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Auteur
Hugo Le Grill est consultant chez Colombus Consulting

La fiscalité écologique, outil d'un nouveau mode de société


vendredi 08 novembre 2013

L'écotaxe montre la complexité de la mise en oeuvre d'une fiscalité écologique. Mais beaucoup de pays européens sont en avance sur nous.


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Ecotaxe, contribution climat énergie ou avantage diesel, la fiscalité en tant qu'outil d'adaptation aux enjeux climatiques est devenue un sujet de débat au sein de notre société. Des divergences existent sur la définition et la manière de mettre en place une fiscalité dite écologique et la France apparaît en retard sur ce sujet par rapport à ses partenaires européens.

La fiscalité écologique désigne un mécanisme général consistant à taxer les biens ou comportements jugés « polluants » et ainsi favoriser l'achat de biens alternatifs plus vertueux. Les revenus supplémentaires ainsi générés peuvent être orientés de trois manières :

- Financer certains services spécifiques, à l'image de la vignette automobile, initialement sensée financer les retraites et la CSG pour combler le déficit de la sécurité sociale,

- Augmenter tout simplement les recettes de l'Etat, sans avoir d'utilisation spécifique, comme par exemple la TICPE (ex-TIPP) (1), principalement appliquée aux produits pétroliers comme l'essence,

- Compenser par une baisse de la fiscalité sur certains biens vertueux qui ne sont pas nécessairement directement liés aux biens taxés afin d'encourager l'écologie sans augmenter la pression fiscale globale.

Historiquement et compte tenu de la limitation de la fiscalité écologique aux produits pétroliers, c'est surtout la deuxième orientation qui a primé, avec la TICPE qui représente aujourd'hui la 5ème source de revenu de l'Etat. Même si l'écotaxe poids lourds (2) semble avoir été bâtie sur le même modèle, une fiscalité écologique basée sur un modèle compensatoire semble être évoquée aujourd'hui pour pouvoir inciter les comportements vertueux sans ajouter de nouvelles taxes pour les ménages et les entreprises.

Ce défi peut sembler ambitieux et déformateur par rapport à la conception que l'on peut avoir de l'impôt et pourtant, d'autres pays Européens ont su relever le challenge en utilisant une partie de leurs revenus sur des taxes dites « écologiques » pour diminuer les impôts sur le revenu ou le coût du travail.

La France est en retard sur la fiscalité écologique vis-à-vis d'autres pays européens

La fiscalité écologique en France est majoritairement axée sur la consommation de pétrole et dans une moindre mesure sur les activités polluantes. Ainsi, la Taxe Intérieure sur la Consommation de Produits Pétrolier a rapporté à l'Etat 24,8 milliards d'euros en 2011 et les taxes sur les pollutions (dont la Taxe Générale sur les Activités Polluantes) 2,8 milliards d'euros, soit en cumulé 1,82% du PIB 2011. En comparaison, la fiscalité écologique représentait 4% du PIB du Danemark la même année, et 3,9% aux Pays-Bas. La moyenne de l'Union Européenne est de 2,4% du PIB en 2011, plaçant ainsi la France en retrait par rapport à ses partenaires européens.

Ce retard de la France en matière de fiscalité écologique s'explique par une assiette d'imposition plus réduite par rapport à d'autres pays d'Europe. En effet dans certains pays du nord de l'Europe, comme l'Irlande, les Pays-Bas ou la Norvège la part des transports et des activités polluantes dans la fiscalité écologique est bien plus importante qu'en France.

L'élargissement de la fiscalité écologique à d'autres activités polluantes permettrait ainsi à la France de rattraper ce retard.

L'évolution de la fiscalité écologique en France doit prendre en compte une vision globale

Une hausse de certaines taxes, de manière progressive et en y apportant une visibilité pluriannuelle serait le point de départ. En contrepartie, une baisse des taxes sur certains comportements « vertueux » permettrait d'équilibrer le système. Les taxes augmentées et les taxes diminuées n'auraient pas nécessairement la même assiette.

Par exemple, il est envisageable de moduler les impôts locaux des propriétaires selon l'excellence énergétique de leur logement. Cette hausse devrait être compensée par une baisse dans un autre secteur, par exemple sur certains produits agroalimentaires de grande consommation, issus d'une agriculture responsable. Cette baisse permettrait ainsi d'équilibrer les recettes et de favoriser des comportements vertueux.

En parallèle une incitation à la réhabilitation énergétique des logements devrait être entreprise, en y maintenant une déduction fiscale sans créer d'effet d'aubaine, ce qui pourrait favoriser la croissance via la création d'une nouvelle filière d'avenir, à condition que la création d'emplois se fasse bien sur le territoire français. La hausse des taxes permettrait ainsi l'émergence d'une filière alternative, avec un délai cependant significatif à ne pas négliger pour donner le bon rythme de hausse aux taxes écologiques.

