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Auteur
Caroline Boucq, 22 ans, est étudiante à l'ENSE3 - Grenoble INP

La taxe carbone, un moyen de responsabiliser le consommateur


mercredi 27 février 2013

La taxe carbone reste le meilleur moyen d'action collective pour soutenir les transformations imposées par les risques du changement climatique et la volonté de transition énergétique.


Cet article a remporté le 10eme prix du concours "Génération Energies", décerné par L'Expansion, SIA-Partners et RTE.

Caroline Boucq, 22 ans, est étudiante à l'ENSE3 - Grenoble INP





Alors que les objectifs économiques, sociaux et environnementaux sont parfois difficiles à concilier, la taxe carbone propose un moyen d'action collective pour soutenir les transformations imposées par le changement climatique.

La taxe carbone comme réponse à l'urgence d'agir

Face au consensus scientifique très large concernant le changement climatique en cours, force est de consta-ter que notre modèle énergétique né de la révolution industrielle ne fonctionne plus. Il s'agit de faire face à deux tendances majeures : d'une part la raréfaction des ressources, d'autre part l'augmentation de la consommation. Ainsi, la transition énergétique est aujourd'hui au cœur des débats et tient lieu de passage d'une économie reposant à plus de 80% sur les énergies fossiles à une société dite « post-carbone » dans-laquelle les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent être réduites de moitié d'ici à 2050 afin de prévenir un changement climatique dangereux - selon le GIEC (1). Puisque nous avons affaire à un phénomène global, la réponse à  l'urgence climatique doit être collective, s'efforçant de changer les comportements de chacun à l'aide de moyens certes techniques mais aussi financiers.
Dans ce contexte, la fiscalité écologique est un outil clé. Permettant d'internaliser les externalités négatives engendrées par les activités, elle a l'atout d'intégrer un signal-prix susceptible d'orienter les comportements et les investissements vers une consommation plus responsable. Alors que la France reste en retard en matière de fiscalité environnementale (figure 1), la décision du gouvernement de faire de la transition énergétique un « projet de société » montre la volonté d'agir et de donner sa place au citoyen dans le débat.

La controversée taxe carbone est ainsi revenue au cœur des discussions depuis septembre 2012. Déjà en place dans plusieurs pays européens, elle s'est révélée être un moyen d'action publique efficace notamment en Suède.


























Figure 1 : Part de la fiscalité écologique dans les prélève-ments obligatoires en Europe - Source : Eurostat

Un outil efficace responsabilisant le consommateur

La taxe carbone repose sur le principe du pollueur-payeur. Il s'agit de faire payer tous les agents écono-miques (entreprises, administrations, ménages) x euros pour chaque tonne de CO2 émise du fait de leur produc-tion ou de leur consommation d'énergie. Le choix du taux de départ est déterminant pour garantir l'efficacité de la taxe. Une première idée serait de se référer au prix du marché, à partir du marché des quotas d'émissions CO2 mais, tombé à un niveau historiquement bas le 24 janvier dernier (2,81€/t), celui-ci ne reflète pas le vrai coût du carbone (2).

Une analyse coût-efficacité est alors préférable. Elle repose sur des modèles énergétiques qui présentent des incertitudes mais elle est considérée comme fournissant un signal-prix cohérent. Ainsi un coût de départ de 49€ par tonne émise permettrait à la France de réduire ses émissions de 20% d'ici 2020 (3). L'augmentation progressive et programmée de la taxe est une autre condition de son efficacité. En effet, le consommateur, averti de la progression du prix des émissions a ainsi le temps de faire son choix et de se tourner vers des solutions décarbonées.

Les travaux du comité Trajectoires (4), ont mis en évidence les niveaux de prix en cohérence avec différents objectifs de réduction (5) et les recettes engendrées. Les revenus présentés sur la figure 3 augmentent progressivement avant de décroître : la hausse du taux entraîne une réduction des émissions donc de l'assiette de la taxe et par conséquent des recettes. La taxe montre son efficacité : le consommateur a pris conscience de l'avantage de s'orienter vers une sobriété et une efficacité énergétiques.





















              






 

                                      Figures 2 et 3 : Evolution des prix et des revenus de la taxe carbone
                                         Source : travaux du Comité Trajectoires (3)


Ainsi, en responsabilisant l'ensemble des consommateurs, la taxe est un outil efficace pour agir collectivement en faveur de la réduction des émissions de CO2. Elle reste cependant souvent critiquée et difficilement acceptée.

