi qu il n y a aucun système de stockage surtout individuel. cela signifie comme vous le dites ,utiliser l'énergie quand elle est là, et donc changer ses habitudes de vie. c est tellement facile maintenant avec la programmation.pour les lessives, le lave vaisselle (pas moi), le chauffage à accumulation tout ça peut se faire quand il y a du soleil.le problème c est que pour le moment le PV est beaucoup trop cher (et j ai du souçi pour le recyclage). vous dites aussi plusieurs fois que les gens ne sont pas prêts d adhérer et que donc il faut une taxe sur l'énergie. je ne crois pas, le véritable combat est de faire évoluer les mentalités pour que les gens y viennent natrellement: par la force on a jamais rien fait (surtout en France) pourquoi ne pas se rendre compte que un simple chauffe eau solaire de volume plus important (voilà un système de stockage), des lave linges qui auraient une admission prioritaire d eau déjà chaude et d autres idées tout aussi bêtes permettraient de se donner énormément de temps pour effectuer des transitions plus réfléchies?
[12]
Commentaire par Hervé
jeudi 18 octobre 2012 19:27
@ Brmomo. Oui tout a fait. Les laves linge a entrée séparée existent déjà, mais sont actuellement hors de prix (à mon avis pas justifié car il s'agit de l'ajout d'une électrovanne et de quelques lignes de code dans le logiciel de la machine). Le législateur devrait faire qq chose car le potentiel d?économies est important sur ce poste et ce sans cout élevé. L'eau chaude est effectivement un moyen de stockage de chaleur, mais sur une durée assez courte (quelques jours maxi) et nécessite lui aussi un appoint (souvent électrique ce qui aggrave le problème de la pointe hivernale). Mais un savant mélange d'isolation, d?électricité (d'origine non carbonée), de bois, de solaire thermique et de pompes à chaleur peut modifier considérablement la consommation sans trop se pénaliser. Le tout est que ça reste à un cout abordable. Concernant le recyclage des panneaux, je ne suis pas certain que ce soit vraiment un problème majeur, comparativement aux inconvénients des autres systèmes.
[13]
Commentaire par brmomo
vendredi 19 octobre 2012 08:03
Hervé, je suis heureux de savoir que je ne suis pas seul sur certaines idées. pour ce qui concerne le recyclage des panneaux PV ce n est pas le silicium qui m inquiète(il finira en silice) mais les grandes quantités (parceque les surfaces de jonctions sont grandes) de dopants utilisés pour faire ces jonctions. la microélectronique est une technologie de surface et donc tous ces poisons (arsenic, phosphore etc..) sont implantés à moins de un micron de la surface (forcément) qui n est pas protégée (forcément) et donc seront les premiers à partir.
[14]
Commentaire par Hervé
dimanche 21 octobre 2012 23:09
@Brmomo Bonjour, Je ne connais pas exactement les dopants utilisés en solaire, mais je ne suis pas certain qu'il y ait des très mauvais produits, du moins dans la techno la plus courante (mais vous avez parfaitement raison, certains semi-conducteurs contiennent de vraies saloperies). De toute façon, concernant les panneaux, ils sont pris dans le verre qui lui même est souvent (mais pas toujours) noyé dans la résine qu'on voit sur le panneau. Pour moi c'est suffisant pour les confiner si une filière de démontage recyclage est organisée par la suite. Il y a probablement des panneaux qui présentent plus de risques pour l'environnement que d'autres, mais je ne crois pas que ce soit un gros problème à terme. On saura sélectionner les plus avantageux. L'impact du solaire PV est certainement positif toutes choses confondues même si ce n'est idéal, loin de là. Et cette techno n'est pas encore mature, elle va continuer à s'améliorer espérons dans tous les sens.
PARTICIPEZ !
Cet espace est le vôtre !
La chaîne Energie de LExpansion.com
vous ouvre ses colonnes. Partagez vos analyses !
Auteur
Jan Horst Keppler, Professeur à l'Université Paris-Dauphine, Chercheur associé au programme Énergie de l'IFRI "Gouvernance Européenne et Géopolitique de l'Énergie" qu'il a dirigé de novembre...

Lire la suite