Notes

1 - Taxe Intérieure de Consommation des Produits Energétiques

2 - L'écotaxe poids lourds a été votée dans le cadre de la loi Grenelle 1 en 2009. Elle a vocation à être payée par le transporteur et sera répercutée sur les chargeurs, commanditaire de la prestation de transport. Elle concerne tous les poids lourds, français et étrangers, de plus de 3,5 tonnes et circulant en France métropolitaine.

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14 commentaire(s)
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Commentaire par patrig k
vendredi 08 novembre 2013 19:34
sera répercutée sur les chargeurs, puis répercuté ici ou là, en définitif , le consommateur contribuable payeur , le point d'équilibre délicat /////////// pour l'écotaxe, c'est sa collecte qui pose problème et avant toute chose !
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Commentaire par Gépé001
samedi 09 novembre 2013 08:17
L'objectif est de reporter sur l'énergie une partie des charges sociales qui affectent le travail;il faut lire la thèse d'Emmanuel Combet et la note n°6 du conseil d'analyse économique du premier ministre.Inutile de discuter si vous n'avez pas lu ces documents;c'est difficile à comprendre avec notre manière de raisonner en séparant la notion de prix de l'énergie et de cout du travail.Bonne lecture et ensuite nous en reparlerons!A plus tard.
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Commentaire par carl
samedi 09 novembre 2013 08:50
fiscalité, taxe ..j'aime pas, c'est punitif et anti dynamique , surtout quand c'est discriminatoire ou que ça plombe les Entreprises France ...exemple l'ecotaxe qui est pour moi de la pure stupidité totalement improductive . Je préférerais aux taxes, des encouragements à la qualité , au haut de gamme , aux produits saints pour l'alimentaire .....aussi , .beaucoup d'Entreprises travaillent en flux tendu ( zero stock ) ..on pourrait fiscalement encourager le stockage par exemple ...on réduirait ainsi le trafic routier ...c'est quand mieux que des taxes qui ne servent à rien et qui ne feront qu'augmenter le prix des produits et qui pénalisent nos Entreprises ! concernant la phrase de Hugo le grill " envisageable de moduler les impôts locaux des propriétaires selon l'excellence énergétique " c'est tout simplement monstrueux de dire ça ....on va couler encore plus les revenus moyens ...les plus riches, eux, seront toujours plus dans le confort !
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Commentaire par Gépé001
samedi 09 novembre 2013 09:01
Réponse à patrig k;c'est toujours le consommateur final qui paie;on peut passer par les entreprises qui augmenteront leurs prix,par les transporteurs qui chercheront à réduire leurs couts;on peut aussi s'adresser directement au consommateur final;qu'elle est la meilleure solution?Il faut tenir compte de la notion de double dividende.La taxe poids lourds avait une logique mais son cout réduisait son efficacité.Ou est la meilleure solution?Merci de votre attention.
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Commentaire par Fabien
samedi 09 novembre 2013 12:14
@Carl. Justement, les flux tendus existent grâce à une énergie qui ne vaut quasiment rien, avec force camions très flexibles mais très polluants. En augmentant le prix de l'énergie par des taxes, le stockage ou des moyens de transports moins polluants (ex : trains) deviennent plus compétitifs. Mais de manière générale, on ne paye pas les coûts complets : les externalités des énergies fossiles polluantes sont énormes et en aucun cas intégrés dans leur prix ; La mise en place de taxes permet d'internaliser une partie de ces nuisances qui sont actuellement payées par ailleurs, mais par d'autres acteurs ou les contribuables. Autre ex, le tabac : les taxes représentent 1 Milliard d'? par an, les couts de la sécu pour les conséquences du tabac 3 milliard => les non fumeurs payent pour les fumeurs. etc ... @Gépé001. Merci pour les 2 références, la thèse de E.Combet a l'air très intéressante. J'aurais bien aimé qu'il y ait un résumé de qq dizaines de pages, plutôt que les seules 400p. de sa thèse complète.
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Commentaire par Fabien
samedi 09 novembre 2013 12:35
Exemple de résultat de la TIPP, sur le long terme : elle a permis de faire des voitures consommant 2 fois moins que les voitures aux USA. NB : General Motors a fait faillite aux US ; ce n'est pas le cas des constructeurs français (avec une taxe plus forte, ces derniers iraient d'ailleurs surement mieux qu'actuellement ; mais ils ont échappée à la faillite grâce à cette taxe). Avoir en tête que la France fait un beau chèque de près de 70 milliards d'euros par an pour acheter ses énergies fossiles (avant tout du pétrole, dont le pic conventionnel de production a été atteint vers 2006), soit en gros la totalité de notre définit commercial français. On doit être dans les 600 milliards au niveau européen. Donc des mesures de taxes et de réglementations permettant d'organiser et de pousser tous les acteurs économiques et les consommateurs vers moins de consommation va dans le bon sens. Dans le cas inverse, attendons nous à des faillites et des craquements, un peu partout dans notre société (ça a déjà commencé).
