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 - Ecole Centrale de Paris

Auteur
Jérôme Moiziard, 22 ans, est étudiant à l'Ecole Centrale de Paris.

La filière hydrogène a de l'avenir


vendredi 18 mars 2011

Ce papier sur l'avenir de l'hydrogène en tant que vecteur énergétique a remporté le concours 2011 "Génération Energies". Jérôme Moiziard est étudiant à l'Ecole Centrale de Paris.



Conformément au thème du concours 2011, Enertopia, l'auteur imagine ici le paysage énergétique en 2050.
L'article a été présente sous le titre : "
L'hydrogène, PAC'te pour l'avenir !". Allusion à l'acronyme de la Pile A Combustible dont le principe est de produire de l'électricité par oxydation d'hydrogène et réduction simultanée d'oxygène avec pour seuls sous-produits de l'eau et de la chaleur.




Boudé, décrié, condamné dans les années 2000, l'hydrogène en tant que vecteur énergétique s'est imposé aujourd'hui en 2050 comme le substitut incontesté aux énergies fossiles post peak-oil...


Retour sur un destin jonché d'embûches...
 
Des balbutiements aux levées des verrous technologiques...
 
A l'instar des propos tenus par Bill GATES en 1981 : « 640 kB ought to be enough for anyone », il semble qu'Anthony PERL, alors professeur à HARVARD, se soit fourvoyé lorsqu'en 2010 il déclarait « Hydrogen has no future as a fuel substitute ».

Et pour cause, bien malin qui aurait pu prédire cet essor fulgurant, tant la conjoncture était mauvaise à l'époque. Les enjeux culminaient à la hauteur des risques encourus : approche imminente et inéluctable du peak-oil, bilan alarmant du GIEC en 2001, prévision de croissance drastique de la consommation d'énergie primaire parallèlement à l'épuisement des réserves ultimes... Comment, dans ces conditions, approvisionner la demande énergétique mondiale dans un souci constant de développement durable ?

C'est bel et bien la pile à combustible qui apporta historiquement les premiers éléments de réponse. Au rythme des chocs pétroliers successifs, les enveloppes budgétaires sont venues doper les programmes de recherche pour finalement parvenir à lever les verrous technologiques entravant son développement.

Cet élan fut originellement insufflé par le secteur des transports qui se retrouvait en effet au cœur de la tourmente : il représentait 30% de la consommation énergétique globale sachant que 97% de l'énergie primaire qui y était consommée provenait de ces ressources fossiles, contribuant ainsi à en faire un pôle important d'émissions de Gaz à Effet de Serre (GES).

Deux avancées majeures furent salutaires pour l'avènement de l'hydrogène : s'émanciper d'abord de l'utilisation du platine dans sa production, et parvenir à le stocker de manière acceptable socialement et techniquement. Cette dernière prouesse fut permise grâce aux propriétés des nanomatériaux (cf illustration)
capables de stocker le dihydrogène dans des structures tout en respectant les multiples critères de performance dictés par le DOE.

Grâce à l'atteinte de cette haute densité énergétique couplée à l'innocuité de cette forme de stockage, l'hydrogène supplanta définitivement le pétrole dont l'hégémonie était remise en cause.

... vers l'émergence de champs d'application insoupçonnés.

Comme le soulignait en son temps l'astrophysicien Hubert REEVES : « Pour explorer le champ des possibles, le bricolage est la méthode la plus efficace ».

C'est en effet au gré d'améliorations incrémentales que, de proche en proche, la filière hydrogène a pleinement contribué à la refonte du paysage énergétique mondial.

Et c'est paradoxalement l'industrie pétrolière qui lui donna un second souffle. En effet, dès les premiers signes avant-coureurs du peak-oil, l'International Oil Company (IOC) TOTAL créa avec AREVA un Groupement d'Intérêts Economiques (GIE) visant à produire massivement de l'hydrogène sur le site même des champs pétrolifères pour exploiter des puits devenus rentables grâce à l'hydrogénation. Fort de ce cumul d'expérience, AREVA parvint à mettre sur pied, d'abord en France puis dans le monde entier, un véritable parc de production d'hydrogène dont les usines étaient jumelées aux centrales nucléaires. La chaleur des réacteurs permet en effet d'obtenir d'excellents rendements de production par électrolyse de l'eau à haute température. Cette synergie entre le nucléaire et la filière hydrogène adoucit les mœurs, d'autant plus que les générations III et IV fonctionnent maintenant de concert, les déchets HAVL des EPR8 sont incinérés dans le cœur des RNR9 qui produisent à leur tour du combustible pour les EPR.

L'autre impact providentiel de l'avènement de la filière hydrogène fait écho à la nécessité impérieuse de produire l'électricité sans aggraver le dérèglement climatique. Les énergies renouvelables intermittentes y trouvent ainsi un moyen de stocker leur énergie pour la distribuer lors des pics de charge grâce à des PAC de forte puissance. Bon nombre de pays de l'OCDE ont donc pu troquer leurs centrales thermiques classiques obsolètes contre des générateurs dits « propres », annihilant ainsi leurs émissions de GES. L'implémentation de ce nouveau système électrique est d'autant plus facilitée pour les Gestionnaires de Réseau de Transport (GRT) qu'ils ne doivent plus faire face aux conséquences néfastes de la production décentralisée puisqu'ils sollicitent la PAC en fonction de la demande. Cela évite l'écueil des creux de tensions et l'absorption ou l'injection de puissance réactive et d'harmoniques sur le réseau.
 