Rendre la taxe acceptable, un challenge à la portée des gouvernements

Dans un pays tel que la France où la fiscalité est très importante, la taxe carbone ne manque pas d'être criti-quée et nous avons pu constater l'échec de sa mise en place en 2009-2010. Il est vrai qu'en augmentant le prix des produits carbonés, elle affecte le pouvoir d'achat des ménages et la structure de coûts des entreprises. La taxe aurait alors un effet récessif sur l'économie et injuste pour les plus précaires. Dans un contexte économique difficile, comment faire de la taxe un instrument juste et acceptable ?
L'enjeu n'est pas des moindres et la réponse se situe dans la redistribution des revenus générés par la taxe.
Prévoir une compensation ciblée et différenciée selon les niveaux de revenus des ménages est incontournable. Quant aux entreprises, diminuer les charges sur le travail permettrait de compenser la taxe et de freiner les délocalisations.
Mais n'oublions pas que la taxe carbone se veut de répondre à un objectif environnemental tout en préser-vant la compétitivité. Les revenus n'ont alors pas voca-tion à consolider les finances publiques mais à financer la transition énergétique en soutenant les changements technologiques requis. La taxe doit être considérée comme une opportunité pour les entreprises et le gou-vernement. Une étude réalisée par le comité Trajec-toires6 montre l'impact bénéfique sur la croissance et l'emploi d'une redistribution des revenus  sous forme de subventions auprès des entreprises et des ménages, et de fonds d'investissement pour la R&D. La taxe carbone peut alors atteindre un triple objectif environnemental, économique et social en étant intégrée dans la fiscalité nationale.

Subtile à mettre en place, la taxe carbone doit être considérée comme un repère économique voué à responsabiliser le consommateur. Elle est l'impulsion faisant de chacun un acteur de la transition énergétique.

 
NOTES
1.    Groupe Intergouvernemental d'experts sur l'Evolution du Climat. Ce groupe constitue l'instance scientifique internationale en charge de rassembler et d'organiser les connaissances sur le changement climatique, au sein de trois groupes de travail.
Selon les travaux menés en 2007 notamment, la réduction de 50% des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050, par comparaison avec les niveaux d'émissions de 1990, pourrait permettre de prévenir un changement cli-matique dangereux. Différents scénarii tentent de décrire des modèles plausibles d'évolution technologique, de la croissance de la population, de la croissance économique, et des émissions de CO2.
2.    Par coût du carbone, il faut ici entendre le coût moyen de réduction d'une tonne de CO2, appelé aussi coût « d'abattement ». Son estimation est difficile puisqu'il dépend de paramètres très différents selon le secteur économique, la technologie de réduction utilisée et l'énergie employée.
3.    Selon le « Document de travail n°34, Opportunités et coûts potentiels d'une fiscalité environnementale » de Coe-Rexecode élaboré en septembre 2012.
4.    Les résultats du Comité ont été publiés dans le rapport du Centre d'analyse stratégique, « Trajectoires 2020-2050 vers une économie sobre en carbone », Rapport du Comité présidé par Christian de Perthuis, Rapports et docu-ments n° 46, La documentation Française, 2012.
5.    Les scénarii étudiés sont ceux du modèle POLES. Ils considèrent ainsi trois niveaux de réduction différents entre 1990 et 2020 : 20% pour le scénario T20, 25% pour le scénario T25 et 30% pour le scénario T30. Le comité fait l'analyse jusqu'à 2050.
6.    Etude réalisée sur les impacts macroéconomiques d'une taxe carbone - modèles NEMESIS et MESANGE - voir note 4.


SOURCES
*    La taxe carbone, outil de la fiscalité écologique, Le Monde, Jean-Paul Chanteguet, député socialiste de l'Indre et président de la Commission du développement durable de l'Assemblée nationale, 18 octobre 2012
*    Document de travail n°34, Opportunités et coûts potentiels d'une fiscalité environnementale, Coe-Rexecode, Institut d'études économiques, septembre 2012
*    De l'urgence d'une politique climatique, Sciences Humaines, n° 49, HS sur les enjeux sociaux de l'environnement, juillet-août, pp. 18-23, P. Criqui, 2005
*    Conférence environnementale, Feuille de route pour la transition écologique, septembre 2012
*    "La taxe carbone est favorable à la relocalisation de l'emploi", propos de David Martin recueillis par Benjamin Neumann, L'Expansion, 2 juin 2010