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Commentaire par carl
samedi 09 novembre 2013 22:02
q'un seul mot à la bouche taxes !!!! c'est à la mode .... vous pensez à l'envers ...les taxes c'est tout ce qu'il y a de plus négatif ! on va en crever ....et puis pour l'ecotaxe c'est bien le consommateur final qui va payer ....et qui va profiter du rail subventionné par l'écotaxe ? ...Majoritairement les Entreprise étrangères en transite bien entendu !
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Commentaire par Gépé001
dimanche 10 novembre 2013 08:09
L'auteur de cet article exprime la nécessité de prendre en compte une vision globale;cela correspond à la notion de double dividende de E.Combet,à la relation entre cout du travail et prix de l'énergie du conseil d'analyse économique;c'est ce qui est difficile de faire admettre par l'opinion publique.Que nos économistes nous expliquent cette relation.Dans une émission de C dans l'air,deux économistes avaient exprimé l'idée que notre cerveau a deux hémisphères,l'un raisonne en cout du travail et l'autre en prix de l'énergie,et qu'il faut établir une relation entre ces deux hémisphères;c'est ce qui correspond à une vision globale!Cela mérite plus de développement.
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Commentaire par Fabien
dimanche 10 novembre 2013 10:03
Carl, on "crêve" déjà des dégâts et coûts non internalisés par le pétrole ou le charbon (de manière générale par les pollutions de toute sorte), par million, chaque année ; et on fait même des guerres pour s'approprier ces ressources. L'idée est de taxer ce qui nous emmerde et de détaxer ce qui nous emmerde moins (par ex, le travail, trop taxé à ce jour, ou de manière générale ce qui est peu nocif). Je vous conseille qq lectures assez rapides intéressantes : http://www.manicore.com/documentation/taxe.html http://www.rue89.com/2013/10/18/impots-pourtant-ils-baissent-depuis-30-ans-246755 http://alternatives-economiques.fr/blogs/gadrey/2013/10/02/ras-le-bol-fiscal-ou-ras-le-bol-de-l%E2%80%99injustice-fiscale-et-des-inegalites-indecentes/
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Commentaire par carl
dimanche 10 novembre 2013 18:28
@ fabien ...vous croyez que l'Ecotaxe va diminuer le trafic routier ....non pas d'un camion , pas d'un gramme !....cette taxe dite écologique sera tout simplement répercutée aux clients donc au consommateurs ...c'est pas 1.5 ou 2 % qui vont limiter les transports routier ...c'est donc une taxe inefficace ou fausse qui ne réduira pas d'un litre nos importations de pétrole !!! Je rappelle que c'est Borloo et NKM qui ont imaginés cette taxe !!! par contre , donner des avantages fiscaux aux Entreprises qui font des efforts de stockage sur les matières premières de longue vie ...alors oui on pourrait améliorer les choses .
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Commentaire par Fabien
dimanche 10 novembre 2013 20:45
Si cette taxe se borne à rester très basse elle servira peu et sera une mauvaise taxe, je suis d'accord sur ce point. Une bonne taxe pour les combustibles fossiles doit être visible sur le long terme (par ex 30 ou 50 ans) et devenir petit à petit importante en valeur réelle (c'est-à-dire augmenter plus vite que l'inflation et la hausse (possible) des salaires). **** Pour ce qui est de l'écotaxe, je vous invite à écouter 10min de cette émission à partir de 3min30, on en parle et c'est la seule émission où j'ai entendu dire des choses intéressantes sur le fond : http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=758476. **** A noter que tous les partis ont voté cette écotaxe, pas seulement Borlo/Nkm, et une bonne partie des pays européen appliquent déjà cette écotaxe ; le principal reproche à faire est son mode de recouvrement. **** PS : le retour à la ligne est impossible sur ce site ?
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Commentaire par Gépé001
dimanche 10 novembre 2013 21:30
Ce débat entre Carl et Fabien est très intéressant,car il montre bien la difficulté d'avoir une opinion objective.Cela me ramène à la thèse de E.Combet qui analyse le débat pour la mise en place de la taxe carbone(1er chapitre).On retrouve les mêmes arguments.Je précise que l'efficacité d'une taxe dépend de son montant mais aussi de l'usage du produit de cette taxe.
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Commentaire par Gépé001
mardi 19 novembre 2013 07:46
C'est peut-être trop tard pour réagir,mais je propose que Béatrice engage un débat sur la réforme de la fiscalité et permette de présenter les avantages de la fiscalité dite écologique.Il faut utiliser les arguments de Bruno le Gall,de Emmanuel Combet,du CIRED,des rédacteurs de la note n°6 du CAE,de Guillaume Sainteny....Merci .
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Commentaire par Gépé001
mardi 19 novembre 2013 07:49
Pardon,il s'agit de Hugo le Grill.
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