 
Des limites qui s'estompent sans pour autant disparaître.
 
Si aujourd'hui dans les pays de l'OCDE et les Nouveaux Pays Industrialisés (NPI), la filière hydrogène entretient l'espoir d'une énergie meilleure qui placerait enfin l'homme en symbiose avec son écosystème, la situation s'annonce sous des auspices bien différents dans d'autres endroits du monde.

Le leitmotiv du développement durable est aux antipodes des exigences de croissance et retour sur investissements rapides pratiquées par les Nouveaux Pays en Voie de Développement (NPVD). Ceux-ci exploitent à outrance le charbon dans leur industrie, facile d'accès et rentable, mais fortement émetteur de GES.

Cependant l'hydrogène pourrait, ici encore, incarner une voie de recours. La Chine s'est évertuée depuis 2035 à implémenter sur 100 de ses centrales au charbon un procédé de captage du CO2 particulier : le captage pré-combustion. Il consiste à convertir le charbon en un gaz de synthèse duquel on va extraire le CO2 et récupérer du dihydrogène pour produire de l'énergie. Les yeux se tournent à présent vers Johannesburg qui accueillera en 2051 la 57e Conférence Mondiale sur le Climat dont la principale attente réside dans la généralisation de ce procédé de captage innovant à tous les NPVD.
 
S'il est encore indéniable aujourd'hui que l'avenir de la planète demeure en porte-à-faux, les améliorations notoires apportées depuis le début du XXIe siècle par le développement de la filière hydrogène laissent cependant filtrer une lueur d'optimisme. Les ressources de la planète étant en effet certes limitées ; il y aura toujours des hommes aux ressources, elles inépuisables, pour imaginer et mener des projets d'envergure qui feront que l'utopie d'aujourd'hui sera la réalité de demain.


Légende de l'illustration:

3 commentaire(s)
[1]
Commentaire par Roberton
samedi 19 mars 2011 18:16
Comme toujours, tout dépend des ordres de grandeurs, il y a un monde entre un labo et une unité de production industrielle. Aurez-vous du titane et du carbone suffisant pour 1 milliard de voitures, 20.000 avions, les navires, les camions et les trains? Et notre alimentation qui a multiplié sa production par 7 au XX siècle, grâce aux engrais chimiques, produits phytosanitaires et à la mécanisation (100 à 150 litres de diésel/ha), dépendantes du pétrole. En 2000 la consommation mondiale de pétrole était de 75Mbs/j, aujourd’hui 90Mbs/j soit plus de 13 millions de tonnes par jour, si nous devions les remplacer avec des algues ayant 50% de lipides, et même avec un bon rendement, 39 millions de tonnes par jour est un minimum. Or nous avons consommé toute la biomasse produite possible en une année fin août !!! L´hydrogène ne sera pas le substitut incontesté aux énergies fossiles post peak-oil, nous devrons avoir un mix de toutes les énergies renouvelables et optimiser notre consommation d´énergie.
[2]
Commentaire par Jérôme
dimanche 20 mars 2011 09:36
Bonjour Roberton,

Je vous rejoins tout à fait sur l'idée qu'il serait illusoire de substituer à l'hégémonie du pétrole une économie de l'hydrogène toute puissante. Cela reviendrait à s'enfoncer dans les mêmes travers que l'on connaît aujourd'hui et que vous citez à juste titre. Si l'on se fie au pessimisme ambiant dans lequel on vit, force est de constater que la solution miracle n'existe pas à l'heure actuelle (exception faite de la fusion qui pourrait poindre à l'horizon ? mais c'est un autre débat...), et penser qu'une source énergétique aurait le dessus sur toutes les autres relèverait tout simplement de l'utopie. L'utopie justement, c'était précisément le thème de cet article. C'était l'occasion de s'affranchir de ces contraintes qui existent pourtant bel et bien, de remettre en question ce qui, aujourd'hui, nous semble évident ou perdu d'avance, pour "imaginer le paysage énergétique de demain" avec un regard vierge de tout préjugé ou idée préconçue.

[...]
[3]
Commentaire par Jérôme
dimanche 20 mars 2011 09:38
[...]

Comme beaucoup d'experts s'accordent à le dire, l'avenir se construira autour d'un mix énergétique varié, équilibré et respectueux de l'environnement. Pour amorcer ce changement, deux leviers principaux se présentent : augmenter les rendements de production et/ou réduire notre facture énergétique. L'optimisation de notre consommation d'énergie que vous soulignez suppose une profonde remise en cause de nos comportements. En effet, jusqu'à présent, l'Homme moderne a produit à outrance se souciant peu des répercussions sur son écosystème. Une (r)évolution doit donc s'opérer. La principale idée avancée dans cet article est la suivante : c'est une rupture technologique (en l'occurrence l'avènement de la filière hydrogène) qui sera à l'initiative de cette (r)évolution.

L'argument sous-jacent reprend la théorie de l'évolution économique de Schumpeter qui place l'innovation au coeur des transformations structurelles importantes. Dans cet article, la percée de l'hydrogène incarne le déclic à l'origine de ce changement de paradigme. S'ensuivra toute une "grappe d'innovations" qu'évoque Schumpeter pour illustrer sa thèse.

En plaçant l'hydrogène sur un piédestal, l'article se veut résolument provocateur pour signifier que la rupture technologique est possible, pourvu que l'on s'en donne les moyens.
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Auteur
Jérôme Moiziard, 22 ans, est étudiant à l'Ecole Centrale de Paris.

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