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7 commentaire(s)
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Commentaire par Gépé001
mercredi 27 février 2013 12:56
Bravo à Caroline,surtout parce qu'elle défend le niveau de l'INPG et qu'elle ose parler de la taxe carbone.J'aimerais lui faire part de mes réflexions sur la taxe carbone et plus particulièrement sur le financement des retraites par une taxe sur l'énergie.C'est l'aboutissement d'une réflexion qui est basée essentiellement sur la relation entre le cout du travail et le prix de l'énergie dans le domaine de la macroéconomie;l'aspect écologique étant seulement une opportunité.Le projet de financer les retraites par une taxe sur l'énergie reprend les dispositions adoptées pour la taxe carbone,à laquelle on ajoute une contribution de l'électricité;les entreprises sont neutres vis à vis de cette taxe;cela revient à donner un prix plus élevé à l'énergie consommée par les particuliers dont le pouvoir d'achat serait préservé si le montant de cette taxe est utilisé pour réduire le cout du travail en finançant les retraites.Tout ça mérite un développement que je suis prêt à lui transmettre si cela l'intéresse.Merci de votre attention.
[2]
Commentaire par poisson
vendredi 01 mars 2013 17:51
la taxe carbone pour les centrale thermiques surtout !!!! Elles seront de plus en plus nombreuses !!! on va en payer de plus en plus !!!! A cause arrêt du nucléaire et a cause des ENR intermittantes et aléatoires comme l'éolien et le photovoltaique ! pour les retraites on peut aussi la financer en augmentant la TVA sur l'ensemble des produits importables là tout le monde paye même les fraudeur.... tjrs de plus en plus nombreux ! mettre toujours plus de taxe supplémentaires exclusivement sur la cible carbone ,directement sur les Entreprises et particuliers c'est sociologiquement et économiquement dangereux .
[3]
Commentaire par Gépé001
vendredi 01 mars 2013 19:33
Réponse à poisson:merci de votre réaction;c'est une réaction de rejet qui est commune à tout le monde;pourquoi?Il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas d'une taxe supplémentaire,mais du déplacement sur l'énergie des taxes qui affectent actuellement le travail,et qui augmentent le chomage.Les entreprises déduisent le montant de la taxe en réduisant les cotisations sociales et sont neutres vis à vis de cette taxe;le pouvoir d'achat des particuliers sera maintenu,car les prix hors énergie seront réduits.Cela nécessite d'utiliser le produit de cette taxe pour financer les retraites.Ce sera favorable à l'économie:baisse du chomage,meilleure compétitivité,réduction de la dette,supplément de croissance,climat,etc,etc...Mais il faut un leader pour appliquer cette mesure.
[4]
Commentaire par jo73
dimanche 03 mars 2013 20:04
Toute action sur le CO2 n'a de sens qu'au niveau mondial. Une taxe au niveau français ne ferait que nous pénaliser alors que nous sommes en pleine crise économique. Par ailleurs la valeur d'exemple fait référence à une époque révolue où l'occident représentait une part prépondérante de l'économie et n'a plus de sens aujourd'hui. C'est au niveau mondial qu'il faut avancer, ce n'est pas facile mais il faut rester optimiste et humble : La Chine va peut être nous donner des leçons plus tôt qu'on l'imagine depuis notre piedestal....
[5]
Commentaire par Gépé001
lundi 04 mars 2013 08:00
Réponse à jo73;il y a la recherche d'un consensus;la taxe carbone serait acceptée par les écologistes et les socialistes qui recherchent leur soutien;les syndicats seraient favorables à la réduction du chomage et au règlement des retraites;le patronnat serait favorable à l'amélioration de la compétitivité,etc,etc...Le climat est un prétexte pour taxer l'énergie.Excusez-moi d'utiliser cette tribune pour défendre l'idée d'une taxe sur l'énergie qui reprendrait les principes de la taxe carbone.
[6]
Commentaire par Rodrigue Coutouly
jeudi 14 mars 2013 08:33
Tout doucement, les mentalités évoluent : la taxation carbone rencontre un accueil plus favorable qu'il y a quelques années et surtout, on comprend qu'il faut utiliser cet argent pour investir dans la transition !
[7]
Commentaire par Gépé001
vendredi 15 mars 2013 07:47
Le point de désaccord avec Coutouly concerne l'utilisation du produit d'une taxe sur l'énergie;l'argent doit être utilisé pour réduire le cout du travail parce que l'énergie remplace le travail en améliorant la productivité.Ce n'est qu'une justification parmi d'autres.
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